Fallait-il maintenir les Marches des fiertés après l’attentat de Nice ?

Par Julie Baret le 19/07/2016
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Après l’annulation et le report des Marches des fiertés de Marseille, Montpellier et Nice, TÊTU a recueilli les impressions de lecteurs sur la question.

Au lendemain de l'attentat de Nice, Marseille et Montpellier annulaient toutes deux leur Marche des fiertés qui devait avoir lieu samedi 16 juillet, soit deux jours après la tragédie et au départ du deuil national de trois jours qui s’étendait jusqu’à hier. Aujourd’hui, nous venons d’apprendre que la ville ciblée par la tragédie verra également sa Pink Parade reportée au mois prochain.
Stopper les revendications de la communauté LGBT au lendemain de l’attentat meurtrier fait pourtant débat au sein de la communauté LGBT, augurant notamment l’affrontement de deux raisonnements. D’une part la volonté de défendre le droit à manifester comme réalimentée par ses attaques contre les libertés individuelles et les acquis républicains. De l’autre, l’acceptation de ces annulations ou reports pour ne pas disperser les forces de l’ordre et concentrer l’attention nationale sur la sécurité et le recueillement.

Suite à notre sondage Twitter du 15 juillet qui mettait en lumière une majorité de personnes favorables au maintien des Marches des fiertés de Marseille et Montpellier, nous avons tenu à interroger des lecteurs afin de peser le pour et le contre de ces deux points de vue.

Anthony, 25 ans : "voir des gens s'amuser n'aurait pas été très respectueux"

A commencer par Anthony, 25 ans, qui ne se disait « pas spécialement » favorable au maintien des Marche des fiertés de Marseille et Montpellier car, selon lui, de telles célébrations auraient été déplacées en ces temps de deuil :

C'est assez simple. Certaines personnes (qu'elles soient gay ou hétéro) ont perdu un proche ou un membre de leur famille ce jour-là. Je pense que voir des gens s'amuser et s'éclater dans un laps de temps aussi proche, n'aurait pas été très respectueux envers ces personnes.

Il estime ainsi que l’annulation de ces dernières le 16 juillet marquait une « attitude respectueuse au regard de toutes les victimes et les blessés ». En outre, il opine que « les municipalités ne disposent peut-être pas d'assez de policiers en cette période pour pouvoir assurer la sécurité d'un tel évènement, surtout après les attentats » et donc qu’il vaut « mieux reporter pour permettre aux organisateurs de renforcer la sécurité à un autre moment. »

Guillaume, 18 ans : "c'est un acte de résistance de manifester malgré la menace"

Un avis que ne partage pas Guillaume, un autre lecteur. A 18 ans celui-ci argue à l’inverse qu’il « est du devoir du gouvernement de pouvoir assurer la sécurité de tous au quotidien, et donc dans le cadre d'une manifestation » car « même si la situation est dangereuse et que nous sommes en état d'urgence, nous avons le droit de manifester pour nos droits et nos libertés, c'est un acte de résistance en quelque sorte que de manifester malgré la menace qui plane sur nous. »
Contrairement à son aîné, Guillaume ne considère pas que de tels évènements auraient été offensants pour les victimes, car des hommages et autres moments de recueillement auraient probablement rythmé la marche. Selon lui, renoncer à manifester revient davantage à « s'avouer vaincus face au terrorisme et plier aux attentes de ceux qui veulent nous nuire, ou plutôt en l'occurrence nous détruire » :

Je pense que cet effroyable attentat que notre pays a connu, tout comme les précédents, ne doit pas nous contraindre à modifier nos habitudes et notre mode de vie, qu'on soit membre de la communauté LGBT ou citoyen lambda. La Marche des fiertés est une manifestation autorisée dans le cadre de la démocratie et de l'État de droit, deux principes caractéristiques des sociétés occidentales. Des sociétés contre lesquels le terrorisme est justement en guerre pour tenter de détruire leurs valeurs humaines fondamentales que sont la liberté, la tolérance, les droits de l'homme. De fait, annuler la Marche des fiertés ou toute autre manifestation, c'est restreindre ces droits fondamentaux.

A quelques semaines d'Orlando...

D’après ce lecteur, la communauté LGBT est même d’autant plus concernée par ce droit à manifester qu’elle était secouée il y a quelques semaines par la tragédie d’Orlando qui causait la mort de 49 personnes dans une boîte de nuit gay :

Cette problématique de manifester ou non en ces temps difficiles est d'autant plus importante pour nous Lesbiennes, Gays, Bi et Trans car nous sommes des cibles prioritaires du terrorisme islamiste. Nous sommes visés à cause des libertés que nous avons ici en Occident, parce que nous nous assumons et sommes fiers de qui nous sommes. L'attentat d'Orlando en juin nous a brutalement rappelé cette situation de danger dans laquelle baigne notre communauté.

Enfin, si Guillaume juge qu’annuler les Marche est « inacceptable », il admet néanmoins qu’un report est une solution envisageable, notamment pour la Pink Parade de Nice, rappelant que « la Marche des fiertés est tout d'abord un grand symbole de liberté et de tolérance pour des minorités qui doivent continuellement lutter pour une meilleure place dans la société », mais aussi « un moyen pour nous de clamer nos idées, nos exigences envers les politiques, de mettre en avant notre combat pour plus d'acceptation et de tolérance », et enfin, « un lieu important pour les associations dans leur travail de prévention, de sensibilisation et de récolte de dons ».
Deux sons de cloches mettant en exergue la pluralité qui agite l’espace identitaire LGBT et qui donnent des pistes de réflexion sur la considération de la Marche des fiertés à travers l’Hexagone. Le drame qui a secoué la France la semaine passée semble néanmoins donner la priorité au deuil et au recueillement, comme l’atteste la décision prise plus tôt dans la journée par l’association organisatrice de la Pink Parade de Nice.

Pour en savoir plus :

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