arméeÉvreux : Il accuse l'armée d'avoir poussé son époux au suicide

Par Julie Baret le 30/11/2017
Évreux suicide militaire harcèlement homophobe

Un militaire homosexuel basé à Évreux s'est suicidé le 17 novembre. Son époux dénonce le harcèlement homophobe qu'il aurait subi. Il a l’intention de poursuivre l'État.

"J'en veux à ses collègues parce qu'ils ont rien fait. Ils l'ont laissé dans sa situation sans m'alerter." Sylvain Dumont est très ému lorsqu'il s'exprime devant les caméras de France 3, dans la maison qu'il partageait avec Clément, son époux depuis près de trois ans. Ce dernier, 37 ans, s'y est donné la mort par pendaison le 17 novembre. Après les funérailles, Sylvain a lancé un appel à médias sur les réseaux sociaux. Il parle de harcèlement et réclame l'attention médiatique pour que l'affaire soit entendu "et que le dossier ne reste pas dans un tiroir comme quand mon mari a voulu prévenir."

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Clément Dumont - ©France3

Escalade

Sergent de la base aérienne 105 à Evreux dans l'Eure, Clément Dumont, dans l'armée depuis près de 19 ans et papa d'une fille du même âge née d'une précédente union hétéro, s'était plaint à plusieurs reprises de son supérieur hiérarchique, un adjudant arrivé en poste deux ans plus tôt. Ces derniers mois, il en parlait chaque jour à son mari. Rapportant des "Tiens regarde-moi l'autre pédé" lancés dans les couloirs, des "je vais te détruire" et d'autres tentatives d'intimidation, que Clément Dumont a fini par rapporter à la présidente des sous-officiers de la base aérienne, chargée de les représenter. Au même moment, le militaire est accusé d'agression sexuelle par un collègue. D'après son mari, interviewé par nos confrères de France 3, encore une marque d'homophobie à lire derrière cette accusation, et même une manigance de son agresseur :

Il passait, il mettait la main dans le dos. Comme tout le monde, il mettait la main au cul, mais ils rigolaient tous ensemble. D'autres pourraient le faire, on dit rien... (...) Il était dans la déconnade en permanence.

Mi-novembre, Clément Dumont est suspendu par sa hiérarchie; le colonel David Desjardins, responsable de la base qui dit ne pas avoir eu vent de ces faits de harcèlement, parle à l'inverse d'une "permission" à Paris-Normandie.fr. Une mise à l'écart que le sergent n'aurait toutefois pas supporté, tente d'expliquer son mari, se donnant la mort trois jours plus tard.

Investigations

Alors que la base aérienne pleure un "très bon militaire avec d'excellents états de service", qui "était parfaitement intégré à son unité" et qui avait même été félicité pour sa bravoure lorsqu'un militaire radicalisé s'était introduit dans la base en mai dernier, la gendarmerie de l'Air poursuit son enquête pour agression sexuelle et en a ouvert une seconde pour étudier ces faits de harcèlement. Le procureur adjoint d'Evreux n'a ni infirmé ni confirmé le lien entre les conditions de travail et le suicide mais examine plusieurs éléments, notamment une lettre laissé par le défunt à son époux, où il incrimine directement plusieurs supérieurs hiérarchiques et l'institution militaire; l'intéressé a eu l'interdiction de la lire. "Aucun scénario n'est privilégié à ce stade, renchérit Dominique Puechmaille, procureure de la République citée par Le Parisien, "C'est une enquête globale, longue et délicate." Une troisième procédure, enfin, dirigée par la Brigade de recherches de Louviers, enquête sur les causes de la mort.
Mais Sylvain Dumont veut aller plus loin. Il a annoncé à Normandie-actu son intention de saisir la Justice afin de poursuivre l'État. "Je veux que la vérité éclate".
Couverture : ©France3
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