Christiane TaubiraLa Cour de cassation rend des arrêts sur la GPA : une avancée et un blocage

Par Philippe Peyre le 05/07/2017
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Si elle donne son feu vert à l'adoption d'un enfant né d'une GPA à l'étranger par le conjoint du père biologique, la Cour refuse la transcription automatique des actes de naissance étrangers à l'état civil français.

La plus haute juridiction française a parlé. Saisie par plusieurs familles, hétérosexuelles et homosexuelles, ayant eu recours à une GPA (gestation pour autrui) à l'étranger, la Cour de cassation s'est prononcée, mercredi 5 juillet, sur deux questions concernant la reconnaissance du parent d'intention dans la filiation d'un enfant né d'une GPA à l'étranger. La Cour a estimé qu'un acte de naissance établi à l'étranger ne peut être transcrit que partiellement dans le droit français. Cela signifie que seul le père biologique sera mentionné dans l'acte de naissance français, sans que le ou la conjoint·e, dit·e "parent d'intention", n'y figure. Une décision que la Cour justifie du fait qu'en droit français, la mère ne peut être que celle qui a accouché :

L’article 47 du code civil ne permet de transcrire à l’état civil français que ceux des actes étrangers dont les énonciations sont conformes à la réalité : il est donc impossible de transcrire un acte faisant mention d’une mère qui n’est pas la femme ayant accouché.

Seulement, cette réalité n'est point définie dans ce fameux article 47 du code civil. "C'est la Cour qui l'affirme. Qu'est-ce qu'on appelle la réalité : la juridique, ou bien la biologique ? C'est l'interprétation de la Cour", relève Me Florent Berdeaux, avocat au Barreau de Paris.

"Un refus net de la reconnaissance de la parentalité d'intention"

D'un autre côté, la Cour de cassation a jugé qu'un enfant né d'une mère porteuse à l'étranger pouvait être adopté par le ou la conjoint·e de son père biologique, et donc se voir reconnaître légalement deux parents en France. Cet arrêt induit qu'à la suite de l'adoption, le ou la conjoint·e du père biologique qui va élever l'enfant sera bien mentionné·e sur l'acte de naissance. Une décision qui constitue une avancée car jusqu'à présent, la France ne reconnaissait ce statut de parent légal qu'au père biologique, et non à l'autre parent. Seulement, cet arrêt ne vient satisfaire que les couples d'hétéros ou d'hommes mariés, comme l'explique Me Berdeaux :

C’est positif dans la mesure où, au final, les couples qui ont eu recours à une GPA à l'étranger auront bien une double filiation en France, une fois qu'ils seront passés par une procédure d'adoption. Ce n'est positif que pour les couples mariés hétéros ou d’hommes dans lesquels il y a bien un parent biologique. C'est pourquoi on espérait qu'on transcrive de façon automatique, point final. Tout ceci reste un échec car c'est un refus net de la reconnaissance de la parentalité d'intention. C'est très décevant pour les femmes célibataires, les couples de femmes, les couples non mariés ou ceux qui ont divorcé. 

Un avis partagé par l'Association des Familles Homoparentales (ADFH) qui dénonce un "tri des familles entre elles". "En 2017, on ne trie pas les enfants et l’on n’ampute pas plus leurs actes de naissance au seul motif du mode de conception comme vient de le faire la Cour de Cassation", a déploré l'association dans un communiqué. D'autant que même si l'arrêt rendu par la Cour concernant la possibilité pour le ou la conjoint·e d'adopter l'enfant du père biologique apparaît comme positif, cela oblige les couples à passer par une procédure qui n'est pas des plus aisées et dont l'issue demeure toujours incertaine, comme le détaille Me Berdeaux :

Il faut compter au moins huit mois pour une procédure d'adoption, ça reste long. En principe, ça devrait bien se passer mais ça reste soumis à l'appréciation d'un juge et on peut imaginer des réponses différentes d'un juge à l'autre.

Et maintenant ?

Désormais, maintenant que la plus haute juridiction française a statué, les familles n'ont comme recours que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Le président de la République, lorsqu'il n'était encore que candidat, avait souligné son intention d’œuvrer pour que les enfants nés par GPA à l'étranger soit reconnus, dans les colonnes de TÊTU :

Il faut permettre la reconnaissance des enfants nés par GPA à l’étranger. On ne peut pas les laisser sans existence juridique. Ces enfants participent d’un projet d’amour. Il faut arrêter l’hypocrisie, et je porterai ce projet pour compléter la circulaire Taubira.

Peut-on compter sur Macron ? Pour Me Berdeaux, il y a peu de chances que le sujet soit pris en charge par l'exécutif : "On peut envisager une intervention législative mais je ne suis pas du tout certain que ce soit la priorité pour Emmanuel Macron qui vient de lancer une réflexion autour de la PMA"...
 

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