États-Unis : Interdire à une personne de parler de son homosexualité est "discriminatoire"

Par Jérémie Lacroix le 12/04/2017
Interdire à une personne de parler de son homosexualité discriminatoire Cour suprême de l'État de Washington

Interdire à une personne de parler de son homosexualité est "discriminatoire" et "anticonstitutionnel", a considéré la Cour suprême de l'État de Washington dans une affaire de divorce.

Rachelle et Charles Black ont été mariés pendant presque 20 ans. De cette union sont nés trois enfants, lesquels ont été élevés dans la ferveur chrétienne de leurs parents, ces derniers allant jusqu'à les inscrire dans une école paroissiale privée. "Un situation très dogmatique et fondamentaliste tant à l'école qu'à la maison", déclarera plus tard une thérapeute ayant suivi les enfants.
En 2011, Rachelle annonce à son mari qu'elle pense être homosexuelle. En 2014, le divorce est prononcé par le tribunal de première instance de l'État de Washington qui délivre un jugement en faveur du père : celui-ci se voit confier la garde des enfants ainsi que l'autorité parentale exclusive quant aux questions d'éducation et de religion. En outre, la Justice oblige Rachelle à "s'abstenir de discussions approfondies avec ses enfants sur la religion, l'homosexualité et autres concepts de vie alternatifs". Il lui est également interdit "d'engager des activités ou des conduites qui pourraient être interprétées comme reliées à des sujets LGBT" ainsi que "d'exposer ses enfants à des livres, films ou événements LGBT".
La décision de justice s'est essentiellement basée sur les recommandations du "tuteur ad litem" : un individu désigné par la Cour pour protéger "les intérêts de l'enfant". Ce dernier a considéré que le "choix de vie" de Rachelle allait à l'encontre des croyances religieuses des enfants, lesquelles leur avaient notamment été inculquées par leur mère :

Je comprends que Rachelle soit enthousiasmée par sa nouvelle relation et qu'elle ait hâte de progresser dans sa nouvelle vie mais elle ne semble pas admettre que les enfants ne partagent pas nécessairement cette perspective. (...) Les idéaux et les croyances qui ont été appris toute une vie durant ne peuvent être simplement ignorés.

Orientation sexuelle vs croyances religieuses

L'année dernière, la Cour d'appel de l'État de Washington a partiellement confirmé ce jugement, considérant que le père était "le parent le plus stable" et avait donc "la garde principale" des enfants. Cependant, la Cour a jugé que le tribunal de première instance "s'était trompé" en ne confiant l'autorité parentale qu'au seul père ainsi qu'en interdisant à Rachelle de parler de son homosexualité. Cette dernière a alors saisi la Cour suprême de son État pour casser la première décision relative à la garde et à l'éducation de ses enfants
La semaine dernière, Rachelle a obtenu gain de cause puisque la Cour suprême de l'État de Washington a conclu que :

Le tribunal de première instance a ici manqué à sa neutralité quant à l'orientation sexuelle de Rachelle et a, d'une manière inadmissible, favorisé les croyances religieuses de Charles. Nous cassons [la décision].

La Cour a rappelé que la discrimination en raison de l'orientation sexuelle était anticonstitutionnelle, a fortiori depuis l'arrêt Obergefell v. Hodges qui a permis la légalisation du mariage pour tous sur l'ensemble du territoire américain. Et de souligner également que les procédures de garde d'enfants ne devaient pas prendre en considération l'orientation sexuelle du parent mais l'intérêt de l'enfant. Se faisant, le tribunal de première instance a commis un grave "abus de son pouvoir discrétionnaire".
La Cour suprême de l'État de Washington a renvoyé la décision relative à la garde des enfants et l'autorité parentale à un nouveau juge.