internetHer : l’application de rencontre pour lesbiennes et femmes queer qui fait du bien

Par Marion Chatelin le 06/07/2018
application rencontre pour femme

Robyn Exton, entrepreneuse américaine de 29 ans, a profité de la Marche des fiertés parisienne pour lancer la version française de son application de rencontre pour femmes queer, "Her". Avec pour ambition de combler le vide béant de l’univers du dating féminin, mais pas seulement. Nous l'avons rencontrée à Paris.

Le jour de notre rencontre avec Robyn Exton, fondatrice de l'application de rencontre pour femmes « Her », elle a les mains vernies aux couleurs du drapeau arc-en-ciel, « parce que c’est le mois des fiertés ». Le bracelet de sa montre affiche forcément les mêmes couleurs « mais ça, contrairement au vernis, c’est toute l’année », lâche-t-elle dans un rire.

Son appli mobile, dont la version bêta a été créée en 2013, est née d’une frustration, « presque une question de nécessité ». Alors âgée d’une vingtaine d’années, cette Londonienne née au Canada, étudiante en géographie, aime se rendre aux soirées dans l’est de la capitale britannique. Animée par l’envie de faire de nouvelles rencontres, elle finit par surfer sur les sites web de dating entre femmes, avant de télécharger des applications « du même genre que Brenda » (devenue Wappa). Son constat est amer : rien n’est fait pour les filles comme elle.

Rien pour les femmes qui aiment les femmes

« Je n’arrivais pas à croire que rien, absolument rien, n’était fait pour les femmes qui aiment les femmes, se souvient-elle. Le design, l’interface de tous ces sites étaient poussiéreux, dignes des années 90. Ils n’étaient en rien représentatifs de toute cette communauté dont je fais partie. Je me suis dit 'fais quelque chose' parce que Brenda, ça suffit ! »

La future cheffe d’entreprise se fait d’abord recruter par un ami dans une agence de publicité, « un coup du sort » selon elle, puisque la boîte compte plusieurs sites de rencontres parmi ses clients. En 2012, une de ses amies lesbiennes se fait larguer. « Pour qu’elle puisse se changer les idées », Robyn l’aide à s’inscrire sur les sites de rencontres . Mauvaise idée : « Elle était encore plus déprimée ! C’était embarrassant, voire humiliant pour nous de se rendre compte qu’aucune application n’était faite pour elle. »

Adapter Grindr au féminin

Un électrochoc pour celle qui occupe alors un poste confortable. Mais Robyn décide de changer de vie du jour au lendemain. Sûre de son concept, elle quitte son job, retourne vivre chez son père, prend des cours du soir pour savoir coder, et se lance en créant « Dattch », la version bêta de « Her ». Une application 100% inspirée de Grindr, la référence en matière de rencontres pour hommes gays. « C’était une application de dating pur et je crois qu’à l’époque, je n’avais pas du tout réalisé à quel point Grindr était à l’opposé de ce que recherchent les femmes en matière de sites de rencontres. Donc forcément, ça n’a pas marché. »

Exilée à San Francisco, l’entrepreneuse va d’incubateurs en incubateurs, de pitchs en pitchs, avant de trouver son appli idéale. « Her » voit le jour en février 2015, grâce aux 2,5 millions de dollars levés par sa fondatrice. Une interface sobre, un design élégant, l’application ne s’adresse plus seulement aux « femmes qui aiment les femmes ». Lesbiennes, bies, trans, pansexuelles mais également non-binaires, a-genres… l’application compte en tout 18 orientations sexuelles possibles et 23 identités de genre. La cible est LBT+ et clairement queer.

"Les meufs veulent voir, veulent lire, on a donc banni le profil avec la photo unique comme sur Grindr"

Parmi les fonctionnalités, on retrouve le traditionnel « swipe » : défilement à gauche pour marquer le désintérêt, à droite pour liker, le mouvement devenu incontournable pour toute app de rencontres qui se respecte. Mais le plus important pour l’entrepreneuse était de répondre à toutes les attentes. « Certain.e.s ont envie de se faire des ami.e.s, d’autres recherchent des dates occasionnels ou le grand amour. Les meufs veulent voir, veulent lire, on a donc banni le profil avec la photo unique comme sur Grindr. On leur a permis de mettre plusieurs photos mais aussi de se décrire par écrit. »

La force de l'appli communautaire

Créer un espace safe dans lequel toutes les personnes qui s'identifient en tant que femmes se retrouvent dans toute leur diversité, se sentent en sécurité et soutenues, c'est aussi ça le pari de la fondatrice. « Avant, les interactions se faisaient plutôt en tête-à-tête. Je pense qu'aujourd'hui, plus que jamais, nous avons besoin d'espaces communautaires. Les mouvements comme 'Black Lives Matter' ou 'MeToo' nous on fait prendre conscience que, lorsque les personnes se rassemblent, elles ont plus de force, plus d'impact dans la société. Elles deviennent visibles. »

Créer un espace safe sur Internet n'était finalement qu'un début. Il y a quelques années, cette fêtarde a développé un concept de soirées, sorte de prolongement de l'application dans la vraie vie. Aujourd'hui, 16 villes réparties entre les Etats-Unis, le Canada, l'Australie et la Grande-Bretagne sont le théâtre de soirées sponsorisées par l'application. « On vient de battre notre record de participation ! On a rassemblé 1.200 meufs lors de notre dernière soirée à New-York à l'occasion de la Pride. De la folie pure ». En Australie, « Her » organise aussi des week-ends camping entre filles queer. Bientôt la même dans le Morvan ?

Crédit photo : Robyn Exton.