pornoAu cœur de la Queer Week, le festival qui dérange la Manif pour tous

Par Julie Baret le 14/03/2017
Queer Week

Fanzines, atelier de sortilèges, initiation au dog training... La Queer Week a concocté un mélange éclectique et électrique pour parler genres et sexualités jusqu'au 18 mars.

Quand on est arrivé à Science Po le matin pour préparer l'ouverture du festival, il y avait des tags à la bombe sur le sol qui disaient "pas d'homos à Science Po". Puis après, en pleine conférence sur l'activisme et la mémoire, une enceinte qui avait été cachée-là a commencé à diffuser un vieux discours de la Manif pour tous. Il y avait aussi des boules puantes qui ont empesté la salle.

Queer Week
©Facebook/Queer Week

 
Ce genre de débordements que nous raconte Achille, étudiant de 21 ans, n'est pas une première pour la Queer Week. Le festival créé par des élèves de Science Po en 2010 pour questionner genres et sexualités a déjà connu les rassemblements hostiles et l'incruste de Béatrice Bourges, leadeuse du Printemps français et co-fondatrice de la Manif pour tous.
Achille s'occupe pour la première fois de la coordination au sein d'une équipe de dix personnes résolues à consacrer cette 8ème éditions aux trajectoires, "les trajectoires de vie, les trajectoires personnelles... mais aussi les trajectoires de luttes, et donc par conséquent les mémoires." Initialement confinée à l'intérieur de Science Po Paris, la Queer Week déborde désormais de l'institution :

On a voulu exploser la Queer Week, l'éclater partout dans Paris pour que ce soit plus accessible. On a multiplié les événements pour que chacun puisse trouver un créneau. On est sorti du cadre formel et institutionnel qui pouvait faire peur et décourager certains.

Résultat, le festival pose cette année ses valises, ses baffles, et son public à la Colonie, à la Mutinerie, au Point Éphémère, au Bétonsalon, tous ces lieux qui forment le tissu du Paris alternatif. Trois événements à ne pas manquer.
Queer Week

Sorcières, BDSM et soirées

"Cette année on a fait des journées thématiques pour les gens ne passent pas qu'une demie-heure le temps d'une conférence, mais restent dans le thème toute la journée." Comme le mercredi 15 mars à l'occasion du Sabbat Queer qui devrait ravir curieux, féministes, et fans inconditionnels de la trilogie du samedi soir. "Le lien entre queers et sorcières se lit dans la persécution de populations marginalisées car considérées déviantes, et dans l'idée de résistance à l'ordre normatif", explicite Matthieu à l'origine du projet qui promet "rencontres entre witches de tous les horizons", projections pour public averti, lecture (Les Sorcières de la République de Chloé Delaume) et même conception de sortilèges avec la Brigade du Stupre. "Chacun fera son sortilège féministe et repartira avec sa petite fiole", avance Achille, énigmatique , "puis il y aura une soirée jusqu'à 2 heures du matin."
Autre promesse subversive, les deux ateliers d'initiation à la culture BDSM organisés jeudi 16 mars à l'Ourcq Blanc : BDSM et tantra en début de soirée, puis jeux de rôles entre chien.ne.s et maîtres dans le cadre du dog training ouverts à tous.tes. Car "le BDSM est une communauté et une pratique qui ne sont pas assez visibilisés dans les festivals comme dans les discours homosexuels dominants".
Après quelques sauts entre le post-porno et la masturbation au Japon, la Queer Week refermera ses ailes à la Colonie, le samedi 18 mars. Journée de clôture du festival pour s'instruire encore, passer une tête à l'étage pour découvrir le fanzinat queer féministe. Ou même se jeter à l'encre sous l'aiguille d'un des tatoueurs invités (prise de rendez-vous en avance ou sur place), avant de s'agiter sous le son des platines à la Chaufferie de la Machine du Moulin Rouge.
 

La bénédiction d'Helene Hazera

En tout, c'est plus d'une trentaine de conférences, ateliers, projections et soirées qui se tiendront jusqu'au 18 mars autour de chercheurs, de militants et d'artistes. Parmi eux, Helene Hazera : figure des luttes trans depuis les Gazolines, un mouvement issu du FHAR dans les années 1970, figure du journalisme de Libération à France Culture dès la décennie suivante, figure du mouvement Act Up-Paris à l'aube du XXIème siècle. Longtemps opposée au vocable queer, celle-ci a toutefois répondu à l'appel de ces jeunes militants prêt à faire bouger les cases.

Au début elle n'était pas très partante, mais on lui a expliqué qu'on voulait vraiment visibiliser les luttes passées, et non pas s'emparer du mot queer et du festival comme de quelque chose de récent, oubliant ceux qui se sont battus - ce qui arrive très souvent. On a eu cette discussion sur le mot queer et elle nous a expliqué qu'elle préférait les luttes LGBT à la déconstruction du genre, mais elle a tout de suite accepté d'être notre marraine. Notre rencontre a donné lieu à un échange possible et nécessaire entre luttes d'hier et de demain.

Retrouvez toute la programmation de la Queer Week ici.