Emmanuel MacronUne association française poursuit le président égyptien pour torture liée à l'orientation sexuelle

Par Ambre Philouze-Rousseau le 25/10/2017
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Alors que le président égyptien était en visite officielle en France, l'association Mousse en a profité pour déposer une plainte à son encontre pour torture en raison de l'orientation sexuelle.

« De la même façon que je n'accepte qu'aucun autre dirigeant ne me donne des leçons sur la manière de gouverner mon pays (…) je n'en donne pas aux autres. » Les mots du président Emmanuel Macron, à l'issue d'un déjeuner de travail avec le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi mardi 24 octobre, ont le mérite de la clarté. À écouter le président de la République, le « combat commun » contre le djihadisme et le « partenariat stratégique » de la France et de l’Égypte outrepasseraient les droits humains.
« Ce président qui se veut l'infatigable avocat des libertés et des droits s'est fait celui d'al-Sissi, malgré le désastreux bilan du président égyptien en matière de droits de l'homme », s'est immédiatement insurgée Bénédicte Jeannerod, la directrice de l'ONG Human Rights Watch France, par le biais d'une salve de tweets. Elle évoque une « scandaleuse politique de tolérance » envers le régime face à la « pire crise des droits humains en Égypte depuis des décennies ». Rendu public en septembre 2017, le rapport sur l’Égypte de Human Rights Watch était à ce sujet limpide. Il affichait le nombre de « 60 000 personnes arrêtées, 15 000 civils renvoyés devant les tribunaux militaires » et dénonçait « la pratique de la torture à grande échelle et systématique ».

Intimider, suivre et arrêter les LGBT

Cette dérive qui « pourrait constituer un crime contre l'humanité » n'épargne pas la communauté LGBT. Dans le même rapport, il est écrit noir sur blanc : « Depuis 2013, les autorités ont mené une campagne pour intimider, suivre et arrêter les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT), notamment en piégeant les personnes à l’aide d’applications de médias sociaux. »
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En amont de la rencontre entre les deux présidents, l'Inter LGBT avait ainsi appelé Emmanuel Macron à interpeller le président al-Sissi sur le sort des LGBT égyptien·ne·s. L’inter-associative avance, dans son communiqué, le nombre de « 550 arrestations de personnes LGBT recensées depuis l'arrivée du général Sissi au pouvoir suite au coup d’État de 2013. »

Au lendemain de ce déjeuner à l’Élysée, les "justiciers LGBT" de l'association Mousse, qui mènent des actions en justice contre les LGBTphobies, ont quant eux elle porté plainte contre le président égyptien pour « torture à raison de l'orientation sexuelle ». Comme l'explique à TÊTU l'avocat de l'association, Étienne Deshoulières : « En vertu du principe de compétence universelle, un auteur de torture étranger - qui aurait commis ces actes à l'étranger et envers des étrangers, peut en répondre devant la justice du pays où il se trouve si ce pays a signé la convention internationale contre le torture. » À la suite de ce dépôt de plainte, le Procureur de la République a le pouvoir de déterminer son issue. Il lui revient de décider de poursuivre, ou non, l’intéressé. Il y a donc fort à parier que dans le cas présent, aucune poursuite ne sera engagée.
L'association Mousse compte bien systématiser ce genre de plaintes « dès qu'un dirigeant étranger soupçonné de torture en raison de l'orientation sexuelle sera reçu en grande pompe à l’Élysée », annonce l'avocat avant de conclure : « Dans leurs pays, ces dirigeants ont le pouvoir et la société civile n'a pas toujours les moyens de les poursuivre. Notre objectif c'est de montrer qu'ici c'est une autre paire de manche. »

Une soixantaine d'arrestations après "l'affaire du drapeau"

La torture stipulée dans cette plainte fait directement référence aux cinq examens anaux perpétrés sur des détenus prétendument homosexuels à la suite de l'affaire dite « du drapeau ». Tout est en effet parti d'un drapeau arc-en-ciel déployé pendant le concert du groupe libanais Mashrou' Leila le 22 septembre dernier, au Caire. Un groupe dont le chanteur est ouvertement homosexuel et dont l'engagement en faveur des droits LGBT ne souffre d'aucun mystère. Depuis, une soixante de personnes ont été arrêtées et huit condamnées à des peines d'un à six ans d'emprisonnement, selon l'EIPR (Initiative égyptienne pour les droits personnels), une ONG locale.
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Si la loi égyptienne n'interdit pas expressément l'homosexualité, elle pénalise sournoisement la « débauche » et « l'incitation à la débauche ». Ainsi, le procureur de la Sécurité d’État avait ordonné, le 2 octobre, l'arrestation de deux personnes pour « participation à une rassemblement illégal et incitation à la débauche ». Le Conseil supérieur de la régulation des médias a même été jusqu'à qualifier l'homosexualité de « maladie honteuse ». «L’homosexualité est une maladie et une honte qui doit être cachée avant d’être traitée. Nous appelons les homosexuels à dissimuler leurs défauts et leurs actes coupables, avant que nous ne parvenions à extirper le diable qui les habite», avait éructé Mahram Mohammed Ahmed, responsable du Conseil.
Sur leur page Facebook, les membres du groupe Mashrou' Leila ont dénoncé une « chasse aux sorcières » dont il était répugnant de savoir qu'elle avait été « générée à cause de quelques enfants qui brandissent un bout de tissu qui défend l'amour ».
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La répression envers la communauté LGBT égyptienne ne date cependant pas de cette affaire de drapeau. Le 7 décembre notamment, la journaliste Mona Iraqi avait filmé une descente de police dans un hamman gay du Caire. Une trentaine de personnes avaient alors été arrêtées. Un événement qui n'était pas sans rappeler les arrestations tristement célèbres de 52 hommes prétendument homosexuels en 2001. Ils étaient alors à bord du Queen Boat, une discothèque située sur un bateau pour touristes, connue pour être un lieu prisé de la communauté gay égyptienne.
Photo de couverture : capture d'écran conférence de presse conjointe à l'Élysée