Le RefugeLa Ville de Bondy ruine un rassemblement de la Manif pour tous

Par Julie Baret le 13/10/2017
contre-Manif pour tous Bondy

La municipalité de Bondy, la Fédération de la Seine-Saint-Denis, la Ligue des droits l'Homme, le Planning familial, les syndicats enseignants, les conseils de parents d'élèves... Tous se sont mobilisés contre la Manif pour tous, en faction non-autorisée à Bondy mercredi soir.

De 19h à 21h, sur la place de la gare de Bondy, en Seine-Saint-Denis, une trentaine de militants LMPT, sa présidente Ludovine de la Rochère incluse, s'est cognée à une foule tout aussi nombreuse et armée d'instruments de musique pour couvrir d'un vacarme les "négations de la loi naturelle" et autres "changements de civilisation" assénés au micro.
Après le passage du bus anti-genre conduit par CitizenGo mais assorti aux idées de la Manif pour tous, les anti-égalité organisaient mercredi à Bondy leur troisième Fête de la famille avec le Collectif Familles 93, sans avoir demandé d'occupation du domaine public à la municipalité.
"Déjà l'été dernier ils avaient pris l'intégralité de la place. Cette fois-ci on ne voulait pas rester passifs, surtout quand on a appris qu'ils avaient défilé avec leur bus dans des quartiers où il y a déjà des problèmes de vivre ensemble", nous informe Sophie, une des participantes à la contre-manif de mercredi.

La maire de Bondy au front

C'est la maire de Bondy en personne, Sylvine Thomassin, affiliée PS, qui a lancé une mobilisation anti-Manif pour tous après avoir découvert les slogans « Sexe à l’école, famille attaquée, enfants manipulés, stop, ça suffit ! » collés dans la ville. "L'année dernière déjà, je m'étais rendue sur la place avec un certain nombre de militants, je leur avais signifié qu'ils étaient en dehors de la loi parce qu'ils n'avaient même pas déclaré ni la mobilisation ni l'occupation du domaine public", s'énerve la maire de la ville. "Je les avais même surpris à coller des affiches, de l'affichage sauvage, sur le pont de l'autoroute : j'étais sortie de la voiture - j'étais avec des amis - et je les avais pris en photo en leur disant qu'ils étaient dans l'illégalité. Finalement la police est arrivée et a dispersé tout le monde. Je leur avais dit : "vous ne reviendrez pas dans ces conditions", sous-entendu : "vous ne reviendrez pas tout court."
La veille de la Fête des familles 2017, la ville dénonce par communiqué des "visuels aux couleurs criardes et aux slogans chocs", des "rassemblements illégaux" et une campagne de "désinformation" :

Les thèses et méthodes de CitizenGo et de la Manif pour tous, qui prétendent vouloir "protéger les enfants", "alerter les parents" contre les enseignements de l'Education nationale, sont totalement calomnieuses et délirantes.

La mairie descend des théories "inquiétantes, car elles portent le projet d'une société rabougrie, refermée sur elle-même, intolérante", et défend, contre la mésinformation de la Manif pour tous sur les cours d'éducation sexuelle, les apprentissages de l'école pour "lutter contre les stéréotypes et les préjugés sexistes." 
"Ils peuvent m'accuser d'anti-catholicisme s'ils le veulent, or je suis une catho de gauche comme diraient certains, s'amuse Sylvine Thomassin. Je reconnais [dans la Manif pour tous, ndlr] un mouvement traditionaliste et haineux qui diffuse des mensonges. Non, on n'enseigne pas la masturbation à l'école. Oui, on apprend qu'être une fille ou un garçon ça ouvre les mêmes fenêtres sur le monde, l'identité sexuée ne devrait pas enfermer dans des stéréotypes, l'orientation sexuelle librement choisie; c'est l'égalité de genre que l'on apprend."
Surtout, la ville de Bondy appelle dans sa communication officielle ses habitants à une contre-manif, en lieu et place de la Fête des familles.

contre-Manif pour tous Bondy
Organisations signataires de l'appel à mobilisation

"C'était une contre-Manif pour tous bruyante et militante"

"Notre objectif c'était d'occuper le terrain, de diffuser notre propre communiqué et de répondre aux passants. On ne cherchait pas à convaincre la Manif pour tous, parce que même s'ils sont très minoritaires à Bondy ce sont des gens aussi très motivés, ni même à discuter avec eux : c'est un mouvement de prosélytisme", décrit Sophie. "Ils veulent faire le lien entre le milieu catholique traditionnel et les personnes de quartiers populaires dont elle peut sentir l'inquiétude sur ces sujets, rajoute Sylvine Thomassin. Nous on voulait sensibiliser les concitoyens, mais globalement, ils n'étaient pas perméables à leurs idées."
L'association "Vivre mieux, ensemble, à Aulnay", qui avait épinglé le maire LR de cette ville voisine car il avait fait censurer les affiches de prévention contre le VIH en novembre 2016, était elle aussi représentée aux côtés de militants et d'habitants de la ville, dans un contre-rassemblement joyeux. Par précaution, la police municipale avait assuré une distance entre les deux groupes, mais en dépit des dires de la Manif pour tous, "il n'y a pas eu de débordement malgré les craintes. C'était bon enfant", renchérit Sophie."Ils ont chanté, il y a eu des échassiers, des artistes locaux, des associatifs, des collectifs féministes, des parents d'élèves... C'était une manifestation bruyante et militante", continue Sylvine Thomassin.
Sur Twitter, Sylvine Thomassin a remercié ses concitoyens "d'avoir porté haut et fort nos valeurs", contre les "mensonges" et la "stigmatisation", tandis que la Manif pour tous rage contre une "démocratie (qui) a dysfonctionné." Mais la maire de Bondy est ferme : "s'ils reviennent, évidemment qu'on continuera; il y aura peut-être même d'autres initiatives..."
 
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Couverture : crédit photo Twitter