harcèlementHarcèlement : des conséquences insoupçonnées sur le long terme

Par Jérémie Lacroix le 08/07/2016
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Une chercheuse et thérapeute américaine avance une nouvelle théorie sur les conséquences du harcèlement à l'âge adulte.

Le harcèlement scolaire touche de nombreux enfants. Différence physique, orientation sexuelle supposée, niveau scolaire... le harcèlement se fonde sur le rejet de la différence et la stigmatisation de certaines caractéristiques. Aucun élève n'est à l'abris des critiques, pressions et brimades de ses camarades. Les élèves du primaire et du secondaire sont les plus touchés par le risque de harcèlement avec respectivement 12 et 10% d'écoliers qui en souffre contre 3,4% des lycéens, ce qui représente 700 600 élèves, d'après les chiffres du gouvernement.
Les effets dramatiques du harcèlement scolaire sur la santé physique et mentale des enfants sont bien connus : troubles du sommeil, décrochage scolaire, dépression, suicide... Autant de conséquences dramatiques que l'Éducation nationale prend très au sérieux. Ainsi, le ministère a mis en place un site dédié contre le harcèlement en milieu scolaire. Il existe même un journée mondiale de lutte contre le harcèlement scolaire, le 5 novembre.

Le syndrome post-harcèlement à l'âge adulte

De nouvelles recherches menées par Ellen Walser deLara, thérapiste de la famille et professeure en travail social à l'Université de Syracuse dans l'État de New York, mettent en lumière les conséquences du harcèlement sur le long terme et leur impact à l'âge adulte. La chercheuse a interviewé plus de 800 personnes âgées de 18 à 65 et elle a ainsi pu mettre en exergue un groupe de symptômes rencontrés le plus souvent et qu'elle a nommé : APBS pour "adult post-bullying syndrome" ou "syndrome post-harcèlement à l'âge adulte".
La professeure deLara estime que plus d'un tiers des personnes qui ont été harcelées et qu'elle a pu suivre sont affectées par ce syndrome post-harcèlement. Cependant, elle souligne qu'il s'agit pour le moment d'une description et non d'un diagnostic précis :

Il faut considérablement plus de recherches et de chercheurs qui se penchent sur la question pour confirmer ce que nous entrevoyons.

Suite à ces maltraitances, les adultes atteints du APBS luttent avec leur estime de soi et leur capacité à faire confiance aux autres. Ils ont également plus de risques de développer des problèmes psychiatriques et des comportements à risque comme les addictions (drogue, alcool, nourriture...) pour surmonter ces traumatismes.

Un trouble proche du syndrome de stress post-traumatique

Selon la chercheuse, dans une certaine mesure, le APBS peut être rapproché du PTSD pour "post-traumatic stress disorder" ou "syndrome de stress post-traumatique". Ce syndrome se retrouve chez des personnes ayant subi des expériences terriblement traumatisantes, lesquelles perturbent fortement leurs réponses combat-fuite (réaction de l'organisme face aux menaces et au stress).
Ces deux syndromes, APBS et PTSD, peuvent tous les deux mener à une anxiété et une colère durable, des addictions, une diminution de l'estime de soi et des problèmes relationnels. Cependant, les patients souffrants du APBS sont moins sujets aux accès de colère que les personnes atteintes du PTSD. Ils réagissent moins violemment et rapidement que ces derniers, "ils ruminent plus qu'ils éruptent", indique Ellen Walser deLara.

Des possibles conséquences "bénéfiques"

Cependant, la chercheuse a mis en exergue d'autres différences entre ces deux troubles. La distinction la plus surprenante est que les personnes victimes de harcèlement pourraient en tirer certains "bénéfices". Ainsi, elle a pu observer que 47% des patients qu'elle a suivi ont développé un sentiment de force intérieur ou d'indépendance, tandis que d'autres ont cultivé une plus grande empathie ou un fort désir de réussir leur vie, à chaque fois en lien avec l'expérience douloureuse qu'ils ont vécu.
Néanmoins, Ellen Walser deLara souligne à nouveau la nécessité de pousser les recherches plus loin pour savoir si d'autres déterminants peuvent expliquer le développement de ces aptitudes tels que la génétique ou le soutien familial.

On ne connaît pas la réponse à la question qui est de savoir pourquoi certaines personnes qui sont harcelées étant enfant développent ce qu'elles considèrent comme étant un "bénéfice" en tant qu'adulte.

Certaines personnes ont un sens inné de l'optimisme ou tout du moins la capacité de se focaliser sur la chance qu'ils ont d'avoir laissé le harcèlement derrière eux. Toutefois, la résilience peut aussi s'apprendre.

Ne pas minimiser les effets du harcèlement

Enfin, la thérapeute tient quand même à rappeler que les dégâts causés par le harcèlement sont plus importants que les bénéfices. Même les patients qui pensent avoir développer des attitudes dites "positives" en réaction au harcèlement sont sujets à d'autres conséquences négatives.
Pour la professeure de l'Université de Syracuse, mieux connaître les effets à long terme du harcèlement et pouvoir nommer clairement ces expériences traumatisantes doit permettre une meilleure prise en charge des patients en développant des traitements et thérapies adaptés.
Le harcèlement, principalement en milieu scolaire, est de plus en plus mesuré et combattu. Cependant, une nouvelle forme de harcèlement apparaît, le cyber-harcèlement ou harcèlement en ligne. Mal connu, plus diffus, plus difficile à combattre, il est un des grands enjeux de prévention et de santé publique dans les années à venir.
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