étudeL'inquiétante régression du bien-être des personnes LGBT+ au travail

Par Elodie Hervé le 08/10/2020
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EXCLUSIF. Au travail, les LGBT+ ont toujours du mal à être eux-mêmes. Et selon une étude du Boston Consulting Group pour TÊTU, ça ne s'arrange pas.

Une remarque désobligeante, une promotion qui ne vient pas ou une demande de congés à laquelle les RH ne répondent jamais... Être LGBT+ au travail est encore, en France et en 2020, sujet à discriminations. Résultat, seuls 43% des LGBT+ sont out auprès de tous leurs collègues, contre 54% en 2018, selon une étude du Boston Consulting Group pour TÊTU.

Les LBT ont plus de mal à sortir du placard

Cette dégradation observée s’explique, en partie, par l'augmentation de 74% du nombre de répondant·e·s non gays (lesbiennes, bisexuel·le·s, trans, queers, non-binaires…). Dans le détail, les hommes gays sont plus out au travail (51%) que les lesbiennes (37%) ou que les personnes bies (21%). Et les personnes trans sont moins out (39%) que les personnes cis (44%). Et plus de la moitié des personnes trans considèrent leur identité de genre comme un désavantage au travail.

Le contexte sanitaire et économique actuel mais aussi le retour dans le débat médiatique de propos LGBTphobes et discriminatoires. "Le travail à distance imposé par la crise de la Covid-19 rend encore plus difficile l'intégration des employé·e·s et particulièrement des talents LGBTQ+. Le télétravail a déshumanisé en partie nos interactions professionnelles, on ne s'attarde plus pour échanger sur qui nous sommes, mais seulement sur ce que nous faisons et produisons", explique Thomas Delano, partner au BCG et l’un des responsables monde du réseau LGBT+ du BCG.

48 % des LGBT mentent ou se cachent face à leur manager

Pour autant, afficher son orientation sexuelle et/ou son orientation de genre est vu par 38% des LGBT+ comme un désavantage pour la carrière professionnelle. "Là où je travaillais, raconte à TÊTU V., fonctionnaire et RH gay sous couvert d’anonymat, on promeut les hétéros quand ils deviennent parents. En revanche, mes collègues attendent la dernière minute pour accorder les congés de naissance ou ceux pour le mariage aux couples gays.”

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Il raconte un patron catho tradi qui fait passer ses convictions religieuses avant tout, l’ambiance délétère à la machine à café et ses journées qui devenaient de plus en plus pesantes. "Le patron avait mis en place un système où les personnes LGBT+ étaient poussées à la faute. En ne répondant pas aux demandes de congés, elles étaient obligées de solliciter les RH, de 'faire des vagues'. Tout ce que déteste l’administration française. Et donc cela devenait une excuse de plus pour les pousser vers la sortie.

Les étudiants LGBT+ inquiets

Si le monde du travail semble peu favoriser la diversité, la crainte d’être désavantagé parce que LGBT est de plus en plus présente chez les jeunes générations. Presque un étudiant sur deux décrit une forte appréhension du monde du travail.

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Marine*, 30 ans, raconte, elle, que dans son premier emploi après ses études, elle ne cachait pas être en couple avec une femme. "On buvait un verre avec les collègues, et j’ai lâché 'avec ma nana'. Et là, un des mecs autour de la table a levé la voix pour dire 'ah non mais c’est sale ! Tu me dégoûtes tellement'. Après ça, je n’ai plus jamais parlé de ma vie personnelle et affective dans les différents emplois que j’ai occupés". Comme elle, 48% des personnes LGBT+ interrogées par BCG mentent ou se cachent lors de discussion informelle avec un manager.

"Une culture LGBTphobe institutionnalisée"

Et cela se transforme en véritable malaise, qui se traduit par des difficultés à s’exprimer (+4% par rapport aux hétéros), à être soi-même (+11%) ou encore à avoir des amis au sein de l’environnement de travail (+11%). De fait, 15% des personnes LGBT+ interrogées disent ne pas avoir l’impression d'être dans un environnement safe au travail. Même quand des actions sont mises en place.

Car si les hétéros considèrent à 73% que l’organisation dans laquelle ils travaillent fait beaucoup pour "améliorer la diversité et l’inclusion", seuls 37% des actifs LGBT+ interrogés le pensent. Pareil pour les progrès réalisés : 61% côté hétéro, 41% côté LGBT+. Cette différence est encore plus contrastée sur la façon dont communiquent les dirigeants sur ces questions.

Des perceptions différentes sur la communication

Seuls 22% des personnes LGBT trouvent que les entreprises et leurs leaders "communiquent activement sur la diversité et l’inclusion" contre 62% pour les hétéros. Des chiffres qui varient en fonction du nombre d’employé·e·s. Plus les firmes sont importantes, plus elles semblent agir sur la diversité. Du moins, en théorie. “Là où je travaillais, raconte V., c’était une grande institution publique dans laquelle je rêvais d’entrer. Et à cause de cette culture LGBTphobe institutionnalisée, j’ai dû partir. Aujourd’hui, j’ai quitté ce poste et je vais mieux. Mais clairement ce n’est pas normal que dans une administration sous contrôle étatique, on puisse justifier de choix administratifs par des propos comme 'c’est la nature qui décide'".

Alors pour tenter de favoriser davantage l’inclusion, le bien-être au travail et ainsi pouvoir être out, les personnes LGBT+ consultées par le BCG demandent plus d'actions dédiées à l’intégration, plus de communication mais aussi plus d'événements concernant la communauté LGBT+. À bon entendeur.

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