LGBTphobieCoupe du Monde : Les mésaventures de la "Maison de la Diversité" à Saint-Pétersbourg

Par Prosper Dou le 19/06/2018

L’ONG "Football Against Racism in Europe "(FARE), qui souhaitait ouvrir à Saint-Pétersbourg un « refuge » où les minorités raciales et sexuelles pourraient regarder les matchs de la Coupe du Monde en sûreté, a rencontré de nombreux obstacles pour mener son projet à bien.

Un « espace sûr » censé célébrer la diversité dans le football et permettre aux minorités raciales et sexuelles de regarder la Coupe du Monde en sécurité, a rencontré des difficultés dans son implantation à à Saint-Pétersbourg. L’ONG Football Against Racism in Europe (FARE), qui lutte contre le racisme et les discriminations dans le monde du ballon rond, devait initialement ouvrir une Diversity House (« Maison de la Diversité », en français) le jeudi 14 juin, à la veille du coup d’envoi de cet événement sportif de grande ampleur. Mais le propriétaire du lieu a tout simplement décidé de ne pas le louer pour d'obscures raisons.

La fermeture soudaine de ce lieu de célébration des minorités serait-elle due aux autorités locales ? Selon le directeur exécutif de l’ONG, Piara Powar, qui s'est confié au journal anglais The Guardianil s’agit clairement « d’une attaque politique qui montre combien les débats autour des droits de l’homme sont rognés par d’importants mouvements conservateurs en Russie ». Le Guardian avance qu’à Saint-Pétersbourg, en particulier, les politiques locales ont « traditionnellement des positions plus dures avec les organisations LGBT et sur les sujets touchant aux droits de l’hommes ».

« On nous a demandé de partir de manière plutôt brusque, en nous coupant l’électricité et sans nous donner une seule explication », a expliqué Elena Belokurova, une activiste locale, au quotidien britannique. Le directeur exécutif du FARE a également souligné que le but de la Diversity House était de faire face aux atteintes aux droits de l’homme en Russie et aux potentiels chants racistes et homophobes lors des matchs. « Ce n’était pas une provocation et le projet ne va pas contre la loi », a-t-il ajouté.

Si le refuge du FARE n’a pas vu le jour à Saint-Pétersbourg, un lieu similaire a pourtant été ouvert en grande pompe à Moscou. La Fédération internationale de football association (FIFA) était même présente, faisant un article sur son site officiel :

« La diversité dans le foot est quelque chose qu’il faut célébrer tous les jours, partout et quand la Coupe du Monde de football est là, il y a une opportunité d’amplifier ce message dans tous les coins de la planète », peut-on lire sur le site de la FIFA.

Un nouveau lieu trouvé

Si Piara Powar n’a pas de preuve concrète de l’implication des autorités locales, il rappelle cependant que de nombreuses organisations « gênantes » ont disparu après que la Russie ou Saint-Pétersbourg ont affirmé qu’elles étaient hors-la-loi. Les soupçons de Piara Powar sont également partagés par Alfred Miniakhmetov, le coordinateur du projet. Ce dernier a affirmé auprès du quotidien russe The Moscow Times que la fermeture était « politique » et visait à « perturber et décourager de prochains projets ».

Après plusieurs jours de tractations, la « Maison de la Diversité » a finalement pu voir le jour à Saint-Pétersbourg, le weekend du 16-17 juin. «Les associations locales et les activistes ont fait un travail remarquable. Elles ont réussi à trouver un nouveau lieu et ont passé deux jours à tout déménager et à préparer la réouverture. Nous saluons leur dévouement à la cause de la diversité et contre les discriminations», a écrit Piara Powar, lundi 18 juin, sur le site officiel du FARE. La sécurité des minorités raciales et sexuelles bénéficie donc dans d'un endroit sûr, à Saint-Pétersbourg, tout au long de la Coupe du Monde . Mais après la compétition, rien n'est moins certain...