Christiane TaubiraUne mère de famille lesbienne interpelle François Fillon

Par Julie Baret le 28/10/2016
François Fillon adoption L'Emission Politique Aline Kelner

Hier, François Fillon était l'invité de L'Emission Politique sur France 2 et il a maintenu ses positions devant une mère de famille lesbienne.

Deux heures d'émission. Deux heures pour convaincre. Et au beau milieu, un coup de poing dans une famille homoparentale lors d'un face à face avec une femme du public.
Aline Kernel est médiatrice culturelle à Strasbourg. Elle a porté ses deux enfants grâce à une procréation médicalement assistée à l'étranger. Sa femme, Marilyn, a pu obtenir l'adoption plénière de leurs enfants grâce à la loi Taubira. Et devant les caméras de France 2, Aline s'est dit "choquée", "triste" et "inquiète" devant la proposition de François Fillon de réécrire la loi Taubira en retirant l'adoption plénière aux couples homos :

La loi Taubira nous a permis d'assurer la sécurité de nos enfants, et la sécurité et de notre foyer. De manière irrévocable, de manière pleine et entière. Revenir sur l'adoption plénière c'est revenir sur cette sécurité-là.
Et d'ajouter : J'ai du mal à comprendre comment vous pouvez justifier que l'adoption plénière n'aie pas le droit d'exister pour un couple homosexuel, alors qu'elle peut subsister dans le couple hétérosexuel.

Défendre l'enfant, vraiment ?

François Fillon rétorque que c'est pour assurer la filiation de l'enfant - qui est pourtant tout autant réécrite quand un couple hétéro réalise une adoption plénière... - et que l'adoption simple ne retire pas de droits aux parents. Or une simple visite sur le site du gouvernement permet d'observer le contraire. Ainsi, non seulement une adoption simple est révocable pour motifs graves - c'est-à-dire à l'appréciation d'un juge - mais elle modifie également les droits de succession. Ainsi, dans le cas d'une adoption simple, l'enfant hérite de sa famille d'origine et de sa famille adoptive, mais il peut aussi être déshérité par les grands-parents adoptifs. En outre, dans le cas d'une adoption simple, l'enfant ne reçoit pas automatiquement la nationalité française mais doit en faire la demande. Il en va de même pour l'autorité parentale de celui qui adopte l'enfant de son conjoint, qu'il faut demander auprès du greffier en chef du tribunal de grande instance. Soit un lot de dispositions juridiques qui fragilisent le foyer adoptant et donc la situation de l'enfant.
François Fillon - qui souhaite quitter la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) car celle-ci défend l'intérêt supérieur de l'enfant dans les cas de gestation pour autrui - invoque aussi à sa cause un texte "d'une convention, je crois européenne, des droits de l'enfant qui dit qu'un enfant a toujours le droit connaître son père et sa mère".

Un discours homophobe mal dissimulé

C'est d'ailleurs pour cette raison que le candidat à la primaire de la droite se dit opposé à la procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples homos. Lorsqu'Aline Kernel lui explique que justement elle a signé une convention pour que ses enfants connaissent leurs origines, il va même jusqu'à lui répondre "oui, m'enfin parce que vous le voulez bien".
Monsieur Fillon oublie-t-il que cet argument vaut dans le cas d'une procréation médicalement assistée faisant appel à des donneurs de gamètes, qu'elle soit menée par un couple hétérosexuel ou un couple homosexuel ? Et qu'il vaut tout autant dans le cas d'une adoption réalisée par un couple hétérosexuel ?
Une différence de traitement qui a invité Aline Kernel et même l'animateur du débat à soulever le caractère discriminatoire de cette proposition. Heureusement pour François Fillon, Aline Kernel a mieux préparé son sujet :

Si vous souhaitez que la filiation persiste, la problématique n'est pas de savoir si les enfants ont accès à leurs origines ou non, puisque c'est possible. Et si ça ne l'est pas en France, c'est un choix politique de la France, de ne pas le permettre. La vraie question est plutôt : est-ce que ça n'est pas dans des réformes de cet ordre-là qu'il faudrait se diriger, plutôt que de revenir mettre en question des foyers qui existent ?

Avec Jean-Frédéric Poisson, François Fillon est le seul candidat à la primaire de la droite qui souhaite retirer l'adoption aux couples de même sexe. Force est de reconnaître sa constance : en 1981, il votait déjà "non" à la dépénalisation de l'homosexualité.
Retrouvez la séquence de l'émission ici, à partir de 35 minutes et 20 secondes.
 

Pour en savoir plus :

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