harcèlementChoix du prénom, toilettes neutres... L'Université de Tours évolue grâce à un étudiant trans

Par Julie Baret le 05/10/2017
toilettes non genrées université François-Rabelais Tours

Il aura fallu douze mois à l'Université François-Rabelais de Tours pour répondre aux problématiques quotidiennes rencontrées par Charly, étudiant trans en première année de psychologie.

toilettes neutres Université François-Rabelais Tours prénom d'usage
Charly - capture écran TV Tours-Val de Loire

 
Las de devoir justifier son identité de genre à longueur de journée, Charly frappe à la porte de la chargée de mission Égalité, Diversité et Handicap, en début d'année dernière. Il trouve une oreille attentive en la personne de Concetta Pennuto et raconte les moments gênants lors de l'appel, lorsque les professeurs le désignent par son prénom féminin attribué à la naissance, ou chaque fois qu'il présente sa carte d'étudiant, que ce soit pour entrer en salle d'examen, emprunter un livre à la bibliothèque, etc. "La fac est une période charnière, raconte à La Nouvelle République le jeune homme , c'est important de se sentir respecté dans son identité."
Depuis, tous les services de François-Rabelais se sont mobilisés, "les services administratifs, de santé, juridique, de la vie étudiante, informatique, technique, des études", indique l'université par communiqué. "Il y a une très bonne volonté de la part de toutes les composantes de l'Université," renchérit Audrey Moullec, chargée de communication à François-Rabelais et très impliquée dans le projet.

L'importance des mots

Cette année, la reprise des cours a été accompagnée d'une nouvelle carte d'étudiant refondue en écriture inclusive, avec la possibilité pour ceux qui le souhaitent d'y inscrire un prénom d'usage, de mêmes que dans les listes d'appels, sur les adresses mail personnelles et dans les fichiers de l'université. Avec la possibilité de l'écrire également a posteriori sur les diplômes obtenus après changement à l'état civil.
"C'est la discussion avec Charly qui nous a enseigné tout ça. Il nous a apporté un grand éclairage, c'était très enrichissant sur le plan personnel", explique Audrey Moullec.
Concernant l'utilisation des toilettes, question largement mûrie par le débat des "bathroom bills" outre-Atlantique, l'université de Tours prépare l'installation de toilettes neutres, d'abord en faculté de médecine puis sur l'ensemble du campus et même, à termes, à disposition du personnel de l'Université.
"On parle bien ici de toilettes neutres et non pas de toilettes mixtes qui renverraient encore à l'opposition femme/homme, précise Audrey Moullec, pour cette même raison, ces toilettes ne seront pas signalées par un logo mixte, mi-femme mi-homme, comme on a pu le voir ailleurs, parce qu'on retomberait dans la stigmatisation." Une réflexion en présence des étudiants est actuellement en cours pour choisir le terme et la typographie qui seront retenus.

"Chaque situation sera prise en compte avec ses nuances"

Les équipes de François-Rabelais, aidées d'un étudiant "relais" sur la question du genre, proposent enfin d'accompagner les élèves dans leurs démarches de transition et même de les aider en cas de changement de cursus, en prenant elles-même contact avec l'université d'accueil pour expliquer les démarches qui ont été implantées à Tours. "Il ne s'agit pas de prendre position sur un débat de société mais d’œuvrer pour le bien-être des étudiants", spécifie l'Université.
"Même si cela ne concernait qu'un seul étudiant, c'est important qu'il puisse poursuivre ses études dans les meilleures conditions, spécifiait Concetta Pennuto à La Nouvelle République, c'est une question d'égalité des chances." Or selon elle, ces mesures concerneraient bien une dizaine d'étudiant·e·s, dont deux qui se sont depuis présentées à son bureau; pour ceux qui n'oseraient pas venir en personne, l'Université va mettre en place sur son site internet une série de témoignages et d'informations pratiques, attentives au vocabulaire et aux problématiques trans.
"On veut prodiguer une orientation très personnalisée; c'est vraiment un ensemble de mesures à la carte, indique encore Audrey Moullec. Chaque situation sera prise en compte avec ses nuances. Je suis convaincue que cette initiative peut faire avancer la compréhension des choses."

Mise au point militante

Largement saluées par la presse, les mesures ont aussi reçu l'aval de Michael Achard, le président du Centre LGBT Touraine, selon qui cela "intègre les personnes transgenres dans leur parcours, auprès de leurs camarades" et représente "un plus pour leurs études." Mais d'autres activistes fulminent.
Trans Posé·e·s, association tourangelle d'entraide aux personnes trans dénonce par communiqué les "lenteurs" de ces adaptations en dépit de la "simplicité des actions qui en sont ressorties" ou le fait qu'"une seule personne trans (soit) la source unique de ces adaptations". Elle accuse une "récupération des luttes politiques à des fins marketing" et rappelle à juste titre que le non-respect du prénom choisi par une personne trans est puni par le Code pénal. "Ils se font mousser sur le dos des personnes transgenres", assène encore une autre membre de Trans Posé·e·s à Rue89.
En cette rentrée, Charly a néanmoins reçu sa nouvelle carte d'étudiant, munie d'une nouvelle photo et d'un prénom masculin. Du côté des services de l'Université, on espère déjà voir des initiatives similaires s'inviter dans les couloirs d'autres facs, comme c'est déjà le cas à Grenoble, à Toulouse ou à l'Ecole Normale Supérieure à Paris.
À LIRE AUSSI :