Zak, militant LGBT torturé à Marseille : "J'avais 20 secondes pour sauver ma vie"

Par Julie Baret le 13/03/2017
Zak Ostmane Marseille militant LGBT torturé

Zak Ostmane, premier Algérien à avoir publiquement révélé son homosexualité dans son pays, a été séquestré, battu et violé par deux hommes à Marseille.

C'est un militant LGBT bien connu dans le milieu associatif, tant pour ses écrits engagés pour les droits des femmes, des minorités sexuelles et pour les libertés démocratiques. Il a cofondé l'association Shams - France, dérivée mais indépendant de Shams, une organisation tunisienne qui aide les LGBT du pays à échapper aux persécutions, au rejet et aux IST. Ici, Shams - France propose de l'entraide aux personnes LGBT maghrébines et moyen-orientales.
Zak Ostmane est arrivé en France à l'été 2014 où il a obtenu le statut de réfugié. Il voyait le pays comme un lieu sûr, racontait-il dans l'autobiographie qu'il publiait par ses propres moyens en septembre dernier : Genre interdit : nos années noires, entre totalitarisme et obscurantisme. Mes luttes, ma liberté, mon exil.
Zak Ostmane Marseille militant LGBT torturé
La semaine dernière, Zak Ostmane a passé plus de 48 heures à l'hôpital. Le visage et le corps encore meurtris par les supplices dont il a été victime, il a raconté à La Provence et à Yagg son atroce calvaire.
 

"Ils se sont servis de moi comme d'un punching-ball"

Vendredi 3 mars, il profitait d'une soirée agréable dans son bar préféré : Le Polikarpov, un pub gay-friendly sur le cours Estienne-d'Orves. Mais après avoir bu dans la bière qu'il avait laissé dehors, Zak commence à se sentir mal, engourdi "comme un zombie". Drogué (les analyses diront bientôt à quelle substance), il accepte - contre ses habitudes - de suivre un inconnu au fort accent anglais dans ce qu'il croit être un grande maison; ils entrent en réalité dans une chambre d'hôtel.

J'entre, je m'assoie sur le rebord du lit. Un autre homme rentre et repart tout de suite. L'homme qui m'a invité me propose une bière. Je prend une gorgée, je n'ai même pas le temps de la reposer sur le petit meuble qu'il m'a assène un coup sur le visage. Je perds connaissance. Quand je me réveille, l'homme est en train de me sodomiser. J'essaie de résister, il me tape encore. Il me demande ensuite d'aller me laver.

De retour, l'autre homme, qui parle cette fois-ci avec un fort accent américain, frappe et insulte Zak de "pédé" à plusieurs reprises avant de lui réclamer sa carte bancaire. Zak consent mais donne un faux code, et reçoit une nouvelle pluie de coups lorsque les deux hommes s'en aperçoivent. Il donne alors le bon chiffre, mais la carte est avalée par le distributeur; nouvel accès de violence de la part de ses agresseurs.
 

36 heures de cauchemar

L'Anglais a fini par déchirer les draps de l'un des lits et s'en est servi pour m'attacher, aux poignets et aux chevilles, à une chaise. Là, ils se sont servis de moi comme d'un punching-ball. L'Américain s'est revendiqué skinhead, il a pété un câble, s'est mis à parler de Trump, du fait qu'en France on se moque de lui, il a évoqué les Arabes et les noirs en France... Il m'a soulevé, avec la chaise, et m'a projeté contre un mur.

Les deux agresseurs sont ignorants aux cris de Zak, lui intiment de se taire en lui plaçant un couteau sous la gorge, filment les sévices et envoient les vidéos à certains de leurs amis (dont l'une de leur copine les insulte par téléphone et leur demande d'arrêter, sans effet), demandent à Zak de nettoyer son sang sur les murs et le sol de la chambre... Le calvaire de Zak dure trois jours, jusqu'à ce que le matin du dimanche 5 mars, alors que ses deux bourreaux sont assoupis, il aperçoit une patrouille de police et hurle à l'aide.

J'avais 20 secondes pour sauver ma vie. Je me suis dit "soit j'ouvre la fenêtre et je crie et les policiers vont venir me sauver, soit je vais mourir ici".
 

"Il ne faut pas se taire", maintient Zak Ostmane

La police intervient immédiatement et les deux individus sont arrêtés. Il s'agirait d'un ancien militaire de la Légion étrangère de 31 ans, et un légionnaire du 2ème régiment d'infanterie (REI) de Nîmes déserteur depuis une semaine. Les deux hommes ont depuis été mis en examen pour viol, séquestration, violences volontaires et vol, et écroués à la prison des Baumettes. Le caractère homophobe des violences - qui ne fait aucun doute pour SOS homophobie - n'a pas été retenu par le parquet; l'association songe à se constituer partie civile. Shams - France a immédiatement dénoncé "cet acte barbare et abjecte" en postant des photographies de Zak, le visage tuméfié et encore vêtu d'un blouse à l'hôpital.
C'est pour "dire aux gens qu'il ne faut pas se taire" que Zak Ostmane a voulu témoigné, "en tant que militant" dit-il à Yagg. Selon le site Unicorn Booty, il fut le premier Algérien à révéler publiquement son homosexualité dans son pays. Il a choisi pour patronyme le nom de sa mère, Ostmane, "pour rendre hommage à toutes les femmes de son pays qui sont considérées par le régime patriarcal comme des mineures à vie" apprend-on dans son autobiographie.
Il a également déclaré à 20 Minutes, « Je me demande si je ne vais pas quitter Marseille… Mais si je pars, ils auront gagné. ».
 
Couverture : ©Facebook/Shams - France