cinémaSorties ciné : "Première année", une bromance étudiante et une drama queen moustachue

Par Renan Cros le 11/09/2018
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TÊTU vous propose une sélection de films à ne pas rater au cinéma. Au programme cette semaine : un anti-héros un peu drama queen, incarné par un policier texan incapable de gérer ses émotions, et une bromance française entre étudiants en médecine.

« Thunder Road » de Jim Cummings

C’est l’histoire d’un pétage de plomb. C’est l’histoire d’un phénomène. C’est un film qui divise, agace, étonne, émeut et passe son temps à vous faire des câlins pour mieux vous repousser. Autant donc le dire tout de suite, « Thunder Road » est un pari. On adore ou on déteste. Mais pas de manière définitive, non. Ce serait trop simple. Le film fonctionne comme un grand huit où l’on passerait constamment de l’excitation au trop plein, de l’ivresse des descentes à l’envie de descendre du wagon. Mais c’est peut-être ce que recherche et ce que raconte l’auteur-réalisateur-performer Jim Cummings. La vie n’est faite que de plein et de creux. L’entre-deux n’existe pas.

Une drama queen moustachue flippante

En tout cas, pas pour ce personnage de flic en plein burn-out qui passe de l’apathie flippante à la crise de larmes en une fraction de secondes. Jimmy Arnaud tente de tenir debout, tente d’être cette incarnation du mâle blanc dominant américain hyper viril que son statut de policier croit lui conférer. Mais il craque. Trop d’émotions en lui, trop de colère, de larmes viennent le déstabiliser.

A l’écran, c’est fascinant. Jim Cummings compose une sorte Charles Bronson Camp, une drama queen moustachue flippante et attendrissante dont les excès sont aussi hilarants que déchirants. La scène d’ouverture (à elle seule, elle vaut le prix du billet) où le personnage doit prononcer un discours à l’enterrement de sa mère est un sommet de malaise et de comédie.

Jim Cummings bouscule les stéréotypes du cinéma burné en y infiltrant l’hyper émotivité du mélodrame comme une sorte de parasite fou. De cette alchimie singulière nait la sensation d’un film hors norme où l’on ne sait jamais s’il faut s’attendrir, s’inquiéter ou hurler de rire. Inconfortable donc mais passionnant.

Mais surtout, cette crise de nerf totale produit un effet libérateur. On sort du film avec une envie nous aussi de chialer pour un rien, de se rouler par terre, d’éclater de rire ou de colère. Comme ça. Juste pour vivre plus fort. Comme au cinéma.

« Thunder Road », de Jim Cummings, avec Jim Cummings, Kendal Farr, Nican Robinson. 1h31. En salles le 12 septembre.

« Première Année » de Thomas Lilti

En France, on ne sait pas faire du cinéma populaire et politique. Faux ! La preuve avec, peut-être, l’un des meilleurs films français de l’année. Thomas Lilti cache bien jeu. Déjà auteur avec « Hippocrate » et « Médecin de Campagne » d’une radiographie de la France et de ses contradictions à travers le prisme médical, il construit avec « Première Année » une charge très forte et très pertinente sur les inégalités du système des études supérieures en France. Dis comme ça, ok, ça n’a pas l’air très sexy.

Mais c’est toute l’intelligence et le savoir-faire de Lilti de réussir à tenir ce propos politique très engagé (le film est un doigt d’honneur au carriérisme et au Macronisme) tout en construisant un film romanesque, haletant et profondément attachant.

L’amitié d’Antoine et Benjamin (une bromance entre Vincent Lacoste - déjà bouleversant de justesse dans le dernier film de Christophe Honoré -, et William Lebghil, juste génial, ça ne se refuse pas) sur les bancs de cette première année de fac de médecine devient la dynamique d’une sorte de film sport où les maths, l’anapath ou la biochimie remplacent les gants de boxe, les crampons ou autre accessoires d’athlètes. Le "Rocky" des études supérieures en somme avec à la clé ce fameux concours de médecin inhumain qui robotise et individualise une jeunesse en quête d’avenir. Que vous ayez ou non des velléités hospitalières, le film est universel.

Devant les galères, l’entraide et la violence que subissent les deux héros, on repense à son parcours perso et à la manière dont, inconsciemment, on a pu être victime ou coupable d’un système qui privilégie la compet' aux compétences. Humaniste, Thomas Lilti invente une solution pour s’en sortir… Certains trouveront ça facile ou rêveur. Nous, on prend.

« Première année », une comédie de Thomas Lilti, avec Vincent Lacoste et William Lebghil. 1h32. En salle le 12 septembre. 

Crédit photo : Denis Manin / 31 Juin Films.