Marche des fiertésRévolution argentée ? Avec Grey Pride, les seniors LGBT s'organisent

Par Cy Lecerf-Maulpoix le 28/11/2017
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Grey Pride, l'association des seniors LGBT, fédère de plus en plus d'adhérent·e·s. Se dirige-t-on vers une révolution argentée ? La parole est aux aîné·e·s.

« Old age ain’t no place for sissies » (Vieillir, c’est pas pour les tapettes) aurait maugréé l’icône gay Bette Davies entre deux bouffées de cigarettes. Vieillir n’est pas chose aisée et pourtant... Un papi-boom et beaucoup de «sissies » plus tard, les LGBT nés entre les années 40 et 60 qui ont survécu à la fin de la Seconde Guerre mondiale, à la guerre d’Algérie, à la dépénalisation de l’homosexualité et à l’épidémie de sida ont finalement atteint le monde des « seniors ». Aujourd’hui, alors qu’ils seraient à peu près 300 000 retraités dans la seule région parisienne, leur place marginale dans la communauté reflète le peu d’intérêt que notre société accorde à ses aînés. Entre urgence et émergence d’un nouveau militantisme, une Grey Pride serait-elle en train de faire sa révolution ? Is grey the new gay ?
Cette question en tête, je retrouve Francis Carrier à la table d’un café du Marais. Cet ancien militant de AIDES, désormais pierre angulaire du nouveau mouvement Grey Pride aperçu à la dernière Pride de Nuit parisienne, a l’éloquence du militant passionné. La soixantaine et des poussières, il travaille sur le sujet du vieillir LGBT depuis plus de trois ans bien que l’association ne soit apparue que fin 2016. Forte pour le moment d’une cinquantaine de membres actifs et d’une dizaine de personnes qui font partie du collectif, son projet est ambitieux : rompre l’isolement des personnes âgées par la mise en place d’une ligne d’appel, favoriser la sociabilité au sein d’activités communes, développer un projet d’habitat collectif, se mobiliser pour un meilleur accompagnement médico-social, lutter contre la stigmatisation et les tabous qui recouvrent les réalités de la vieillesse. « Aujourd’hui, en France, on n’a quasiment rien, déplore t-il. Le sujet seniors LGBT n’est même pas une question. Il faut aller dans d’autres pays européens pour voir ce qui est fait ». D’autant plus que les données sont minces : quelques études et rapports américains, des articles dans des magazines spécialisés. De rares associations comme les Gays Retraités, DiverSeniors à Toulouse ou le groupe lesbien Senioritas à Paris ont fait leur apparition il y a quelques années. Les projets de maisons de retraite gay-friendly en France ont quant à eux tous avorté.

[...] Jean-Michel (photo de couverture), fringant danseur de 62 ans et ancien chroniqueur danse au début du magazine Gai-Pied, nuance un peu le tableau. Il a quitté une première fois la communauté après sa rencontre avec une femme et la naissance de leur fille en 1993. Habitué des soirées parisiennes dans les années 80, il confesse avoir toujours « un peu étouffé dans les modes de représentation déjà présents à l’époque ». Mais son retour dans la vie gay il y a quatre ans, soit une petite trentaine d’années plus tard, s’est opéré plutôt facilement. Le retour au Duplex, un bar du Marais où se retrouve une clientèle d’âge mûr (« Le lieu avait à peine changé alors que j’avais assisté à son lancement »), a rapidement ouvert la voie à de nouvelles amitiés et l’ont poussé à découvrir d’autres lieux. Du Cox en passant par les soirées Beardrop ou les Menergy, il ajoute malicieusement : « J’adore danser ». Rompu à l’esprit de troupe, ayant repris une licence à l’école du Louvre il y a quelques années, son contact avec les plus jeunes se fait facilement. Ils entretiennent selon lui un rapport aux vieux qui est très paradoxal : « J’ai parfois des petits jeunes de vingt ans intéressés qui viennent vers moi, et évidemment de temps en temps je me prends des remarques méchantes sur mon âge ».

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Couverture et corps d'article : ©Felipe Barbosa