La CEDH autorise qu'un enfant né par GPA soit retiré à ses parents d'intention

Par Julie Baret le 26/01/2017
Cour européenne des droits de l'homme

La Cour européenne des Droits de l'Homme vient de rendre un arrêt contraire à la jurisprudence habituelle. La Manif pour tous et les associations pro-vie jubilent.

On connaît généralement la Cour européenne des Droits de l'Homme comme une alliée pour la reconnaissance des enfants nés par gestation pour autrui (GPA). A cinq reprises, la juridiction internationale a effectivement sanctionné la France pour son refus de transcrire à l'état civil des actes de naissances étrangers en cas de soupçon de GPA, arguant que l'Etat français violait le respect de la vie privée et familiale.
En Italie, l'"affaire Paradiso" a longuement agité le pays. En février 2011, Donatina Paradiso et son époux Giovanni Campanelli, infertiles, accueillent la naissance d'un garçon en payant les services d'une mère porteuse en Russie; il est enregistré comme l'enfant du couple au bureau d'état civil de Moscou. Mais une fois rentré en Italie, le couple doit affronter une procédure pénale. L'ordre public italien lui reproche d'avoir procédé à une gestation pour autrui, interdite dans le pays. En outre, un test ADN révèle que Giovanni Campanelli n'est pas le père biologique de l'enfant; l'agence russe de gestation aurait utilisé d'autres gamètes que les siennes sans en informer le couple rapporte Le Figaro.
L'enfant âgé de 9 mois est retiré au couple italien et placé dans une institution d'accueil. Privé de contact avec ce dernier, les époux font une demande d'adoption mais celle-ci leur est refusée et l'enfant est adopté par une autre famille en 2013.

Confortés puis déboutés

Le couple porte l'affaire à la Cour européenne des Droits de l'Homme et obtient gain de cause en 2015. Comme dans les affaires qui l'opposent à la France, la CEDH conclut que l'Italie a violé le droit à la vie privée et familiale du couple et condamne l'Etat à leur verser des dommages et intérêts. Mais l'Italie fait appel, et la Grande Chambre de la CEDH change de discours : en raison de "l'absence de tout lien biologique entre l'enfant et ses parents d'intention", de la "courte durée de la relation avec l'enfant" et de la "précarité juridique des liens entre eux", les juges européens concluent mardi 24 janvier à une "absence de vie familiale" et confirment la décision des autorités italiennes de retrait de l'enfant.
La Manif pour tous et l'Alliance VITA (qui milite activement contre le droit à l'avortement) identifient cette décision comme un revirement de cap de la CEDH et espèrent des décisions similaires dans l'Hexagone. "Cette décision, liée à un contexte très particulier, ne peut pas être interprétée comme une remise en cause des condamnations de la France" indique toutefois l'avocat du couple. En effet, dans l'immense majorité des gestations pour autrui, l'enfant a un lien biologique avec au moins l'un des deux parents.
Gregor Puppinck, directeur du Centre européen pour le droit et la justice cité par La Croix "n'imagine pas que la Cour avalise le fait qu'on retire un enfant né par GPA à son père biologique."
 
Crédit photo Claude Truong-Ngoc / Wikimedia Commons / cc