États-UnisTrump décide que les militaires trans n'auront plus de couverture santé pour leur transition

Par Ambre Philouze-Rousseau le 28/08/2017
Donald Trump bathroom bills directive de l'administration Obama

Donald Trump a signé un décret officialisant l'interdiction pour les trans de servir dans l'armée. Le sort réservé à ceux qui servent déjà reste encore flou. Une certitude : les frais médicaux de transition ne seront plus couverts.

"Le gouvernement des États-Unis n’acceptera ni n’autorisera plus les personnes trans à servir dans l’armée d’aucune manière que ce soit." Le 26 juillet dernier, il suffisait de trois tweets au président des États-Unis pour balayer d'un revers de la main les droits des militaires trans. Un mois plus tard, vendredi 25 août, ces laconiques gazouillis se sont transformés en une directive officielle, l'équivalent du décret présidentiel français. 140 caractères compulsifs qui deviennent une directive bien plus floue.
À LIRE AUSSI :

Quel avenir pour les trans qui sont déjà dans l'armée ?

Effectivement, le gouvernement des "États-Unis n’acceptera ni n’autorisera plus les personnes trans à servir dans l’armée" mais le "d'aucune manière que ce soit" n'est plus si catégorique. Donald Trump a accordé au secrétaire d'États à la Défense, Jim Mattis, un pouvoir discrétionnaire. Il pourra ainsi déterminer si certains militaires trans peuvent rester au sein de l'armée. Selon un officiel de la Maison Blanche, pour décider de cela, M. Mattis devra se fonder sur deux critères : l'efficacité militaire et les préoccupations budgétaires. Donald Trump laisse d'ailleurs une porte entrouverte pour nuancer ces décisions, si jamais M. Mattis lui "donne des arguments qu'[il] trouve convainquant."
Une belle pirouette pour Donald Trump laisse M. Mattis prendre les décisions les plus sensibles. Car ainsi, si Donald Trump préfère renvoyer tous les trans de l'armée, il n'aura qu'à dire : "Ce n'est pas moi, c'est M. Mattis qui n'a pas été assez doué pour me convaincre." Un procédé qui prêterait à sourire s'il s'agissait d'une querelle de cours de récréation mais qui s'avère rapidement moins risible quand il s'agit de la vie de milliers de personnes.

Retour aux politiques pré-Obama

Impossible donc de savoir combien resteront. Dana W. White, principale porte-parole de la Maison Blanche, a affirmé que M. Mattis avait reçu les conseils du président et qu'il devrait les appliquer d'ici 6 mois, sans donner plus de détails de calendrier.
Selon l'un des responsable de la Maison Blanche, les directives seraient simples : retour aux politiques en place avant l'adoption, par l'administration Obama, des directives permettant aux trans de servir ouvertement dans l'armée.
En 2011, Barack Obama avait décidé d’interdire la pratique du « Don’t Ask Don’t Tell » qui empêchait les personnes LGBT servant dans l’armée américaine de révéler leur orientation sexuelle, sous peine de devoir démissionner. En juillet 2016, Ash Carter, le ministre de la Défense sous Barack Obama, avait levé pour les personnes trans l’interdiction de rejoindre l’armée. Les premières recrues ouvertement trans auraient dû commencer leur formation à partir du 1er janvier 2018, selon Buzzfeed US.
D'après Associated Press, depuis juillet 2016, 250 militaires se seraient déclarés trans et auraient commencé un processus de transition. Actuellement, environ 15.000 personnes trans serviraient dans l'armée, selon une estimation de l'Institut Williams à UCLA.

Aucune couverture médicale pour une transition

Si le flou subsiste sur le nombre d'entre eux qui pourront continuer le service, ce qui semble certain c'est que l'armée ne couvrira plus leurs soins médicaux liés à leurs opérations de réassignation. Seule dérogation possible : si la réassignation est déjà en cours et que son arrêt pourrait nuire à la santé de l’intéressé. Entendez ici, santé physique car les conséquences psychologiques de ces décisions sont largement renvoyées aux oubliettes.
Du côté des conservateurs purs et durs, cette directive est chaleureusement applaudie. Tony Perkins, vétéran des Marines, a salué cette annonce dans un communiqué :

Le président Trump tient ses promesses : mettre l'accent sur ce qui importe dans l'armée, se battre et gagner les guerres. Le politiquement correct ne les gagne pas donc le président met fin aux politiques qui le prétendent.

"Personne ne devrait être traité de cette façon"

Du côté des militaires concernés, l’inquiétude est grande. La capitaine Jennifer Peace a servi en Iraq et en Afghanistan. Elle est à la tête d'une unité de 70 soldats. Au New York Times, elle explique que sont unité est elle aussi inquiète :

Pour l'instant, ce n'est pas très clair. En quoi mon déploiement est-il différent de celui des autres ? Je suis aussi légitime et compétente que n'importe qui.

Au début du mois d'août, accompagnés de plusieurs associations, deux groupes influents de défense des droits LGBT avaient décidé de poursuivre le président américain. Le National Center for Lesbian Right (NCLR) et le GLBTQ Advocates & Defenders (GLAD) demandaient à la justice de déclarer l'annonce du président comme inconstitutionnelle. Pour Shannon Minter, directeur du NCLR, "personne ne devrait être traité de cette façon, encore moins quand il s'agit de personnes qui ont consacré leur vie au service du pays."
La poursuite, déposée au nom de cinq membres de l'armée ouvertement trans, dénonce le caractère discriminatoire de cette annonce. Une discrimination "en fonction du statut de trans" qui violerait le cinquième amendement de la Constitution américaine. Pour les militaires, cette "directive est abstraite, capricieuse et irrationnelle." 
Aaron Belkin, directeur du Palm Center qui avait participé, en 2016, au lobbying en faveur de l'ouverture de l'armée aux trans, ajoute :

Imaginez si le président avait essayé de faire la même farce contre des soldats juifs, des soldats gais et lesbiens, des soldats chinois ou des soldats afro-américains. Retirer des droits à des gens qui ont défendu notre pays est incompatible avec deux siècles d'histoire américaine.

Lors de la cérémonie en grandes pompes des MTV Video Music Awards, dans la soirée du dimanche 27 août, six soldats trans ont arpenté le tapis rouge. À l’exception de Bryn Tannehill, de la Navy, qui était en uniforme, tous sont apparus habillés d'un t-shirt noir affublé de leur affectation. Le président des MTV, Chris McCarthy a déclaré dans un communiqué :

Tous les patriotes qui risquent leurs vies pour notre liberté et se battent pour l'égalité sont des héros aux MTV et aux yeux de tous les jeunes.


À LIRE AUSSI :