thérapies de conversionDans l’enfer des thérapies de guérison de l’homosexualité

Par Jérémy Patinier le 24/02/2017
thérapies de conversion

C’est une enquête dévoilé par Libération en janvier 2017 qui nous alerte : les thérapies de conversion, ou de guérison de l’homosexualité, sont dans le viseur des autorités françaises. Mais pourquoi personne ne réagit, alors même que de gros doutes sont émis sur certaines organisations ?

Alors qu’elles ont récemment été interdites à Malte, qui malgré l’interdiction de l’IVG est très en avance sur les questions sociales et particulièrement envers les LGBT (union civile, adoption, droits des trans…), aucun autre pays européen, et encore moins la Commission européenne, n’a légiféré sur ces tentatives de « conversion » des homos ou des trans en hétéro ou cisgenre.
Pourtant, l’ONU - qui a retiré l’homosexualité de la liste des maladies mentales en 1990 - considère que ces thérapies sont assimilables à de la torture (chocs électriques, injections de vomitif…) au même titre que les stérilisations forcées ou que les examens anaux.
Le Brésil depuis 1999, l’Ontario au Canada et même quelques États américains (comme la Californie) ont déjà interdit ces pratiques souvent inspirées par des mouvements religieux et leurs dérives sectaires, parfois dirigées par des « psy » ou des pseudo-médecins comme c'est le cas aux États-Unis, en Suisse, en Chine, en Equateur, en Ouganda ou au Liban. On y considère que l’orientation sexuelle ne peut être autre qu’hétéro, et que l’identité de genre ne peut être autre que celle assignée à la naissance.
Pierre de Boissieu et Florian Bardou de Libération rappellent les techniques employées : « Du bourrage de crâne sous couvert d’accompagnement psychospirituel aux bons vieux électrochocs en passant par l’exorcisme », tout est bon pour lutter contre les désirs de celles et ceux qui veulent juste être eux/elles-même.
Il s’agit en réalité de méthodes pseudo-scientifiques, condamnées par les plus sérieuses sociétés savantes comme l’Association américaine de psychologie (APA) ou le collège royal des psychiatres en Grande-Bretagne, pour les dégâts psychologiques qu’elles occasionnent chez les personnes qui en sont victimes, allant jusqu’au suicide.
En 2016, en Suisse, un jeune helvète - élevé en milieu évangéliste dans lesquels l’homosexualité est considérée comme une abomination menant directement en enfer - révélait avoir été envoyé en thérapie de conversion dès l’âge de 15 ans et ce pendant une dizaine d’années. Quel était le programme ? Pas de décharges électriques sur les parties génitales comme c’est le cas en Chine, ou d’examens anaux comme pratiqués en Egypte, mais un lavage de cerveau et des mises en situation perverses. Vous n’aimez pas le foot ? Alors vous intégrerez une équipe afin de fréquenter des hommes dans une situation non-sexuelle, racontait-il au journal suisse Schweiz am Sonntag.
https://www.facebook.com/Change.orgFrance/videos/1194339333977339/

Une vieille lubie

Drogues, électrochocs, castration chimique, viols, exorcisme, greffe de testicules, hypnose ou encore lobotomie, le dernier numéro de NEON (mars 2017 #52) dresse la liste des diverses méthodes barbares utilisées dans l’histoire (et parfois encore aujourd’hui) pour « délivrer » les « pratiquants » de l’homosexualité.
Peterson Toscano a passé dix-sept ans à essayer de devenir hétéro. Il a cofondé Beyond ex-gay, une association qui regroupe les « survivants » de ces thérapies. Dans son entretien à NEON, il explique son parcours :

D’abord, je suis allé à l’église : étude de la Bible, prières, etc. Puis ils ont utilisé la crise du sida : les gens étaient perdus, et ces lieux sont devenus des sortes d’arches de Noé. À New York, j’ai rejoint LIFE Ministries. Ce groupe croyait que les gays avaient le démon en eux. J’ai subi trois exorcismes. Ensuite, j’ai passé deux ans dans une résidence de Love and Action : prières, écoute, des débats sur le genre – comment être un homme, s’habiller comme tel, etc. Nous devions écrire des histoires sur notre vie sexuelle d’avant. Lors d’un week-end, nous avons dû partager nos histoires sexuelles les plus honteuses devant nos parents…

Il rajoute :

Aux États-Unis, cinq états les ont [les thérapies de conversion] interdites pour les mineurs, mais il y en a toujours beaucoup. De nombreux ex-gays ont parlé, et les mentalités ont changé. Ce sont des organisations religieuses, pas médicales, donc elles fonctionnent sous le radar. On ne les présente plus comme des « programmes ex-gays », mais comme des camps chrétiens. Maintenant, ça s’exporte. C’est comme l’industrie du tabac : ils ont inondé le marché américain, et quand ils ont fini par décevoir, ils l’ont étendu au marché mondial.

(Lire l'intégralité de l'interview ici)
 

Et en France ?

Depuis début janvier, une pétition lancée sur la plateforme Change.org et signée par plus de 31.000 personnes urge le gouvernement à réagir. Son auteur, Aurélien Heiligenstein, adhérent d’Amnesty International à Mulhouse, pointe l’urgence de la situation :

Il faut établir une loi qui stipule explicitement l’interdiction pure et simple de ces thérapies en France et apporte une réponse pénale aux "thérapeutes" qui les pratiquent.

SOS homophobie, contacté par Libération, n’y voit pas d’intérêt. Pour Virginie Combe, vice-présidente de l'association, il n’est pas nécessaire de porter ouvertement une telle revendication.

Le risque, c’est qu’on reconnaisse la légitimité de ces "thérapies. Or, en général, ce sont des mouvements à la limite du sectaire qui les proposent. Notre priorité c’est plutôt de rappeler que l’homosexualité n’est pas une pathologie et qu’en cas d’un commentaire déplacé d’un professionnel de santé, il faut saisir l’Ordre des médecins.

À la Délégation interministérielle de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah), on estime également que ce n’est pas vraiment un « sujet ». Pourtant, la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) veille sur certaines associations et peine à les débusquer. Elle surveille notamment "Torrents de vie", un petit groupuscule évangélique venu de Suisse, depuis 2012. Ce n’est pas le seul mouvement : "Exodus international", mouvements pentecôtistes, ou "Courage" qu'essaie d'implanter en France la Communauté charismatique de l’Emmanuel (un courant conservateur dans la droite ligne de la Manif pour tous); les inquiétudes sont grandes tant les techniques sont sournoises et affûtées.
Il est déjà bien difficile de s’assumer dans la société, mais lorsque des groupes de pressions s’y mettent, promeuvent l’abstinence ou la condamnation morale, les conséquences peuvent être désastreuse…
 
À Malte, des amendes pouvant atteindre 10.000 euros voire des peines de prisons d’un an pourront être prononcées pour condamner ces pratiques, suivant la gravité des faits. Et en France, c'est pour quand ?