Pour "Mars Bleu", mois de sensibilisation au dépistage du cancer colorectal, la Ligue contre le cancer invite les plus de 50 ans à aller "chier", un bon réflexe de prévention. L'occasion pour nous de rappeler par ailleurs aux hommes qui ont une sexualité gay qu'ils sont exposés à un autre risque de cancer situé par très loin, celui du canal anal. Le point sur comment bien surveiller vos arrières pour une santé de fer.
Comme chaque année, la Ligue contre le cancer consacre le troisième mois de l'année à "Mars Bleu", son opération de sensibilisation au cancer colorectal. Touchant près de 48.000 personnes en France chaque année, celui-ci demeure le deuxième cancer le plus meurtrier avec plus de 17.000 morts par an. En raison de sa proximité anatomique (et de son caractère aussi peu glamour), il est souvent confondu avec le cancer du canal anal. Pourtant, leurs causes divergent, de même que la population à risque, et leur dépistage n'est pas le même.
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Avant tout, petit rappel anatomique. Le cancer colorectal concerne les deux parties du gros intestin : le côlon (la partie principale) et le rectum (une sorte de sas où sont stockées les selles avant d'être évacuées). Le cancer anal affecte quant à lui l'anus, c'est-à-dire l'extrémité du tube digestif, par où les selles sont évacuées. Il touche la muqueuse du canal anal ou la peau autour de l'anus. Ces deux cancers ont un point commun : détectés tôt, ils se soignent bien, "avec une probabilité de survie qui avoisine les 100%", souligne le Dr Jean-David Zeitoun, gastro-entérologue et proctologue à Paris. Alors on s'informe, et on applique les conseils de dépistage !
Cancer colorectal : dépistage à partir de 50 ans
Le Dr Zeitoun rappelle que le cancer colorectal "touche toute la population", indépendamment du genre ou de l'orientation sexuelle. Bien que les tendances épidémiologiques évoluent, et que des personnes plus jeunes soient désormais concernées, l'âge (à partir de 50 ans) reste un facteur de risque majeur.
Parmi les autres facteurs, on retrouve :
- - des antécédents personnels ou familiaux de cancer colorectal ou de polypes (tumeurs bénignes),
- - certaines maladies (Crohn, rectocolite hémorragique, acromégalie, syndrome de Lynch…),
- - des habitudes de vie (alimentation riche en graisses animales, consommation excessive de viande rouge ou d'alcool, sédentarité, surpoids, tabac).
Le dépistage du cancer colorectal repose d'abord sur la recherche de sang dans les selles. Une petite tumeur (bénigne ou maligne) située au côlon ou au rectum peut saigner de manière imperceptible à l'œil nu, d'où l’importance d'un test en bonne et due forme.
L'Assurance maladie invite les plus de 50 ans, même sans symptôme ni antécédent, à se faire dépister tous les deux ans. Ce dépistage se réalise à domicile avec un kit de prélèvement disponible en pharmacie, chez votre médecin ou en en ligne. S'il révèle la présence de sang dans les selles, une coloscopie est alors nécessaire pour en identifier la cause. En effet, un saignement n'indique pas forcément un cancer mais peut aussi résulter d'hémorroïdes, de diverticules, d'un ulcère gastroduodénal ou de polypes.
Pour les moins de 50 ans, il est conseillé de consulter en présence de symptômes persistants :
- - diarrhée ou constipation prolongée,
- - gêne aux toilettes,
- - douleurs abdominales et ballonnements,
- - fatigue et perte de poids inexpliquées,
- - sang dans les selles – "un symptôme majeur", insiste le Dr Zeitoun.
Cancer du canal anal : dépistage pour les HSH
Concernant le cancer anal, s'il est plus rare – environ 2.000 nouveaux cas par an en France –, ses principaux facteurs de risque sont bien identifiés : l'infection aux virus HPV (ou papillomavrius), l'immunodépression et le tabagisme. Les hommes qui ne sont pas vaccinés contre les HPV et qui ont des relations sexuelles avec des hommes (HSH) sont donc les plus exposés, en particulier s'ils ont des partenaires multiples. Plus de 11% des HSH séronégatifs et 22% des HSH qui vivent avec le VIH présentent ainsi des lésions précancéreuses dont un HPV est responsable.
Malheureusement, il n'y a aujourd'hui aucune recommandation concernant la prévention du cancer anal chez les HSH, et l'Assurance maladie n'a pas mis en place de programme de dépistage, bien que le nombre de cas ait été multiplié par au moins trois en trente ans dans la plupart des pays occidentaux. Lorsqu'on est concerné par le risque, il faut donc penser soi-même à se faire dépister, dès la trentaine et "idéalement tous les ans ou tous les deux ans", recommande le Dr Zeitoun.
"Ce dépistage consiste essentiellement en un examen clinique afin de rechercher des lésions évocatrices d'une infection au HPV et qui sont précancéreuses. C'est un examen très simple, qui prend quelques minutes et qui permet d'être toute suite fixé", rassure le proctologue. Inutile de passer par une coloscopie : le médecin observe la présence de lésions dites dysplasiques à l'œil nu ou bien à l'aide d'un anuscope, par exemple après un frottis anal anormal et/ou une recherche positive de HPV-16, la souche du virus responsable de 90% des cancers anaux. Ces lésions seront ensuite traitées pour éviter qu'elles n'évoluent en cancer.
Outre le dépistage, il faut toujours consulter en cas de saignement, de douleurs, d'inconfort persistant, de gêne ou de démangeaisons. Ces symptômes ne sont pas propres au cancer anal : ce peut n'être qu'une simple hémorroïde, mais il vaut mieux en parler avec votre médecin que de laisser traîner les choses ! Prêtez aussi attention aux condylomes : ces verrues anales sont causées par certains HPV et peuvent également s'avérer précancéreuses. "Tous les condylomes ne débouchent pas sur un cancer anal, et tous les cancers anaux ne passent pas par le stade condylome, mais il faut toujours les traiter", insiste le Dr Zeitoun.
Vivre avec le VIH, "même bien traité", précise le spécialiste, est un facteur de risque pour le cancer anal. Il est donc recommandé aux HSH séropositifs de plus de 30 ans d'effectuer un dépistages des HPV 16 et 18 – les deux souches les plus responsables de cancers – par prélèvement anal. "Si l'un des deux est détecté, le médecin propose un suivi plus rapproché", explique le proctologue.
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Un réflexe : le dépistage
On résume les bons réflexes de prévention du cancer colorectal et du cancer anal :
- - si on a plus de 50 ans, on pense tous les deux ans au dépistage du cancer colorectal,
- - si on est un homme qui couche avec d'autres hommes, on se trouve un proctologue pour un suivi régulier,
- - si on vit avec le VIH, on se trouve un proctologue pour un suivi rapproché,
- - si on a mois de 26 ans, on se fait vacciner contre les papillomavirus humains (HPV). Si on est plus âgé, et même si cela ne rentre pas dans les recommandations, c'est encore possible (mais non remboursé) : discutez-en avec votre médecin.
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Crédit photo : Ligue contre le cancer