Séance de rattrapage pour le Délégué chez les étudiants LGBT

Par Adrien Naselli le 24/10/2016
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Le Préfet Gilles Clavreul, qui dirige la Dilcra, consulte les militants d'associations étudiantes pour mieux comprendre les difficultés des collégiens et lycéens LGBT. Reportage.

Lundi dernier, Gilles Clavreul s'est déplacé en compagnie de Yohann Roszéwitch, son nouveau conseiller en charge de la lutte contre les LGBTphobies, au siège du "MAG Jeunes LGBT" situé dans le XIe arrondissement de Paris. Il a entamé une série de consultations sur ordre du Premier ministre, Manuel Valls, afin de mettre en place un plan de lutte contre l'homophobie et la transphobie en tant que Délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l'antisémitisme (Dilcra).
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Le MAG : une expérience de terrain

L'association réalise des Interventions en milieu scolaire (IMS) à la demande des établissements eux-mêmes. Elles sont assurées par des jeunes gens à peine sortis du lycée, dont la plupart sont inscrits en licence. Au siège de l'association, face à ces jeunes engagés au MAG, au CAELIF (le Collectif des Associations Étudiantes LGBT d'Ile-de-France) et au GLUP (le Groupe LGBT+ des universités de Paris), les quatre lettres de LGBT prennent tout leur sens. Ces jeunes gens responsables qui viennent souvent de subir l'homophobie et la transphobie pendant de longues années à l'école engagent la conversation avec le délégué interministériel sur des détails qui sont parfois nouveaux pour lui :

On assiste à des cours sur la reproduction et non sur la sexualité. Il y a un vrai problème avec ces séances sur la prévention qui séparent les classes en deux selon le sexe biologique. Ca s'appelle de la présomption d'hétérosexualité. Par ailleurs, la question du consentement dans l'acte sexuel n'est jamais abordée.

Dans le même ordre d'idée, ils constatent que les personnels éducatifs ne sont pas formés aux questions LGBT :

Une infirmière m'a dit que ce n'était qu'une phase, raconte une participante. On est confronté au manque de moyens et à la méconnaissance des profs, des CPE, des surveillants...

"C'est un vrai sujet de débat, lui répond Gilles Clavreul. Qui doit intervenir entre d'un côté les institutions et leur parole normée, et de l'autre les associations ? Je pense que les deux doivent se faire conjointement", synthétise-t-il diplomatiquement. Les jeunes rappellent en riant qu'entre 2013, un lycée avait changé le nom du "MAG Jeunes LGBT" en "Association des relations filles/ garçons" sans doute pour ne pas attiser la colère des parents d'élèves... Une histoire particulière qui en dit long sur les réticences de certains agents de l'Education nationale.
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La Dilcra s'est dotée d'un conseiller contre les LGBTphobies

La Dilcra est chargée de concevoir, de coordonner et d’animer la politique du gouvernement en matière de lutte contre le racisme et l’antisémitisme. A cette fin, elle exerce un rôle de conseil et d’animation auprès des ministères, notamment en matière d’éducation, de police et de justice mais aussi de culture, de politique de la ville, de numérique, d’outre-mer, etc.

Sur le site de la Dilcra, on ne trouve pour l'heure aucune mention de sa mission de lutte contre l'homophobie. C'est que son conseiller, Yohann Roszéwitch, n'a été nommé qu'il y a deux mois, après avoir dirigé l'association SOS Homophobie. Un travail s'est alors mis en place pour aller à la rencontre des différents acteurs qui devraient dessiner les grandes lignes de l'action gouvernementale sur ces sujets. Gilles Clavreul complimente les jeunes sur leurs interventions à l'école :

Votre âge est un atout pour parler aux collégiens et lycéens : une complicité se crée, vous pouvez les challenger. Les actions des pouvoirs publics sont plus compliquées à mettre en place, dès qu'on institutionnalise quelque chose on prend le risque de heurter; voyez les ABCD de l'égalité.

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Trois questions à Gilles Clavreul sur la mise en place de son plan contre l'homophobie

Comment vous êtes-vous mis à travailler sur les questions LGBT ?

Le 30 juin dernier, le président de la République a reçu les associations LGBT (c’était la première fois) pour faire un point sur les sujets en cours – les avancées législatives, la PMA, le changement d’état civil, et pour annoncer qu’il y aurait un point d’entrée unique à l’Etat pour s’occuper des LGBTphobies : la Dilcra. Yohann est arrivé à la mi-septembre et on essaye de structurer des choses qui existent pour la plupart déjà. Elles avaient été établies au cabinet de Najat Vallaud-Balkacem. On va réécrire un plan encore plus vaste et ambitieux, donner des moyens financiers pour soutenir les associations, et mener des actions auprès des jeunes.

Alors que vous menez vos consultations, quelles vous semblent être les priorités ? Former les enseignants ?

Le contact direct avec les publics est important pour bien sentir les sujets ; on est par exemple allé voir des interventions en milieu scolaire à Roubaix réalisées par SOS homophobie. En quelque années, on a changé d’époque ; il y a un avant et un après mariage pour tous, une prise en compte du fait LGBT, et dans le même temps il y a des besoins extrêmement forts, parfois exprimés de façon vindicative, mais on ressent que derrière il y a des réalités humaines. La question des trans a besoin qu’on s’en occupe. On a signé une charte sur l’accueil des trans dans le sport. Il ne faut laisser aucun public LGBT de côté. Il y a les jeunes, certes, mais quid de l’accueil dans les maisons de retraite, dans les milieux fermés comme les prisons et les hôpitaux, ou dans les milieux ruraux ? Il faut que les assos puissent mener leurs IMS sans se laisser intimider sur l’idée qu’il y aurait des réactions négatives ; pour la répression des actes et des paroles homophobes, il y a de notre côté la mobilisation des services de police et de justice. Cela passera par de la formation des agents de l’Etat.

De quel budget disposez-vous pour cela ?

Un document de proposition devra être partagé et validé par les associations. La mécanique administrative sera ensuite pensée.  Les arbitrages seront pris à Matignon comme il se doit ; le cabinet du président a un œil vigilant sur l’avancée de notre travail.
 
Pour en savoir plus :
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