FacebookQuand les lois anti-gay américaines oscillent entre hypocrisie et sadisme

Par Jérémie Lacroix le 06/04/2016
lois anti-gay

Bien que certains États américains aient finalement abandonné leurs lois anti-gay, d'autres semblent déterminés à les maintenir. C'est le cas de la Caroline du Nord et du Mississippi, suscitant l'indignation de l'opinion et des grandes entreprises.

Comme nous vous l'indiquions récemment, le gouverneur de l'État américain de Géorgie Nathan Deal a finalement refusé de signer la loi anti-gay HB 757 votée par le Parlement local. Cette décision fait suite aux menaces de boycott et à la forte mobilisation populaire face à une loi jugée rétrograde et discriminatoire.
Pourtant, le pas en arrière de la Géorgie ne signe pas l'arrêt des législations homophobes à travers les États-Unis. D'autres États américains sont déterminés à appliquer de telles législations en réaction à la décision historique de la Cour Suprême de légaliser le mariage pour tous sur l'ensemble du territoire américain.
En effet, pour certains législateurs de ces États, la décision de la Cour Suprême menace la liberté religieuse, censée être garantie par le Premier amendement de la Constitution américaine. A leurs yeux, l'obligation d'une égalité de traitement devant la loi, notamment devant le mariage - et ce sans considération de l'orientation sexuelle des administrés -  induit une entorse aux convictions religieuses de nombreux américains. Dès lors, ils considèrent qu'ils se doivent de promouvoir des lois pour rétablir leur liberté bafouée.

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Capitole de l'État du Mississippi

Le Mississippi protège la liberté religieuse au détriment des homosexuels

C'est le cas de l'État du Mississippi qui a adopté hier la loi anti-gay HB 1523 puisque le gouverneur Phil Bryant vient d'y apposer sa signature ; ultime étape pour sa pleine application.
Cette loi vise à "protéger la liberté religieuse et les convictions morales des individus, organisations et associations privées...", comme l'a indiqué sur son compte Twitter le gouverneur de l'État. Concrètement, il sera désormais possible de refuser aux homosexuels certaines prestations sociales et services comme le soutien psychologique, l'accueil dans des refuges de sans abris ou la possibilité de devenir famille d'accueil. Pis encore, les hôpitaux religieux pourront refuser de soigner un patient au regard de son orientation sexuelle. Ce qui signifie que la vie d'un homosexuel a moins d'importance que les convictions religieuses de certains américains.
Le comble dans cette affaire, c'est que le gouverneur explique que tout ceci a pour but de "protéger (les croyants) des mesures discriminatoires prises part le gouvernement fédéral", lequel "interfère dans la vie des personnes (par la décision de la Cour Suprême ndlr) desquelles dérive tout le pouvoir de cet État". Pourtant, il indique également que cette "loi ne limite aucun droit protégé constitutionnellement". Hypocrisie ou mauvaise foi, notre cœur balance...

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Capitole de l'État de Caroline du Nord

La Caroline du Nord s'attaque aux transsexuels dans l'espace public

Avec la loi anti-gay HB 2, récemment signée par le gouverneur Pat McCrory, la Caroline du Nord va encore plus loin en appliquant une loi d'un sadisme inouï.
En effet, la loi stipule que les transsexuels devront utiliser les toilettes qui correspondent à leur sexe de naissance, comme indiqué sur leur état civil. L'argument avancé par les défenseurs de la loi est édifiant. Il s'agirait d'éviter tout risque de viol de femmes par des hommes devenus femmes...
La situation est tellement ubuesque qu'on a peine à y croire. Si ce genre d'agression peut évidemment arriver, il y a fort à parier que les femmes transsexuelles risquent davantage de se faire elles-mêmes agressées en fréquentant des toilettes pour homme que d'agresser des femmes dans des toilettes qui devraient leur être logiquement réservées. C'est en tout cas ce que souligne les statistiques et les défenseurs des droits.
Cette loi particulièrement sadique force donc des personnes transsexuelles à fréquenter les toilettes du sexe opposé ; sexe auquel elles ont décidé de renoncer après un combat le plus souvent difficile.
Pour les ONG, il ne fait aucun doute que les motivations de ces lois sont ailleurs, qu'elles tirent leur origine dans l'intolérance, l'ignorance et les peurs de certains américains, plutôt que dans les hypothétiques agressions que le législateur cherche à éviter.
 

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Dan Schulman, PDG de Paypal

Mobilisation populaire et boycott du monde économique

Fort heureusement, la mobilisation de l'opinion et du monde économique est extrêmement forte. De Hollywood à Disney en passant par la finance (Bank of America...) et les plus grandes entreprises américaines (Facebook, Apple, Coca Cola...), nombreux sont ceux à s'être élevés contre des législations qu'ils considèrent comme allant à l'encontre de leurs valeurs voire comme étant nocives pour le sacro-saint business.
Certains sont même allés plus loin en renonçant purement et simplement à des investissements dans les États concernés. C'est le cas de la société Paypal qui vient d'annoncer qu'elle ne s'installerait finalement pas à Charlotte, la plus grande ville de Caroline du Nord. L'investissement d'un montant de 300 millions de dollars devait créer 400 emplois dans la ville. Pas sûr que cette loi résiste longtemps à la pression des acteurs économiques et à la vindicte populaire. Vindicte populaire dont les gouverneurs pourraient tôt ou tard faire les frais...
Crédit photo de couverture : Eduardo Barraza/Demotix/Corbis