YouTubeKenya : Google refuse de supprimer un clip contre l’homophobie

Par Julie Baret le 16/03/2016
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Au Kenya, les autorités gouvernementales ont ordonné la suppression d’un clip vidéo dénonçant l’homophobie dans le pays, mais Google s'y refuse.

Cela fait déjà trois semaines que la branche kényane de Google tient tête aux autorités gouvernementales du pays. A la fin février, le Kenya Film Classification Board (KFCB) ou comité kényan de classification des films, a effectivement mené une action contre le clip "Same Love" du groupe kényan Art Attack. Il s’agit d’une reprise du célèbre titre de Macklemore et Ryan Lewis, lui-même produit à l’occasion de l’ouverture du mariage aux couples de même sexe en Californie en 2012.

Un clip de rap pour dénoncer l'homophobie

La vidéo publiée le 15 février par Art Attack compile des scènes d’amour et d’affection entre couples de même sexe et des extraits de la mobilisation pro-LGBT menée à Nairobi l’année dernière. Le clip expose aussi les portraits de Binyavanga Wainaina, une des rares figures ouvertement gays dans le pays, et George Barasa, chanteur gospel ayant révélé son homosexualité en 2013.
Mais la vidéo s’emploie surtout à dénoncer la politique homophobe menée dans le pays, les souffrances qu’elle entraine chez les Kényans LGBT, exhortant à « avoir de nouvelles lois »… Le clip se conclue même par le suicide d’un des protagonistes.

L’homosexualité, un crime puni par plusieurs années d’emprisonnement

En effet, le Kenya considère l’homosexualité comme un crime « contre l’ordre naturel » au même titre que la zoophilie, puni par une peine de prison pouvant allant jusqu’à 14 ans de détention. L’année dernière, le vice-président William Ruto déclarait même qu’ « il n’y a pas de place pour les homosexuels au Kenya ».
D’après le directeur du KFCB, Ezekiel Mutua, le clip d’Art Attack participe à promouvoir l’homosexualité, or :

Le Kenya ne doit pas permettre aux gens de devenir les Sodome et Gomorrhe à travers une incitation psychologique de tels contenus.

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Ezekiel Mutua, directeur du Kenya Film Classification Board

Pour le groupe, le but du clip de "Same love" est surtout d’alerter le pays et d’ouvrir le dialogue sur les questions LGBT :

Notre intention était de déclencher une conversation et de montrer aux gens la réalité des couples gays, et nous sommes heureux que cela fonctionne

Une ordonnance de suppression restée lettre morte

Le 22 février, Le KFCB a ainsi livré une ordonnance pour bannir la vidéo, interdire sa distribution, et exhorter Google à la supprimer sous une semaine.
Google Kenya refuse pourtant de répondre à la demande d’interdiction, plaidant qu’il n’a pas le pouvoir d’agir sur Youtube, et en avançant sa philosophie de transparence et de liberté d’expression. Pour l’heure, la vidéo bénéficie d’un simple message d’avertissement sur son contenu.
Comble de l’ironie, la volonté d’interdiction de la KFCB ayant été relayée sur Twitter avec un lien vers la vidéo, elle a finalement boosté le visionnage du clip d’Art Attack, qui comptabilise pour l’heure plus de 160 000 vues.
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