Marche des fiertésValérie Pécresse: "La région veut être un partenaire durable de la Marche"

Par Philippe Peyre le 23/06/2017
Valérie Pécresse marche des fiertés 2017

À la veille de la Marche des fiertés parisienne, entretien avec Valérie Pécresse, présidente Les Républicains de l'Île-de-France, une région qui s'inscrit comme le premier financeur de l'événement.

C'est un moment fort et très attendu. Des dizaines de milliers de personnes vont défiler, samedi 24 juin, pour la Marche des fiertés à Paris sous le mot d'ordre : "PMA pour toutes sans condition, sans restriction, maintenant". Lutte contre les discriminations et pour l'égalité des droits, perception de la Marche, financements et autres soutiens...  Alors que la Pride célèbre cette année sa 40ème édition, la présidente LR de la région Île-de-France, Valérie Pécresse, a répondu aux questions de TÊTU. Interview.
TÊTU : C’est une année particulière puisque la Marche de Paris fête ses 40 ans, comme l’annonce l’Inter-LGBT. Depuis vos débuts en politique, avez-vous perçu un changement de regard des Français.e.s et des élu.e.s sur cette manifestation commémorative et festive ?
Valérie Pécresse : Oui, le regard sur ce rassemblement a changé, ce n’est plus seulement une marche festive mais une marche qui revêt une forme de gravité. D’abord, parce qu’elle est encore interdite dans de nombreux pays. Ensuite, parce que l’an dernier les terroristes de l’État islamique ont frappé lors de la tuerie homophobe d’Orlando. L’actualité internationale nous rappelle encore cruellement que la persécution des homosexuels se poursuit, en Tchétchénie et ailleurs. Je n’oublie pas, en France, la persistance des actes homophobes au quotidien. Face à cette situation préoccupante, il est indispensable de continuer à se mobiliser contre l’homophobie. La Marche à Paris est devenue un symbole de la liberté d’expression et de la lutte contre les discriminations auquel nous sommes très attachés.
Dans quelle mesure la Région Île-de-France soutient-elle cette Marche en termes de financements et de communication ?
La Région Île-de-France demeure en 2017 le premier financeur de la Marche des Fiertés, à hauteur de 25.000 euros, soit un quart du budget consacré à son organisation. Cette subvention est identique à celle de l’année précédente et a même augmenté depuis 2015. J’ai d’ailleurs reçu cette semaine les représentants de l’Inter-LGBT auxquels j’ai annoncé que la Région signera désormais une convention pluriannuelle afin de sécuriser son financement : nous voulons être un partenaire durable. J’espère que tous ceux qui ont diffusé des informations malveillantes sur notre désengagement rétabliront enfin la vérité. Je demande à être jugée sur mes actes, qui correspondent à mon parcours personnel et à mes engagements politiques contre l’homophobie. Comme l’an dernier, l’Île-de-France sera présente à cette Marche à travers le CRIPS (Centre régional d’information et de prévention du sida et pour la santé des jeunes), organisme qu’elle finance et qui œuvre pour la lutte contre les discriminations, la prévention du VIH/sida, et les comportements à risque chez les jeunes. Le CRIPS réalise un travail de prévention important dans les lycées.
Enfin, la Marche des Fiertés sera cette année l’occasion pour la Région Île-de-France de diffuser un message sur notre engagement et notre solidarité contre l’homophobie, partout où elle est présente, en France et dans le monde, avec un accent plus particulier mis sur la Tchétchénie où les persécutions se multiplient au vu et au su de tous.
Au-delà du soutien à la Marche, comment la région soutient-elle la lutte contre les discriminations envers les LGBTQI le reste du temps ?
Tout au long de l’année, nous agissons à la Région en faveur de la lutte contre les discriminations. C’est un sujet sur lequel nous sommes particulièrement engagés. Nous sommes la première Région à avoir lancé la pratique du « testing » sur les lieux de travail, de loisirs, de formation et dans les associations.
En 2017, nous avons mis l’accent sur les jeunes en réaffirmant notre soutien à des associations telles que le Refuge qui accueille des jeunes LGBTI en situation de détresse : nous avons ainsi apporté cette année une subvention de 150.000 euros afin de financer la construction de studios d’hébergement. Nous aidons aussi le Réseau d’assistance aux victimes d’agressions et de discriminations (RAVAD) en raison de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur état de santé. En 2017, nous l’avons soutenu à hauteur de 15.000 euros pour mettre en place des permanences pour le conseil et le suivi juridique des victimes.
De manière plus globale, nous poursuivons en Île-de-France notre engagement de lutter contre toutes les discriminations, sous quelque forme que ce soit. C’est dans cette optique qu’a été lancé, le 19 juin dernier, l’appel à projets 2018 du dispositif régional « soutien à la lutte contre les discriminations et pour l’égalité entre les hommes et les femmes », qui inclut la lutte contre l’homophobie. Nous invitons toutes les associations à concourir avant le 25 septembre pour nous proposer des actions innovantes.
Nous savons qu’il existe aussi un vrai sujet concernant l’homophobie dans le milieu sportif. C’est la raison pour laquelle nous avons demandé aux 79 ligues franciliennes de se mobiliser pour lutter contre. Nous nous attachons également à faire de la prévention de l’homophobie et de la transphobie auprès des lycéens et des élèves de CFA via les animateurs du CRIPS.
La Marche des fiertés s'inscrit comme un événement incontournable pour promouvoir la lutte contre les LGBTphobies mais elle est également un temps fort de revendication pour l'égalité des droits. Soutenez-vous autant la lutte contre les discriminations que la lutte pour l'égalité des droits ? (PMA pour toutes, droits des trans...)
Je veux expliquer les raisons pour lesquelles je suis viscéralement contre la GPA : car il s’agit d’une marchandisation du corps de la femme et l’on sait que dans les pays où elle est pratiquée, la grande majorité des mères porteuses sont très pauvres. Une grossesse n’est pas une période sans risques, ni sans conséquences pour la santé des femmes. Je suis contre une société où tout s’achète. Cela m’a conduit à soutenir la pénalisation des clients des prostitués et la gratuité du don d’organes. Je suis cohérente, c’est aussi une question fondamentale de dignité humaine. Le problème, c’est que je n’imagine pas qu’on puisse ouvrir la PMA aux couples de femmes, sans ouvrir la GPA aux couples d’hommes. Comment humainement et juridiquement peut-on différencier les couples ? Il y a un principe d’égalité dans la Constitution. Comme je suis contre la GPA, je suis également défavorable à la PMA.
Quant aux droits des personnes transgenres, il faut continuer de travailler sur le sujet. J’avais soutenu Roselyne Bachelot quand elle a fait sortir la situation des transgenres du registre des maladies mentales. On doit encore pouvoir évoluer sur d’autres sujets.
Vous n'avez pas souhaité prendre part à la marche l'année dernière. Comptez-vous vous y rendre cette année ?
Non car, vous l’avez compris, je ne partage pas tous les mots d’ordre politiques qui pourront être relayés dans la Marche, mais je tiens à ce qu’ils puissent s’exprimer car c’est l’honneur de l’Île-de-France de porter l’étendard de la liberté d’opinion aux yeux du monde. Je le redis : la Marche des Fiertés est le rassemblement emblématique de la lutte contre l’homophobie et les discriminations. C’est pour cela que la Région la soutient et continuera à la soutenir.
La World Pride a lieu tous les cinq ans. Après Rome, Jérusalem, Londres, Toronto et Madrid cette année, Paris sera-t-elle à la hauteur pour accueillir un jour une telle manifestation ?
Bien sûr. Paris – et plus globalement l’Île-de-France – a tout ce qu’il faut pour accueillir un jour une belle manifestation internationale : les équipements, les infrastructures, les transports...
Laurent Wauquiez, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, a été critiqué pour avoir coupé des subventions à des festivals de cinéma LGBT. Comment percevez-vous cette pratique, vous qui au contraire avez augmenté l’aide de la Région ?
En Île-de-France, je m’étais engagée pendant ma campagne à poursuivre une action résolue contre l’homophobie. D’ailleurs, j’avais déjà – comme ministre des universités – lancé la première campagne d’information contre l’homophobie à l’université. Par ailleurs, nous avons aussi soutenu la production de 120 battements par minute de Robin Campillo, récompensé par le Prix spécial du jury au Festival de Cannes, qui retrace de manière bouleversante la tragédie humaine vécue notamment par les homosexuels lors de l’arrivée de l’épidémie du sida. La Région Île-de-France a également soutenu le téléfilm Baisers cachés et le documentaire Les Invisibles diffusés sur France 2 à l’occasion de la Journée mondiale contre l’homophobie.
Aujourd’hui, la situation dans la Région reste préoccupante. La violence des antagonismes provoqués par la loi sur le mariage pour tous n’est pas éteinte. Il faut réconcilier les Franciliens et arrêter de raisonner en termes de « communautés » dressées les unes contre les autres. Je suis très inquiète de ces replis identitaires qui nous empêchent de nous penser en une même communauté de destin, qui entretiennent la peur ou la haine de l’autre. J’ai déjà eu l’occasion de le dire après l’adoption de la loi Taubira en 2013, il est temps que la droite tourne définitivement la page du mariage pour tous : la loi a été votée, personne ne reviendra dessus. Elle concerne des femmes et des hommes qui s’aiment, des familles. Il faut savoir mettre de l’humain aussi dans la politique…
 

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