Marche des fiertésIls portaient un brassard noir à la Marche des fiertés de Paris

Par Julie Baret le 03/07/2016
brassard noir Marche des fiertés de Paris Orlando

À l’occasion de la Marche des fiertés de Paris, TÊTU a recueilli les impressions des marcheur.se.s qui ont rendu hommage aux victimes d'Orlando en portant un brassard noir.

Samedi avait lieu la Marche des fiertés de Paris. Reportée, raccourcie et placée sous haute sécurité, la parade s’est finalement déroulée sans encombre et a célébré de manière festive et engagée la communauté gay, lesbienne, bi et trans, trois semaines après le décès de 49 personnes dans une boîte de nuit gay à Orlando.
En soutien aux victimes et à leur famille, l’inter-LGBT encourageait les marcheuses et les marcheurs à porter un brassard noir ; une indication largement suivie parmi les rangs militants et associatifs, mais aussi par certains participants. Nous en avons interrogé quelques-uns pour qu’ils nous en expliquent les raisons.
À commencer par le Gay Moto Club, une des plus vieilles associations LGBT de France qui fêtait récemment ses 35 ans et qui ouvrait la Marche grâce à des motos estampillées au logo de soutien à Orlando : « We stand with Orlando ». Parmi eux, Daniel, 52 ans, a tenu à mettre un brassard noir car il déplore que face à une telle barbarie, il n’y ait pas d’unité nationale en France :

On s’aperçoit qu’il y a des victimes qui ont plus d’importance que d’autres et qu’il y a une unanimité quand des policiers ou des gens à la terrasse d’un café, en revanche, quand c’est Charlie Hebdo on dit « ils l’ont bien cherché » et quand c’est des gays on n’en parle pas trop. Donc pour l’égalité [je porte un brassard noir] car on est tous des victimes.

Une opinion partagée par Fabienne de la Fédération française des motards en colère (FFMC), qui a répondu à l’invitation du Gay Moto Club par solidarité. Cette dernière n’est « pas spécialement brassard » mais a toute de même décoré sa moto de la bannière arc-en-ciel et de celle d’Orlando car :

On est tous concernés par les discriminations quelles qu’elles soient : on est une femme, on est petite, on est motard, on est gay, on est lesbienne, on est syndicaliste, on est noir. Pour moi, le message important c'est la lutte contre toutes les discriminations.

« Cette année, encore plus que les autres, on est là »

Un peu plus loin, trois hommes partageaient un repas en terrasse d’un café situé à quelques mètres du musée du Louvre : le point de vue idéal choisi par Christophe, 50 ans, Joshua, 48 ans et Sébastien, 33 ans pour assister au départ de la Marche. Ces deux derniers vivent en régions, et après les attentats, ils ont hésité à venir à la Marche, puis sont finalement venus munis d'un brassard noir pour défendre les droits LGBT. Christophe lui est parisien, et ce jour-là il regrettait une « tension beaucoup plus palpable que vingt ans en arrière », un « recul en arrière » d’autant plus « terrible à vivre » que l’on « est dans une société qui est supposée évoluer ».
Surtout, il souligne la forte analogie entre l'attentat d'Orlando et les émeutes de Stonewall qui auguraient la naissance du militantisme homosexuel aux Etats-Unis en juin 1969, et que les Pride du monde entier célèbrent chaque année depuis :

Cette année, encore plus que les autres années, on est là. Le brassard noir c’est pour être solidaire aux gens qui étaient dans une discothèque pour s’amuser. Ils étaient libres.
La Gay Pride, la Marche des fiertés, il faut se souvenir que c’était Stonewall : des gens qui étaient dans une discothèque, qui étaient là pour leur liberté, qui se sont battus contre des policiers et qui sont sortis dehors pour dire « on est libre, on veut être comme tout le monde. Et nous c’est ce qu’on veut : on vient à ces Gay Pride, à ces Marches des fiertés, pour dire qu’on est là, on est libres, on veut vivre comme tout le monde.
Ce qui est bien à une Gay Pride c’est qu’on accepte tout le monde : des hommes, des femmes, bleus, blancs, aux couleurs de l’arc-en-ciel… On ne regarde pas comment sont les gens et on voudrait que les gens nous acceptent comme ça. Alors c’est bien on a eu le « mariage pour tous », mais il y a d’autres choses (…) c’est pour ça que ces Marches sont importantes. Moi de toute façon attentat ou pas, je viens.
D’après moi il ne faut pas avoir peur, c’est maintenant qu’il faut se montrer. C’est pour ça que je porte ce brassard, pour dire qu’on n’a pas peur.

« Je viens pour le pouvoir de la liberté »

Magali et Abdoulaye non plus n’ont pas eu peur de marcher depuis le Louvre jusqu'à la Bastille samedi. A 39 et 27 ans, ce couple « vient chaque année [à la Marche], mais là on a rajouté le brassard par rapport à ce qu’il s’est passé à Orlando » explique Magalie, car « on sera toujours là, à chaque Gay Pride, pour que ça avance et que tous nos amis puissent vivre comme nous et pour ne plus voir ce qu’il s’est passé à Orlando, tout simplement ». Abdoulaye avoue pourtant avoir un peu hésité avant de venir, mais a été rassuré par le dispositif policier mis en place et s’est dit « pourquoi ne pas y aller encore une fois ? » Originaire du Sénégal où l'homosexualité est pénalement réprimée, il lui semblait d'autant plus important de défiler :

Moi je viens d’un pays où être gay c’est interdit et ça entraîne encore des peines de prison, donc je viens pour le pouvoir de la liberté.

Adossés aux murets qui bordent le Quai François-Mitterrand, il y avait aussi Jean-Luc, 50 ans, et son compagnon Daniel, 61 ans. Ensemble depuis 45 ans, ils se sont rendus à la Marche des fiertés de Paris sans hésitation, « bien au contraire », pour « la solidarité et la visibilité : on est là, on existe, au même titre que tout le monde ».
Peu avant 19 heure, les concerts tenus sur le podium de la Marche des fiertés ont également cessé pour rendre hommage aux victimes après la tragédie d’Orlando devant la foule réunie sous la colonne de Juillet, derrière le mot d’ordre « nous ne cèderons pas à la peur ».
Pour en savoir plus :
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