DalidaMais pourquoi les homos aiment-ils à ce point Dalida ?

Par Jérémy Patinier le 04/01/2017
icône gay,dalida

Qu'ont de particulier ces stars pour nous faire autant fantasmer ? Beaucoup pensent que Dalida est appréciée par certains gays pour son côté glamour et paillettes. C'est vrai. Mais il serait trop court de se satisfaire de cette simple réponse.

30 ans qu'elle est partie. A partir de la semaine prochaine, Dalida régnera de nouveau sur la France : le film de Lisa Azuelos sort le 11 janvier au cinéma et le musée Galliera lui consacrera une immense rétrospective en avril... Une icône universelle qui a compté et compte encore dans son public une large proportion de gays.

Dalida, la femme engagée...

Pour être une icône gay, il faut déjà être une "fille à pédé". Sœur d'Orlando, son manager qui n'a jamais fait mystère de son homosexualité, amie de Pascal Sevran (qui lui a écrit "Il venait d'avoir 18 ans"...) ou de Bertrand Delanoë (ancien maire de Paris) : Dalida était entourée de gays. Elle chantera d'ailleurs deux titres qui évoquent l'homosexualité : "Pour ne pas vivre seul" (1972 S. Balasko - D. Faure - Medail) et "Depuis qu’il vient chez nous" (1979 C. Carmone / V. Buggy / J. Barnel). En 1982, elle soutenait même Radio Fréquence Gay. Engagée politiquement, socialement, elle n'hésitera pas lors d'un journal télé en janvier 1980 à questionner un sénateur sur les avancées de l'éventuel projet de loi pour la dépénalisation de l'homosexualité que fera passer Mitterrand, dont elle fut également l’amie intime.

Dalida « Drama Queen »

Avant sa période reine du disco et son look de diva lasvegasienne, Dalida a ému des millions de français lors de ses tours de chants. Drapée dans une robe blanche toute simple, elle pouvait aussi interpréter des titres sobres et riches comme "Avec le temps" ou "Je suis malade"… Dès cet instant, les homos furent subjugués par son charisme, sa féminité caricaturale et son destin torturé.
Le psychanalyste Joseph Agostini vient de se pencher sur la question dans « Dalida sur le divan » (Editions EnVolume).

Dalida est la première icône, celle qui a ouvert la voie à toutes les autres. Elle s'est donnée à son public en symbole, jusqu'au bout, en assumant à l'excès son statut de star. Elle a cultivé l'esthétique du suicide en disant qu'elle s'en irait quand elle se sentirait fatiguée de l'existence. Et elle a comme prévu sa postérité, en jouant sa vie comme une œuvre d'art. En ce sens-là, elle est unique. S'intéresser à Dalida sur un plan psychanalytique, c'est se pencher sur l'androgynie, la fascination de la mort et de la beauté, la vérité des chansons populaires. C'est s'intéresser à une femme qui, en trente ans de carrière, a été chanteuse réaliste, meneuse de revue, chanteuse orientale, comédienne.

Dalida c'est cette capacité d'avoir tout pour être heureuse et de terminer seule, de ne pas avoir trouvé le véritable homme de sa vie, et de constater qu’à l'âge de 54 ans, la solitude peut encore nous hanter... Une hantise particulière pour chaque homo (car il est plus difficile de construire une relation à deux quand l’homophobie sociale vous dénie ce droit régulièrement, pendant toute la vie)...
Pour Joseph Agostini :

Les gays ont élu Dalida ! Ils l'ont inconsciemment choisie pour être LA Femme. Elle a une voix profonde, grave mais douce et caressante à la fois. Elle a un physique sensuel mais tout aussi fort, presque masculin par moments. Elle est la mater dolorosa éplorée à la mort de ses amants et la star dans ses habits de lumière. Tout est là, en puissance, pour fasciner ces hommes particuliers qui se délectent de sa présence comme on regarde une œuvre d'art.

Dalida, notre amie

L'identification des gays à Dalida est facile, elle est d'ailleurs souvent imitée dans les cabarets transformistes. C'est l'archétype de la femme drag-queen. Tragiques, divas, glamour à souhait : les homos aiment s’identifier à des personnes qui, forgées par les épreuves, parfois jusqu’à la mort, savent sublimer leurs blessures pour créer, et devenir des stars adulées, là où beaucoup d’homos connurent l’opprobre sociale, parfois dès l’école. Mylène Farmer, Madonna ou Kylie Minogue sont adulées, glamour, féminines, sombres, amoureuses et malheureuses, sensibles, fatales, etc.
Elles envoient aux homosexuels une image de perfection et de fragilité, de courage et de panache aussi. Soit l'exact envers de la persécution, de la mésestime et du manque de confiance en soi. Nos icônes sont nos poupées cathartiques, nos mères et nos sœurs, des mamans et des putains, des modèles, celles que l’on voudrait être (parfois) et celles que l’on voudrait comme amies, aussi.
Dalida, plus qu’aucune autre, est encore l’icône gay française par excellence pour beaucoup d’entre nous.
https://www.youtube.com/watch?v=oWuMalJcquM