Censure des affiches gays : l'idéologie au détriment de la prévention

Par Jérémie Lacroix le 22/11/2016
affiches de prévention censurer Aulnay Angers

La polémique autour des affiches de prévention gay ne cesse d'enfler. Les maires Les Républicains d'Angers et d'Aulnay-sous-bois les ont censurées.

La dernière campagne de prévention au VIH de Santé Publique France (ex-INPES) - un organisme public rattaché au ministère de la Santé - suscite l'ire des milieux catholiques conservateurs et des défenseurs des "valeurs familiales traditionnelles". La raison de cette colère ? Cette campagne qui cible les hommes homosexuels véhiculerait des concepts choquants auprès des enfants. On le voit bien, en France, tout ce qui touche à l'homosexualité devient un sujet ultra-sensible si ce n'est incendiaire. Et ceux qui s'offensent de la visibilisation de l'homosexualité dans l'espace public de mettre inlassablement en avant la "protection de l'enfance". Pourtant, les associations et le ministère de la Santé le savent : pour lutter efficacement contre le VIH et les IST, il faut des campagnes qui ciblent les populations à risque. Les homos en font partie puisqu'ils ont 200 fois plus de risque de contamination que les hétéros.

Censure municipale

Dernière attaque à l'encontre des affiches de prévention au VIH, celles des maires LR d'Aulnay-sous-bois et d'Angers. Le premier, Bruno Beschizza, les a purement et simplement censurées via un arrêté municipal. De fait, aujourd'hui, toutes lesdites affiches ont été barrées d'un bandeau jaune sur lequel est inscrit "protégeons nos enfants" et citant l'arrêté précité. Contacté par TÊTU, la mairie n'a pas encore donné suite à nos demandes. Et d'aucuns de voir dans cette décision de l'homophobie déguisée à l'instar du député PS Daniel Golberg qui s'offusque sur Twitter du fait que : "Une affiche d'une femme embrassant un homme n'aurait pas déclenché cet arrêté. Cela porte un nom : l'homophobie ". Ou encore de Ian Brossat, adjoint PCF à la mairie de Paris, qui s'insurge contre une "Épidémie de connards moyennâgeux...". En effet, nombreux sont ceux qui voient dans cette interdiction la volonté de céder aux sirènes du populisme, dans un contexte national où le sujet de l'homosexualité cristallise de fortes tensions, et ainsi de faire passer l'idéologie avant la prévention. En outre, la justification du maire d'Aulnay paraît pour le moins absconse :

Quand on met des messages subliminaux d'une aventure d'une nuit, d'accouplement sans parler d'amour de manière aussi lapidaire, sur un abribus sans contextualiser, j'imagine un enfant de cinq ans qui sans libre-arbitre peut avoir une certaine confusion dans l'esprit.

Le maire LR d'Angers, Christophe Béchu, s'est lui aussi indigné de cette campagne. En effet, TÊTU s'est entretenu avec Caroline Frel, l'adjointe municipale en charge de la famille et de la petite enfance, laquelle nous explique :

Nous ne sommes pas contre ces affiches de prévention. Ce qui nous choque, ce sont les messages plus que les photos, surtout aux abords des écoles. C'est pour cela que nous avons demandé à la société JCDecaux de les retirer dans ces périmètres.
Des parents ont été choqués qu'on puisse valoriser une sexualité débridée et d'opportunité devant l'école de leurs enfants. Dans un contexte sensible voire hystérique pour certains, le conseil municipal a pris la décision de jouer l'apaisement. Il ne faut y voir aucune forme d'homophobie ni d'opposition aux campagnes de prévention. D'ailleurs, lorsque que le maire était président du conseil général de Maine-et-Loire, il a participé à une campagne d'AIDES intitulée 'Voteriez-vous pour moi si j'étais séropositif ?'.

Les associations s'indignent

Nous avons cherché mais malheureusement nous ne trouvons pas trace de Christophe Béchu dans cette campagne d'AIDES qui date de 2007. Nous avons interrogé Christian Andréo, le directeur général délégué de l'association AIDES. Pour lui, il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'une homophobie déguisée derrière une rhétorique bien huilée, ainsi que d'une attaque envers une évolution des mœurs jugée trop libertaire. En somme, d'un retour en arrière qui honnit notamment la sexualité hors mariage :

"Adultère", "protection de l'enfance"... sont autant d'éléments de langage pour ne pas aborder le problème que ces gens ont avec l'homosexualité dans l'espace public. Car ces affiches de prévention sont plutôt prudes et on voit des publicités bien plus choquantes, pour des voitures ou des parfums, dans lesquelles on pourrait discuter de la représentation des femmes par exemple. Bizarrement, dans ces cas là, on entend personne.
Cette campagne ne cherche pas à valoriser des comportement ou des pratiques mais s'intéresse à la réalité des situations. En outre, je ne pense pas que les hétéros soient tous mariés, qu'ils ne conçoivent la sexualité qu'à visée reproductive ou qu'ils soient exempts d'aventures extraconjugales. On assiste à une situation inédite : un renouveau de la vertu. Le programme est assez clair ainsi que le modèle de société qui en découlera...

Des recours contre ces décisions peuvent être envisagés mais risquent d'être longs. Les associations pensent à des moyens d'action plus immédiats sans donner plus de détails.
Crédit photo : Twitter 
 
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