harcèlementInde : Des sœurs épatantes accueillent les trans déscolarisés

Par Julie Baret le 06/01/2017
nonnes Indes trans déscolarisés

A cause du rejet et de l'hostilité dont elles sont victimes, bon nombre de personnes trans ne terminent pas leur scolarité. Mais en Inde, un couvent a décidé d'accueillir la toute première école dédiée aux trans déscolarisés.

Nous avons approché quelques 700 personnes et 51 résidences mais ils nous ont tous tourné le dos. Apparemment, ils croyaient que nous cherchions un local pour de la prostitution.

Vijayraja Mallika vit en Inde. Avec d'autres militants trans, elle a décidé de créer la première école exclusivement dédiée aux personnes trans n'ayant pas pu terminer leur scolarité à cause de la stigmatisation dont elles sont victimes; d'après les associations, plus de la moitié des individus trans seraient concernés par ce cas de figure. Sujets à la désapprobation sociale, rejetés par leur famille et sans diplôme, bon nombre sont contraints de devenir travailleurs du sexe pour subvenir à leur besoin. "L'école veut permettre aux personnes trans de postuler à des emplois convenable et de vivre dignement", indiquait donc Vijayraja Mallika à la BBC. Mais pour mener à bien pareil projet, il fallait trouver un lieu. Après avoir été essuyé d'innombrables refus, c'est finalement à l'Eglise que l'initiative a trouvé refuge. D'après l'Indian Express, des sœurs carmélites ont répondu à l'appel des militants trans en décembre dernier, et ont proposé d'accueillir gratuitement cette école dans un immeuble situé sur un terrain de 6.000 m² à Thrikkakara dans le Kerala. Ces bienfaitrices sont les Sœurs de la Congrégation de la Mère du Carmel, un ordre religieux de l'église catholique syro-malabare fondé au Inde au XIXe siècle et profondément ancré dans la culture indienne.

nonnes Indes trans déscolarisés
Les Soeurs de la Congrégation de la Mère du Carmel à Thrikkakara - © cmcsisters.org

Journée inaugurale au milieu des nonnes

Grâce à ces sœurs, l'école a ouvert ses portes le 30 décembre 2016. Nommée la "Sahaj International", elle propose une offre de cours correspondant au niveau lycée ainsi que des formations professionnelles (couture, agriculture biologique, développement personnel, etc.) à dix adultes, hommes et femmes trans, âgés de 25 à 50 ans. Ceux-ci sont également logés et nourris au sein de l'établissement qui fonctionne comme un pensionnat. Quant aux professeurs, ils appartiennent tous à la communauté trans; un moyen de protéger mais aussi d'encourager les élèves.
A l'ouverture de la Sahaj International, la militante trans - également auteure et actrice - Kalki Subramaniam prononçait un discours émouvant pour saluer ce jour historique, entourée des religieuses de la Congrégation :

La plupart de nos parents biologiques ne nous acceptent pas, et pour cette raison, la plupart d'entre eux sont à la rue, forcés de mendier ou de recourir à la prostitution. Cela doit changer (...). L'outil le plus important pour ceux qui sont défavorisés, discriminés, marginalisés et opprimés, c'est l'éducation. Car l'éducation apporte la lumière, la connaissance la vérité, et la confiance.

nonnes Indes trans déscolarisés
Inauguration de la Sahaj International - © Indian Express

Les prêtres et les fidèles se joignent à l'effort

En dépit de la pression sociale et familiale qui frappe la transidentité, la législation indienne affiche une certaine tolérance à l'égard des deux millions de personnes trans estimées par la BBC qui vivent sur le territoire. Ces dernières bénéficient des mêmes droits civiques que leurs homologues cisgenres depuis une décision de la Cour suprême rendue en 2014. En Inde, hommes et femmes trans peuvent donc se marier, accéder à leur héritage, et ils bénéficient même de quotas à l'embauche et dans les établissements scolaires. Dans l'Etat de Kerala où s'est établie l'école, et qui fut aussi le premier à punir les discriminations transphobes, les opérations chirurgicales sont même gratuites pour les trans dans les hôpitaux publics. Dans cet Etat du sud de l'Inde, non loin de l'école, un autre groupe religieux apporte son soutien aux personnes trans, rapporte ainsi UCA News. Formé dans la ville de Kochi par l'Eglise de Kerala, il se compose de prêtres, de nonnes et de fidèles qui désirent répondre aux besoins pastoraux de la communauté trans.
 
Couverture : © Sœur Sourire (2009)