Hyphen Hyphen : "L'orientation sexuelle est une polarisation qui ne nous intéresse pas"

Par Jérémie Lacroix le 31/10/2016
Adam ,Zacharie,Hyphen Hyphen

En pleine tournée à travers la France, Adam et Zacharie, les deux garçons d'Hyphen Hyphen, ont répondu aux questions de TÊTU.

Hyphen Hyphen est l'un des groupes phares de la jeune scène musicale française. Depuis plusieurs années, ils cartonnent partout où ils se produisent, de Rock en scène aux Solidays. Vous n'avez pas pu passer à côté même sans connaître leur nom, les marques (Hyphen Hyphen est l'une des incarnations de Levi's, par exemple) se les arrachent pour faire vibrer leurs pubs de leur musique (délibérément ?) inclassable. 
Fort de quatre membres - Santa, Line, Adam et Zacharie -, Hyphen Hyphen a dévoilé un premier album ambitieux et frénétique en septembre dernier. Depuis, entre émissions radio, plateaux télé et tournée dans toute la France, le groupe vit à cent à l'heure. Preuve en est, à notre arrivée à la Warner, on nous annonce qu'on ne pourra rencontrer que les deux garçons du groupe car il faut scinder Hyphen Hyphen en deux pour des raisons promotionnelles. Vives les quatuors ! Pas déçus pour un sous, on croque Adam et Zacharie du regard quand ils se dirigent vers nous nonchalamment, et on découvre deux garçons à la tête bien faite mais surtout bien pleine. 
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Pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Adam : Salut, moi c'est Adam et je suis guitariste dans le groupe Hyphen Hyphen.
Zacharie : Yo, moi c'est Zacharie et je joue de la batterie.

Vous avez quel âge ?

Adam : On a 23-24 ans tous dans le groupe.

Et vous vous connaissez de Nice, si j'ai bien compris ?

Adam : Ouais !
Zacharie : On était au même lycée.

Qui a étudié les Arts plastiques du coup ?

Adam : Santa (la chanteuse du groupe, ndlr) et moi mais on a vite arrêté. On s'est consacrés uniquement à la musique, très rapidement.

Vous y êtes restés combien de temps?

Adam : Deux ans en tout mais on n'a pas un très bon souvenir de ces études d'Arts plastiques...

Pourquoi ?

Adam : Eh bien, on a toujours été très influencés et très intéressés par des médias artistiques différents, et là on s'est retrouvés dans une école qui avait vraiment des principes qui ne collaient pas du tout avec une école d'Arts. Par exemple, il fallait être là de 8h du matin à 19h le soir, tout le temps. Il n'y avait aucun moment consacré à la création personnelle donc ce n'était pas intéressant, ça ne nous convenait pas.

Malgré la mauvaise expérience, pensez-vous que vos études d'Arts plastiques aient pu influencer votre musique ou tout du moins l'esthétique qui s'en dégage ?

Adam : Je ne pense pas car, comme je te le disais, on était déjà curieux de tous ça pour nous même. Je ne pense pas que ça nous ait particulièrement enrichi. Après, je ne veux pas cracher sur toutes les écoles d'Arts (rires).

On ne vous jettera pas la pierre. C'est plutôt positif d'avoir du recul sur ce qu'on a fait.
Nous sommes interrompus par Santa et Line, la chanteuse du groupe et la bassiste, qui, partant enregistrer un émission de radio, en profitent pour nous dire au revoir et nous laisser un petit synthé en marche pour égayer notre interview.
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Donc, j'ai bien compris que vos études d'Arts ne vous avaient pas inspirées (rires). Donc quelles sont les influences musicales et artistiques qui vous ont marquées ?

Adam : Au début on s'est retrouvés autour de toute cette vague new rave et électro rock. Tu sais, c'était l'époque de Klaxons, Late of the Pier... le rock à synthétiseur quoi ! C'est vraiment ce qui nous rassemblait, ce qu'on écoutait quand on était à la fin du lycée. Cette vague assez punk qui a ensuite tiré vers l'électro. C'est la musique qu'on faisait à ce moment(là. Après on a tous un background très différent, de par ce que nos parents nous ont apporté, tous assez musicophiles.

Pour avoir lu pas mal de choses à votre sujet, j'ai l'impression que vous n'aimez pas être catégorisés dans un style en particulier, vous voulez vraiment imprégner votre musique d'une singularité.

Adam : Forcément ! Comme beaucoup d'artistes, c'est ce que l'on recherche, d'avoir notre propre son. Après, c'est une quête un peu infini je pense.
Zacharie : Et puis c'est dépressif de te lever et de te dire : « Je vais faire du rock ». Tu peux te dire, je vais faire de la musique. Et encore, tu devrais pas te dire : « Je vais faire de la musique ». Tu devrais te dire : « Est-ce qu'il y a quelque chose à exprimer ? Comment je vais le formuler ? Et comment je peux le faire ». Et puisque, dans les faits, tu es un musicien, et bien tu vas te servir de ça pour l'exprimer.
Adam : Et c'est ça qui est bien avec la pop, c'est que tu peux tout mettre dedans. C'est plus une forme qu'un style musicale bien défini.

Je vous posais cette question parce qu'il y a plein d'artistes qui assument pleinement leurs influences voire qui s'en revendiquent. Alors que vous, vous restez plus vague à ce sujet.

Zacharie : Parce qu'on est moins monolithiques (rires)
Adam : Quand on s'est remis dans la musique, qu'on a composé l'album, tu sais, on a pioché vraiment partout. Ça serait difficile de citer une influence en particulier. Il y en a vraiment beaucoup. Parfois, c'est même juste un morceau d'un artiste, c'est pas forcément toute son œuvre.
Zacharie : Pour l'album, on parlait aussi en terme de films et on était fascinés par l'efficacité émotionnelle. Tu sais ce truc qui fait que quand tu regardes un films de Walt Disney t'es « WOW » du début jusqu'à la fin. T'es à fond ! T'es soit triste, soit tu rigoles et t'as aussi la possibilité de multiples interprétation et tu y vois ce que tu veux dedans mais c'est puissant et c'est dense. Pour l'album, clairement, ça nous obsédait complètement. Peut être qu'on va aller vers quelque chose de plus détendu, léger par rapport à ça.

Pour le prochain album donc ?

Zacharie : Oui ! Parce que la dernière fois qu'on a réécouté l'album d'une traite, on s'est dit que c'était un gros pavé (rires).

La scène musicale française actuelle est assez riche voire même hyperactive. Il y a pas mal de trucs, je pense à des artistes comme Jeanne Added, Flavien Berger, Feu! Chatterton... C'est quoi les groupes qui vous font kiffer aujourd'hui ?

Adam : Les gens que tu cites, ce sont des gens qu'on croise souvent sur la route puisqu'on tourne souvent dans les mêmes festivals. Jeanne Added, c'est une artiste qu'on aime beaucoup aussi.
Zacharie : Il y a une belle activité mais en français je trouve que, depuis longtemps, il n'y a pas eu quelqu'un qui mettait tout le monde d'accord, qu'il n'y a pas eu une nouvelle ère qui s'est ouverte, comme avec la french touch par exemple.

Il y a quand même eu un apport ces derniers temps. Il y a Christine and the queens par exemple.

Adam : Il y a Christine and the queens et puis Stromae avec ce qu'il a apporté.
Zacharie : Ouais pour la variété... On n'est pas d'accord là-dessus de toute façon...
Adam : Non mais pas que pour la variété puisque ça a bien fait la jonction entre les deux. Entre les trucs plus chill, les trucs plus branchés, comme on dit, et la variété. Ça fait un joli pont entre tous ça, je trouve, Stromae et Christine and the queens.
Zacharie : On n'est pas d'accord mais ça peut s'entendre (rires).

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Aujourd'hui, vous vous adressez à un magazine gay. Quel est votre point de vue sur les questions LGBT ? Est-ce que c'est une dimension qui peut influencer votre musique, notamment dans les paroles ?

Zacharie : Je pense qu'on est tous d'accord pour dire qu'on est dans un milieu privilégié. On ne réfléchit pas du tout en terme d'orientation sexuelle, c'est une polarisation qui ne nous intéresse pas. On essaye d'être libre au point où on n'y pense plus trop. Ce n'est pas une contrainte. J'espère qu'on tend tous vers ça.
Adam : C'est notre génération ; on voit tout le monde comme des individus, on ne pense même plus que ce soit un homme ou une femme. Tout ça me paraît un peu brisé par rapport à avant.
Zacharie : Autant dans les attractions que dans les définitions des identités.

Donc en terme d’identité de genre et d'orientation sexuelle, vous êtes plutôt sur un modèle non-binaire, fluide ?

Adam : C'est un mélange total des genres.
Zacharie : C'est unifié, à n'importe quel moment de ta construction ou des tes choix. On ne s'interdit rien.

Vous l'exprimez dans votre musique ?

Zacharie : Ouais en général les personnages dans notre musique sont non genrés. Peut être parce que ce qui s'exprime c'est une espèce de personnalité commune qui ressort de nous quatre. Il doit y avoir quelque chose comme ça si on devait faire notre psychanalyse de groupe (rires).
Adam : Dans le groupe, on est ni homo, ni hétéro.
Zacharie : On comprend même pas de dire « je suis si... ou je suis ça... » car c'est déjà une coupure. C'est faire un choix avec sa part de négation.
Adam : On est extrêmement ouverts là-dessus.
Zacharie : Après, il y a des choses qui se passent ou qui ne se passent pas.
Adam : C'est comme lorsqu'on parlait de notre musique tout à l'heure, on se dit pas qu'on va faire tel ou tel style. Eh bien là, c'est pareil. On ne se pose pas de questions, les expériences arrivent et ça vient comme ça. C'est assez naturel et sain.

J'ai l'impression que c'est assez générationnel. Contrairement à ma génération, bien qu'on ait que 10 ans d'écart, j'ai l'impression que vous vous posez beaucoup moins de questions à ce sujet. Les générations précédentes étaient plus dans des représentations binaires du genre et de la sexualité.

Zacharie : Je pense que la chance que l'on a, notre génération, c'est d'être moins confrontés à des phénomènes d'opposition. J'ai rarement été confronté à de l'homophobie ou à des préjugés hétérosexuels. Peut-être que je viens d'un milieu (famille, ami(e)s...) hyper privilégié et que donc ça n'a pas trop de sens pour moi de devoir se définir à tout pris. Mais après, je comprends qu'on puisse avoir besoin de se définir à un moment donné dans son vécu car, soit on te demande de choisir, soit on choisit pour toi. On te reproche des choses, on te met la pression.

Comme une forme de militantisme en affirmant qui on est.

Adam : Ouais ! On a des amis qui sont très tranchés à ce niveau, qui disent que c'est très agréable d'appartenir à une communauté. Je comprends pas qu'il y ait encore des gens qui ne comprennent pas ça. La manif pour tous, c'est tellement arriéré, moyenâgeux...

D'ailleurs, ils manifestaient encore hier...

Adam : Je crois qu'il font des scores pourris. Moi j'étais au kiss-in à République.

Moi aussi. On s'est ratés, c'est dommage (rires). Mais je lisais encore hier que 24% des français se disent proches des idées de la Manif pour tous. C'est moins qu'en 2013, où ils étaient 31% mais c'est triste voire révoltant de penser qu'un quart des Français nous en veulent (rires).

Adam : C'est incompréhensible. Vraiment, je n'arrive pas à comprendre...
Zacharie : Les mentalités, le mouvement d'émancipation des droits LGBT ne va pas assez vite mais ça va quand même dans le bon sens. En 20 ans, on a fait un bon.

Merci messieurs et à bientôt j'espère.
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Hyphen Hyphen est en tournée dans toute la France jusqu'au 28 avril 2017
Pour en savoir plus :
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