santé"On dit que" : 10 idées reçues sur la PrEP passées au crible

Par Jérémy Patinier le 10/01/2017
Durban PrEP essai thérapeutique IPERGAY

La PrEP a démontré son efficacité pour réduire le risque de contracter le VIH. On démonte 10 idées reçues qui circulent afin de vraiment comprendre comment ça fonctionne et de voir si ce traitement peut vous convenir.

De quoi on parle ?

Le principe de la PrEP est simple : les personnes séronégatives prennent du Truvada, un antirétroviral bien connu, déjà utilisé par les séropositifs dans les trithérapies, avant de « peut-être » prendre un risque, ainsi qu’après... Ce comprimé est accessible et remboursé pour un usage en PrEP en France depuis janvier 2016. Déjà 2.800 personnes l’utilisent avec un suivi très régulier de leurs IST, et près de 100.000 aux États-Unis. C’est un outil supplémentaire, en renforcement du préservatif qui n’est pas utilisé par tous pour diverses raisons, pour les personnes qui ressentent ce besoin d'augmenter leur protection contre le VIH, qui est encore contracté par 6.000 personnes par an en France (la moitié sont des gays).

On dit que… La PrEP c’est pour les gays uniquement !

Si la PrEP est effectivement recommandée chez les hommes gays en raison du risque élevé de contracter le VIH dans cette population, c’est à chacun de se rapprocher de son médecin pour évaluer l’opportunité de recourir à la PrEP. Le Truvada est accessible gratuitement depuis 2016 en France pour les populations à risque, dont les gays, les migrants, les prostituéEs ou les usagers de drogues. Les gays sont les plus touchés, et surtout dans le Grand Paris : un garçon homosexuel a 200 fois plus de risques de contracter le VIH qu’un garçon hétérosexuel. Il y avait donc urgence de répondre à un besoin, de correspondre à la sexualité réelle des gays, entre autres. Le traitement préventif vient s’ajouter à un arsenal d’outils, que chacun peut s’approprier.
Lire : Pourquoi le VIH ne baisse pas parmi les gays ?

On dit que… La PrEP c’est pour les "salopes" irresponsables

Déjà, il n’y a rien de mal à avoir une sexualité dynamique – n’oublions pas de nous amuser librement ! Ni même d’avoir des pratiques sexuelles diverses et assumées. Evitons la morale que nous combattons quand elle vient des homophobes. Car le VIH – même si l’activité augmente les probabilités, ainsi que les IST – n’a besoin que d’une seule relation sexuelle pour être transmis.
La PrEP est délivrée en France aux gays qui en font la demande, sans juger leur sexualité puisqu’ils font justement la démarche de l’assumer et le choix de renforcer leur prévention. Un schéma de prise (à la demande ou en continu, en gros tous les jours ou juste les week-end) est proposé en fonction de l’activité sexuelle de chacun, par un médecin formé à la PrEP. Elle convient autant à ceux qui ont un rythme de sexualité régulier, qu'à ceux qui alternent des périodes calmes et denses. La prescription s’adapte aux rythmes de la vie de chacun. La PrEP fonctionne dans tous les schémas pour peu que le traitement soit pris correctement.

On dit que… à cause de la PrEP, plus personne ne mettra de capote.

C’est la grande angoisse « communautaire » : on considère que des gens qui veulent se protéger avec la PrEP vont encore moins se protéger avec la capote. En oubliant que justement la PrEP va les protéger du VIH. Sauf pour les IST, qui elles-mêmes seront traitées et suivies. Les usagers de PrEP reviennent dans un système de suivi plus régulier (besoin de récupérer les boites de médicaments auprès du médecin, entretien plus régulier, réflexion personnelle sur sa stratégie de prévention…). Notre communauté a tellement érigé le préservatif en totem qu’on en oublie de regarder avec pragmatisme la situation : les gays se protègent de moins en moins avec la capote. Leur dire que c’est mal ne fait pas tout. Ce message ne passe plus, et au moment M, le latex a disparu dans les limbes de l’inconscient (et les vapeurs d’alcool). Certains continuent - et il faut les encourager -, d’autres ont des oublis – et il ne faut pas les stigmatiser : ils l’assument en demandant la PreP. Le VIH fait encore peur, les séropositifs moins. On veut se prémunir du virus, pas d’avoir des relations sexuelles avec les personnes qui l’ont. Et qui sont, de plus, intransmissibles lorsque leur charge virale est indétectable. A l’image des stratégies de contraception basées sur la combinaison de plusieurs outils (préservatif, pilule, anneau, pilule du lendemain), la PrEP doit permettre aux personnes responsables de choisir l’offre de prévention la plus adaptée à leur situation.

On dit que… La PrEP favorise les contaminations aux IST

Les essais de PrEP n’ont pas montré à ce jour que son usage était associé à la hausse du nombre d’Infections Sexuellement Transmissibles. En effet, les personnes susceptibles d’utiliser la PrEP sont déjà à haut risque d’acquisition du VIH et des IST  - les chiffres sont déjà conséquents. Le suivi médical régulier nécessaire à l’usage de la PrEP permet un dépistage plus fréquent des IST, pour les traiter immédiatement et éviter leur transmission. Certaines IST s’attrapant notamment lors de fellations non-protégées (ou contacts sexuels hors génital), c’est peut-être même le suivi PrEP (des rendez-vous de suivi tous les trois mois au moins) qui permettra de faire baisser le nombre d’IST chez les gays si elles sont soignées plus régulièrement. Ce n’est en tout cas pas le médicament qui favorise les IST. L’adjonction du préservatif autant que possible permettra toujours d’éviter les IST qui se transmettent par voie sexuelle.

On dit que… La PrEP est un médicament toxique

La PrEP se base sur l’usage d’un traitement antirétroviral dont les effets secondaires sont bien connus des médecins, depuis longtemps, et encore davantage depuis les essais scientifiques sur la PrEP. Pour s’assurer de l’absence d’effets secondaires, différents examens sont effectués dans le cadre du suivi. Le principal effet secondaire redouté avec le Truvada (aujourd’hui le seul médicament prescrit en PrEP) concerne une atteinte aux reins, assez rare, qui se manifeste rapidement et peut donc se compenser en arrêtant la PrEP.

On dit que… C’est idiot de donner un médicament à des personnes en bonne santé !

Le principe de la PrEP est simple : mettre sous traitement antirétroviral les personnes séronégatives. C'est-à-dire, qu’ils aient dans le sang les molécules qui empêchent la transmission du VIH (et uniquement de cela, pas des autres IST). C’est le même traitement que l’on donne aux femmes enceintes pour éviter qu’elles transmettent le virus à leurs enfants, depuis 1989 ! On a aussi donné des traitements préventifs contre le paludisme. Les publics visés par la PrEP sont à haut risque de contracter le VIH au cours de leur vie sexuelle : la PrEP répond à une urgence et également à un besoin de certaines personnes. En prévenant l’acquisition du virus, la PrEP évite ainsi les complications de santé liées à une contamination et la prise à vie d’une trithérapie, plus lourde, plus chère que le médicament utilisé en PrEP. Et empêche aussi les complications psychologiques et sociales liées à la séropositivité. La PrEP en France est gratuite pour les groupes à risque. Le gouvernement a fait le choix d’en assurer le coût, également car il serait plus cher de traiter une personne séropositive et ses conséquences (éventuellement d’autres personnes séropositives).

On dit que… La PrEP va créer des virus résistants

Les essais de PrEP ont pointé un nombre infinitésimal de personnes ayant un virus résistant à l’une des molécules contenues dans le Truvada développés à la suite d’une contamination au VIH. Celle-ci se produisant en raison de difficultés à respecter le protocole de prises du médicament préventif. Les experts estiment néanmoins que l’impact des résistances éventuelles générées chez les usagers de PrEP est gérable et négligeable par rapport à l’opportunité d’infléchir le nombre de contaminations au VIH.

On dit que… La PrEP, ça donne la diarrhée !

Cette affirmation vient du fait que le Truvada, le médicament utilisé en prévention du VIH, est aussi indiqué pour d’autres usages et combiné à des médicaments qui eux ont des effets secondaires avérés sur le système digestif. Les essais de PrEP ont mis en évidence de rares cas d’effets secondaires tels que diarrhées et vomissements, souvent de courte durée et ne nécessitant pas l’interruption du traitement préventif. D’autres effets secondaires sont parfois observés, mais sont très rares et très gérables : sommeil perturbé, nausées, sensation de faiblesse. Chaque organisme réagit différemment et met parfois quelques jours à s’habituer…

On dit que… La PrEP, ça coûte cher !

Sur le long terme, la prévention ciblée coûte bien moins chère que le soin. En France, le Truvada est intégralement remboursé pour un usage en prévention, sous conditions, depuis 2016. Ce médicament coûte 16€ par comprimé, en raison des brevets qui empêchent pour le moment la commercialisation de versions génériques. Mais cela ne saurait tarder car le médicament passera en générique d’ici quelques mois, et d’autres médicaments – moins nocifs dit-on – sont en phase de recherche…

On dit que… La PrEP c’est le remède miracle contre le VIH !

Les essais scientifiques internationaux assuraient une efficacité redoutable pour ce nouvel outil de prévention : jusqu’à 99% si la PrEP est correctement suivie. Le risque zéro n’existe donc pas car chaque personne réagit avec son organisme et face à des virus qui évoluent, parfois face à des souches très rares. C’est un outil en plus, en complément de ceux déjà existant comme le préservatif. Chaque relation doit être protégée pour ne pas contracter le virus : mais en fonction des situations et des personnes, c’est la combinaison de plusieurs outils et stratégies qui permettront d’infléchir le nombre de nouvelles contaminations. On a noté 4 cas de contaminations sous Prep dans le monde, mais les patients étaient déjà infectés avant que le traitement ne soit efficace. Le très faible nombre de contaminations prouve même a contrario que la stratégie fonctionne parfaitement quand elle est bien suivie. (Lire : VIH : Que penser des cas de contaminations sous PreP ?)

De nombreux autres dispositifs de prévention contenant des ARV sont en cours d’évaluation : notamment des gels préventifs à base de molécules anti-VIH, ainsi que des antifongiques ou des antibiotiques contre les IST. Cette palette adaptable à chacun permettra de diminuer les infections, mais il faut d’abord en prendre conscience, se responsabiliser sans se sentir coupable, et avant tout se faire dépister pour savoir.

LIRE AUSSI >> PrEP et VIH : j’ai oublié un comprimé, que faire ?

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