GrindrReportage : Rencontrer des hommes à Dubaï, un jeu de cache-cache (2/2)

Par Alexandre Joliet le 26/09/2016
Dubaï

Internet est un autre monde pour les Dubaïotes gays. C’est l’un des rares endroits où ils peuvent parler et se rencontrer dans une relative discrétion.

LIRE LE DÉBUT ICI :

Malgré tout, il existe un contrôle et des restrictions pour quelques sites (notamment certains sites gays en anglais) qui sont bloqués dans le pays. Une annonce pour le moins amusante postée sur les sites interdits nous montre l’ouverture d’esprit du pays (Fait surprenant, les sites gays en français ne sont pas bloqués)
Mais ce qui m’intéressait surtout, c’était les applications de rencontres. Celles que j’utilisais au quotidien en France. On m’avait prévenu que Grindr ne fonctionnerait pas. J’allais donc tout miser sur Hornet. Une fois sur place et avec un peu de réseau, j’arrivais à me connecter sur les deux applications. Et comme que le proverbe nous dit « jamais deux sans trois », j’ai également ouvert Tinder pour compléter.
 

Les sites censurés par les autorités
Les sites censurés par les autorités

DES ESCORTS ET PHOTOS DE TORSES

Ce qui m’a le plus frappé, c’est le nombre d’escorts présents sur les applications. Rares sont ceux qui cachent leurs visages ou leurs intentions. Une vingtaine de personnes dans le quartier avaient un pseudo orné de dollars. De jolis garçons de presque toutes les origines (des européens, des latinos ou des asiatiques, tous plus bodybuildés les uns que les autres. Mais pas d’arabes ou de musulmans apparemment). Une bonne partie des profils qui osaient montrer leurs visages  appartenaient à des visiteurs de passage. Très faciles à repérer, puisqu’ils ont tous le même pseudo « Visiting »... Très original !
Puis, il y a les locaux, qui préfèrent opter pour des photos montrant des torses, de chameaux (ou dromadaires), des voitures, des mots écrits en arabe ou bien des fonds noirs … Pourtant ils ne se cachent pas, puisqu’ils envoient souvent leurs visages avec le premier message, certainement rassurés par le fait que je ne sois pas du pays mais juste de passage. J'ai d'ailleurs reconnu une bonne partie des gens rencontrés dans des soirées ou dans des bars.
 

UN NOUVEAU e-CENTRE COMMERCIAL

La partie la plus amusante de Grindr ou Hornet à Dubaï, c’est quand ce sont les autres qui viennent te parler, non pas pour faire connaissance ou chercher un plan, mais pour essayer d’acheter ou de vendre quelque chose.
Ayant compris que je venais de France, quelques personnes m’ont demandé si j’avais du poppers. J’en ai conclu que c’est ce que les Français ramènent avec eux quand ils vont à Dubaï (maillot, lunettes de soleil, crème pour le visage, brosse à dent et... poppers !)
Les autres personnes présentes sur l’application proposent soit des massages, soit de revendre des produits pour le moins… spéciaux, comme cet homme qui m’a proposé des pilules pour faire grandir mon entre-jambe. Curieux, je pousse le questionnement très loin, en lui demandant ce qu’il a d’autres en stock, il m’a parlé de toute une gamme de viagra, de crèmes pour la perte de poids. Des capotes, du lubrifiant et même … du poppers ! Le tout dans des prix imbattables. Ou du moins, c’est ce qu’il m’a laissé entendre, jusqu'à ce qu'il comprenne je n’étais pas intéressé.

*Crazy diamonde* Flickr/cc
*Crazy diamonde* Flickr/cc

 

TINDER

Tinder est une autre histoire. Puisque j’ai passé ma journée à switcher à droite, même quand le mec ne m’intéressait pas. Le nombre de match était assez important pour flatter mon pauvre égo, à tel point que j’ai commencé devenir sélectif.
Quelques Arabes, deux Indiens et un seul Européen. J’avais besoin des témoignages de garçons indiens, parce que le racisme envers cette communauté est tellement présent qu’il se ressent partout. Ici, on les déteste "parce que ce sont des fainéants, parce qu’ils sont bêtes et parce qu’ils ne servent à rien", disent les dubaïotes, et même de certains expatriés.
Pourtant, quand j’essaye de poser la question, tout en étant discret, les indiens m'assurent que tous les habitants ne sont pas racistes. Quelques gays le sont malgré tout, parce qu' "il n’y a aucun prestige à sortir avec un indien". Mais ce n’est pas le cas de la majorité.
Après seulement deux jours d’utilisations, Tinder est bloqué. Un message d’erreur s’affiche. Il aura fallu attendre le retour en France pour qu’il fonctionne à nouveau.
 

L'ARGENT OU LA LIBERTÉ

Une chose est certaine, Dubaï n’est pas le pays le plus fermé d’esprit concernant la question d’homosexualité. Puisque de nombreux  hétérosexuels n’ont aucun problème avec la question. Et même si l’État condamne l'homosexualité, le nombre de condamnation semble si rare, qu’il laisse à croire que la loi n’est pas appliquée, contrairement à d'autres pays avec musulmans (le Maroc, l’Algérie). Le seul mot d'ordre c'est de ne pas trop s’afficher, d'essayer de se fondre dans la meute des salariés de luxe de Dubaï. Si on suit la règle tout se passe bien. Et si l’on veut s’amuser, il vaut mieux avoir un entourage de confiance autour de soi et un grand appartement.
Mais à un moment, il faut choisir, la liberté ou l’argent. Dubaï semble avoir choisi son camp...
 
A LIRE AUSSI