pornoChems-sex, slam et descente

Par têtu· le 05/07/2016
chems-sex slam

Marc a connu une descente aux enfers via le slam. Son témoignage est juste et poignant. Nous avons souhaité le publier afin qu'il puisse servir à d'autres.

Je m’appelle Marc. Et il ne m’a fallu que 6 mois pour devenir toxicomane, et un consommateur sexuel débridé.
Le plaisir était mon moteur, la drogue mon carburant, et je remplissais le réservoir avec l’aide de mes fidèles seringues. Mon sang, j’en connais la couleur par cœur, me donnant le top départ d’un voyage vers un royaume de chaleur sexuelle et de bonheur.
Mais ce paradis n’était pas accessible sans en payer le prix, toujours plus élevé. Faire semblant d’être clean, mentir à mes proches, ressentir le manque, voir ma santé se fragiliser, briser mon couple, perdre mon emploi, ressentir la honte et la culpabilité… Et jusqu’à jouer à pile ou face avec le VIH.
La délivrance, je l’ai eu en voulant apporter mon aide à un autre garçon dans une situation semblable. Mes paroles ne l’ont probablement pas touché, mais me sont revenues comme un boomerang. De ce jour, j’ai trouvé la force d’arrêter, jeter plusieurs centaines d’euros dans l’évier, et calmer mes peurs et mes angoisses.
Je souhaite livrer mon témoignage de cette lente et douloureuse descente aux enfers, et montrer toute la complexité qui lie l’usage de drogue au sexe.

MONSIEUR TOUT LE MONDE

J’ai 31 ans, suis homo, ne me trouve ni trop beau ni trop moche, un appartement que je loue, des amis et connaissances, vais boire un verre de temps à autre, joue aux jeux vidéo, fais des balades en moto…
J’ai mes doutes, mes peurs, mes petits plaisirs, j’aime passer du temps seul ou avec d’autres. J’aime aussi prendre du bon temps par le sexe.
Bref, je pourrai être n’importe qui, comme les autres mecs que j’ai côtoyés et qui consomment des produits. Le point commun que je m’en fais, c’est que l’on recherche tous à pimenter notre vie sexuelle, atteindre de nouvelles sensations d’excitation et de bonheur. Et on a tous cet attrait de l’interdit et des limites, le frisson de la transgression avec la pointe de remord que cela procure.
Tout ça pour son propre plaisir sexuel. Mais la face cachée est nettement moins reluisante...

PREMIER CONTACT

Un plan normal, et le mot « chems » est écrit. De là je découvre comment on reconnait les mecs qui veulent faire ce genre de plans sous produits, de même que « planant » ou « plan long ». On se sent super excité, envie de baiser longtemps et sans fatigue, bref on en a envie et on remet ça sans cesse.
Et c’est vrai que le premier sniff, c’est-à-dire prendre la poudre par le nez, tient toutes ses promesses. C’est l’un des meilleurs plans que j’aurai eu l’occasion de faire de ma vie, comme toute première fois.

RECOMMENCER ET PREMIÈRE COMMANDE

Puis quelques jours après, je repense à ce plan qui m’a laissé un super souvenir. Je réussi à trouver un mec avec les mêmes mots clés, et cette fois-ci je demande par curiosité où il s’en procure. Il me donne un site web.
C’est si facile de s’en procurer, c’est surprenant de trouver des produits interdits quasi en vente libre. Du coup je tente d’en commander, juste 2gr pour commencer, car je ne veux pas tomber dans l’addiction, car je sais que ces produits peuvent détruire à forte dose.
Puis quand je reçois ma commande, je me tente une petite ligne pour tester le produit. Y’a pas à dire, c’est vraiment bien, je suis chaud et prêt à de l’action. Ça se finira devant un porno car je n’ai pas envie de bouger.

ADDICTION

Les plans sous chems commencent à se multiplier, car c’est vraiment bon de partager cet état d’être. Moi qui étais timide et faisais rarement de plans cul, je commençais vraiment à me désinhiber et à passer plus facilement à l’acte.
J’ai un principe en béton concernant l’usage de la capote, même sous l’emprise de produits je reste fidèle et je m’assure qu’on utilise une capote ! Pourtant, un ami proche me met en garde sur ce sujet de la capote. Je veux bien le comprendre, mais je lui assure et c’est vrai, que je resterai toujours fidèle à la capote. Il me met aussi en garde à ne pas consommer trop souvent du produit, mais y’a aucun souci car je me sens gérer ma consommation… Je ne conçois pas non plus de faire comme certains mecs, et de m’injecter ça dans les veines, c’est trop !
Pourtant, un jour en rentrant après une journée au taf où je ne me sens pas épanoui, je me fais une petite ligne histoire d’être bien. C’est là que sans m’en rendre compte, je dissocie l’usage du produit de l’acte sexuel. Et que ma consommation commence à grimper en dehors des weekends.
Je consomme à ce moment-là tous les 2 ou 3 jours, jusqu’à 5 lignes à chaque fois.

INFORMATION, EFFETS POSITIFS ET NÉGATIFS

Plusieurs sites et forums existent, et traitent spécifiquement de la consommation de produits. Certains y écrivent leurs expériences géniales, et d’autres plus rares y mettent des sessions qui tournent au drame voire à la perte d’un proche, entendez la mort.
Je lis beaucoup, me renseigne. J’ai bien conscience que ces drogues représentent une porte ouverte vers l’isolement, et une perte de santé plus ou moins élevée.
Malgré tout, les effets qu’on recherche sont bien là : excitation, sentiment de bien-être, énergie, d’amour de l’autre. On ignore ou on se voile la face sur des symptômes négatifs, pourvu qu’on atteint le but qu’on recherche.
Et ces effets négatifs, il y’en a un paquet, plus on consomme en quantité ou dans la durée. Soif, fatigue, pupilles dilatées, augmentation du rythme cardiaque, tremblements, grincement de dents, respiration haletante, anxiété, dépression, bad trip (panique, idées suicidaires, hallucinations…), etc. Et le pire d’entre tous, l’overdose, pouvant conduire à la mort.

SEXE ET APPLIS

Le milieu homo étant entouré à la fois de silence et de commérages, il m’était indispensable de cacher le fait que je consommais des produits. J’ai donc crée des profils sur les applications de rencontre où je ne montrais pas mon visage et demandais ouvertement l’usage de drogue. Et je gardais mon profil principal où tout le monde me connaît, clean de tout soupçon.
Les applis deviennent très vite pour moi un terrain de chasse permanent, et je deviens même un chasseur de nuit, connecté à 3h du matin pour trouver un plan et étancher ma soif de cul, perché par les produits.
Les touzes, j’en ai essayé, c’est un de ces moments où la drogue est plus que bienvenue et largement promue, sans parler de la forte probabilité d’y baiser sans capote. Pour de multiples raisons, cela n’était pas pour moi, et je restais fidèle à mon principe d’usage de la capote.
Il y’a aussi eu l’effet pervers de vouloir à tout prix jouer, y compris avec le premier mec venu. J’en étais arrivé à revoir mes critères de partenaires à la baisse, je me dévaluais dans mon estime de moi-même.

SLAM

Et alors que je m’étais interdit de le faire, je me suis réveillé un jour avec l’envie de tester UNE fois l’injection par intraveineuse. Plein de renseignements pris sur Internet, et plus tard je me retrouve avec ma boîte contenant tout le matériel nécessaire chez moi. Et le pire c’est qu’il suffit de se rendre à la pharmacie du coin, naturellement en subissant le jugement du pharmacien qui sais pour quel usage ce type d’équipement est conçu : l’usage de drogue.
Je m’injecte enfin, et cela a signé le point de non-retour de ma consommation de drogue : la sensation était décuplée, intense… A recommencer ! Ce que je m’étais toujours interdit, je l’ai embrassé à corps perdu.
Dès lors j’ai arrêté le sniff ou le parachute (prise de produit par ingestion), qui me paraissaient bien fades. Dès lors, la spirale destructrice n’a cessé de m’emporter.

AMIS, COUPLE ET VIE PERSONNELLE

J’étais en couple à ce moment-là, et hélas la drogue était devenue une obsession pour moi. Je trouvais les prétextes les plus fallacieux pour rentrer chez moi, me soustraire à la présence de mon conjoint. Je l’aimais de toutes mes forces, mais l’envie de me piquer était la plus forte.
Le mensonge commençait à devenir une partie de moi, de la même manière que l’on respire pour vivre. Ce mensonge a fini un jour par se savoir, et signer la rupture de mon couple.
Mes amis et mon ancien conjoint n’ont cessé de vouloir m’apporter leur aide. L’incompréhension les guidaient. Ils ont essayé tous les mots, pour tenter de me convaincre que ce que je faisais était mal et destructeur pour moi.
Le problème, c’est que je savais pertinemment que c’était mal, et je n’arrivais pas à arrêter. Produits aidant, j’ai même pris leurs paroles pour du jugement et de la critique. L’aide se transformait en raison supplémentaire de continuer à me shooter, à plonger dans ma bulle de bonheur qu’ils ne pouvaient pas comprendre, et aussi oublier mon mal être, la dualité que j’éprouvais face à ces produits.
Je deviens de plus en plus isolé, je sors de moins en moins, répond de moins en moins au téléphone, rien n’importe que ma dose.

VIE PROFESSIONNELLE

Cela faisait déjà pas mal de temps que je ne m’amusais pas au travail, que j’avais le sentiment de tourner en rond. La drogue n’a rien arrangé évidemment. Elle a amplifié ce sentiment de malaise.
Personne n’a su que je me droguais, on a mis ça sur le coup de la dépression que j’avais depuis un certain temps. Sauf qu’à force d’arrêts maladie et de performances au travail en dessous de tout, mon employeur s’est décidé à se séparer de moi.
Voilà, je me retrouve avec l’idée de revenir au chômage, et ma consommation reflète ce malaise… Je ne cesse de me shooter pour combler ce vide et ce désespoir.
Au plus fort de ma consommation, je me piquais tous les jours à raison de 10 à 15 injections.

AIDE DE PROFESSIONNELS

Je me décide de mettre ma psy au courant, après l’insistance qu’ont eu mes amis et mon ex-conjoint. Toutes nos séances tournent autour de cela au lieu des vrais sujets de fond qui me minent. Son aide s’en trouve limitée, et elle avoue ne pas être compétente pour ce sujet précis.
Les addictologues sont une meilleure solution, seulement n’ayant pas conscience du fait que le chems-sex est intimement lié au sexe, je ne trouve pas l’écoute qu’il me faut.
Jusqu’à tomber sur l’écoute du centre de santé sexuelle appelé le 190, qui accueille des homosexuels pour des questions de santé, de psychologie, et d’addiction. Je suis soulagé qu’enfin quelqu’un m’écoute, jusqu’à me sortir le parcours typique d’un consommateur de drogue et de sexe comme moi. Jusqu’à l’idée que j’ai eu de me faire escort, de louer mes services pour du sexe.
Mais même avec une écoute bienveillante, aucun mot n’a pu m’aider à trouver la sortie de tout cela.

SEXE SANS CAPOTE

Mes amis m’ont averti que j’irai toujours plus loin dans ma débauche, et ça n’a pas loupé. J’ai baissé ma garde et un beau jour j’ai eu une terrible envie de jouer sans capote. Chose promise, chose due, je l’ai fait, avec un séropositif tant qu’à faire, indétectable comme ils le disent tous.
Pris de remords après le plan, je cours aux urgences pour prendre le TPE et tenter d’échapper au VIH.
Mais le temps passe, et je me dis qu’étant protégé par la pilule, je ne risque rien, je recommence à baiser sans capote…

LE PLAN DE TROP

Mon TPE s’arrête, je me dis stop aux conneries, je reprends la capote.
C’était sans compter sur le plan pendant lequel tout a failli basculer dans ma tête.
Je trouve un mec qui de manière très perturbante m’entraine dans mes fantasmes les plus noirs. Le sentiment de fraternité, de sexe dépravé et aux frontières de ce que la société considère comme correct. Je me voyais déjà être le nouveau maillon d’une chaîne de destruction.
On décide presque de la vie en violant à la santé de chacun, on se laisse griser par le pouvoir que cela représente…
Et c’est là que l’étincelle de lumière me frappe derrière ce voile de ténèbres qui me recouvrait. Ce mec, il se trouve qu’il souffre aussi d’être prisonnier de la drogue, que c’est un prétexte à masquer ses propres problèmes de vie. Et c’est en voulant apprendre un peu qui il était, que j’ai senti ses propres fissures. Il transpirait tellement de ses propres problèmes, que j’ai voulu l’aider du mieux que je le pouvais.
Plus j’insistais à vouloir le faire parler, plus il se refermait. Plus il se refermait, et plus j’ai eu pitié de lui. Plus j’avais pitié de lui, plus je me sentais impuissant face à sa souffrance. Plus je sentais sa souffrance, plus je souffrais.
Et finalement, au moment même où je rentre et met le pied chez moi, je m’effondre en pleurs. Je pleurerai toute la journée comme ça.
Je pleurais de tristesse pour ce mec, mais plus encore, je pleurais de ma propre condition. Je réalisais ENFIN toute la futilité, la tristesse, la solitude dans laquelle je me trouvais.

SE RELEVER

Je ne suis pas croyant ni ne crois en une force supérieure, très peu pour moi ce genre de choses. Mais ce genre de choc nous fait presque revoir notre idée de la chose. Le bien, le mal, les lumières et les ténèbres, l’imagerie collective qui y sont associés.
La première chose que j’ai faite quand je me suis calmé, c’est de prendre en vidéo la destruction des produits que j’avais encore en stock, et d’envoyer cette vidéo aux amis qui ont toujours espéré me voir arrêter. Ils en ont eu presque la larme à l’œil disaient-ils.
Et je voulais mettre des mots sur tout cela, sur tout ce que j’ai vécu. Je voulais le faire, d’une pour que mes amis se rendent compte de ce que j’ai pu vivre. Et aussi, pour je ne sais quelle raison, laisser une trace visible de tous.

BILAN

Aujourd’hui, je ne consomme plus rien depuis le vendredi 13 mai 2016, date de ma prise de conscience. Qui aurait pensé qu’une date aussi chargée de malchance ou de chance dans l’inconscient collectif, soit le jour où je choisisse de reprendre les rênes de ma vie.
Je suis sous TPE, et je sais que le risque est bien réel que le VIH ai eu le temps de s’installer en moi. Je suis donc suspendu à 6 semaines, le temps nécessaire pour que le diagnostic soit confirmé ou non.
Je termine de rédiger ce témoignage 4 jours après ma dernière prise de produit, j’ai donc traversé des moments de profonde déprime et de manque. J’ai écrit, effacé, corrigé, un nombre incalculable de fois, et je ne serai jamais satisfait de la forme finale qu’aura ce récit. Mais il faut bien y mettre un terme un jour, et pouvoir avancer sur d’autres sujets.
A tous ceux qui me connaissent, à tous ceux qui m’ont lu, à tous ceux qui se reconnaissent de près ou de loin dans ceci, je vous demande pardon. Et si vous trouvez la force de me pardonner, je vous demanderai de m’apporter votre soutien dans l’avenir qui se présente à moi.
Merci.