LGBTphobieLes déclarations homophobes ne rendront finalement pas inéligible

Par Julie Baret le 11/09/2017
Conseil constitutionnel loi de moralisation inéligibilité

Rare victoire du parti d'Emmanuel Macron à l'égard de la lutte contre l'homophobie, l'article premier de la "Loi de moralisation" a finalement été raboté en Conseil constitutionnel.

Alors que les cadres de la République En Marche (LREM) se félicitent d'avoir passé vendredi 8 septembre l'épreuve du Conseil constitutionnel au regard de loi sur la "confiance dans la vie politique" - qui supprime entre autre la réserve parlementaire, les indemnités de frais de mandats, les emplois familiaux, etc. -, la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA) fulmine :

La décision rendue par les Sages est un recul inédit et incompréhensible de notre droit en matière de lutte contre la prolifération de la haine raciale et un cadeau aux extrémistes de tous poils.

Et pour cause : la proposition qu'elle porte depuis des années et pour lequel elle a redoublé d'effort à l'horizon de cette nouvelle loi a été écharpée rue de Montpensier.
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Dans sa décision du 8 septembre 2017, le Conseil constitutionnel a déclaré que "le dix-huitième alinéa du paragraphe I de l'article 1er" de la loi était "contraire à la Constitution". Or cet alinéa rendait précisément inéligibles les personnes rendues coupables d'injure publique (art. 33 de la loi du 29 juillet 1881), de diffamation publique (art. 32) ou de provocation publique à la discrimination, la haine ou la violence (art.24), à caractère homophobe ou racial.

"Une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression"

Les Sages, tout en reconnaissant que cette mesure est "nécessaire au regard de l'objectif du législateur visant à renforcer l'exigence de probité et d'exemplarité des élus", ont justifié leur censure sur la base que ces dispositions porteraient une "atteinte disproportionnée à la liberté d'expression." Plus loin dans le compte-rendu de leur décision, les membres du Conseil constitutionnel réduisent même ces délits de presse à des "abus dans la liberté d'expression", tout en justifiant que cette dernière est capitale "dans le débat politique." Parmi les faits d'homophobie ou de racisme permettant d'exclure un individu de la vie élective jusqu'à 10 ans, seule la discrimination (art. 225-1 et 225-2 du code pénal) a été retenue.
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"Cette décision revient à dire ni plus ni moins que le racisme et l’antisémitisme ressortent de la liberté d’expression et ne sont donc pas des délits. Autant abroger les lois Pléven et Gayssot", tempeste la LICRA dans un communiqué où elle demande expressément au Président de la République, au gouvernement et à la garde des Sceaux "de prendre le problème à bras le corps". Celle qui saluait le Parlement d'avoir adoptée cette législation probablement unique au monde cet été change d'humeur :

En France désormais, si vous êtes reconnu coupable d’avoir refusé un emploi à une personne en raison de son origine, vous serez inéligible mais si vous êtes condamné pour avoir crié « mort aux arabes », vous pourrez toujours devenir député ! Un vrai travail de Gribouille !

Et pour le reste de la loi ?

Validée dans son ensemble, la loi de moralisation de la vie politique s'est aussi délestée, en Conseil constitutionnel, de la suppression de la réserve ministérielle au motif que celle-ci faisait fi de la séparation des pouvoirs.
Nicole Ferroni, chroniqueuse pour France Inter, livrait ce week-end ces questionnements sur une autre condition d'inéligibilité retenue dans la loi : la fraude fiscale, mais seulement si "commise en bande organisée"...

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