AidesDécision historique : Gilead perd son monopole sur le Truvada dans l'UE !

Par Marion Chatelin le 25/07/2018
Truvada

Dans un arrêt rendu ce 25 juillet, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a tranché : le monopole dont se prévalait le laboratoire pharmaceutique Gilead sur le Truvada, est désormais illégal. Une décision historique, qui ouvre la voie à la commercialisation de génériques dans l’ensemble des pays de l’Union européenne.

Exceptionnel. La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a mis fin, ce mercredi 25 juillet 2018, au monopole du laboratoire pharmaceutique Gilead sur la commercialisation du Truvada en Europe. La combinaison « TDF-emtricitabine », vendue par l'entreprise sous le nom de Truvada, est à ce jour l’un des médicaments les plus utilisés pour lutter contre le VIH. Il est, d'une part, parmi les plus prescrits en curatif pour les personnes vivant avec le VIH, et d'autre part, le seul autorisé en préventif pour les personnes séronégatives dans le cadre de la PrEP en Europe. L'arrêt est rendu alors que se déroule, à Amsterdam, la 22e conférence mondiale sur le sida. Une très belle nouvelle pour l'association AIDES, présente sur place, qui a fêté ça de la plus belle des manières : sur le stand du laboratoire pharmaceutique, présent à la conférence.

Une bataille juridique gagnée

Médicament essentiel pour lutter contre le VIH, le Truvada était protégé en Europe par un brevet permettant à l'entreprise d'être en situation de monopole pour la vente. Mais en juillet 2017, l’ensemble des brevets sur ce médicament expirent. Pourtant, le laboratoire pharmaceutique réussit à conserver son monopole dans de nombreux pays européens, et va jusqu'à demander l'interdiction de la commercialisation des génériques. Mais pour de nombreuses associations, comme AIDES, rien ne pouvait justifier cette manoeuvre.
Plusieurs pays européens, comme les Pays-Bas, la Suède ou la Grèce rejètent la demande de l'industriel et la bataille juridique est lancée. Mais en septembre 2017, les juges français tranchent et rendent possible la vente de génériques sur le sol national, estimant que l'allongement de la période de monopole était « vraisemblablement nulle ».

« Avant, la boîte de Truvada vendue par Gilead, qu'on pourrait appeler 'Truvada de marque', était fixée à 400 euros. Suite à cette décision, les génériques ont pu être introduits sur le sol français, vendus au prix de 150 euros », précise à TÊTU Caroline Izambert, la responsable plaidoyer et mobilisation de l'association AIDES.

Vers une meilleure accessibilité de la PrEP

En mettant fin au monopole du laboratoire pharmaceutique, le juge européen s'aligne sur le juge français et ouvre la voie à la commercialisation de génériques dans l’ensemble des 28 pays de l’Union européenne.

« Le Truvada, c'est le seul médicament autorisé pour la PrEP sur le sol européen. Donc soit on l'achète au prix fort, soit on ne l'achète pas. Désormais, les pays vont avoir la possibilité d'avoir de la PrEP en générique, beaucoup moins chère. Or on sait que l'aspect financier était un obstacle de taille pour certains pays d'Europe de l'est, qui refusaient d'implanter le Truvada », lance Caroline Izambert.

Une bonne nouvelle pour les finances publiques, aussi. En France par exemple, 75% des personnes sous traitement et vivant avec le VIH prennent le Truvada. Depuis l'arrivée des génériques, il y a un an, l'État a économisé plus de 760 millions d’euros. Au niveau européen, cette décision pourrait donc se chiffrer en milliards d’euros. Autant d'économies qui pourraient être réorientées selon Caroline Izambert :

« On peut espérer que toutes ces économies soient investies dans le dépistage, l'accompagnement communautaire, les missions de service public, plutôt que d'engraisser un laboratoire pharmaceutique qui avait manoeuvré pour avoir une rallonge de monopole. »

Vendre le Truvada à des prix beaucoup moins excessifs et ainsi rendre l'accès à la PrEP facilité, et ce, partout en Europe. Voilà ce que fêtaient les militants des associations sur le stand de l'entreprise Gilead. De quoi redonner l'espoir de pouvoir, un jour, faire baisser le nombre de contaminations dans le monde.
 
Crédit photo : capture d'écran compte Twitter association AIDES.