metooEllen Page balance les porcs homophobes et sexistes d'Hollywood

Par Julie Baret le 13/11/2017
Ellen Page

Outing, attouchements et droit de cuissage. L'actrice ouvertement lesbienne s'est à son tour exprimée sur la misogynie qui intoxique - entre autre - le cinéma mondial.

"Tu devrais la baiser pour qu'elle réalise qu'elle est gay."

Ellen Page, dans un long billet publié vendredi 10 novembre sur Facebook, n'attend pas la deuxième ligne pour parler lesbophobie au sein du mouvement #MeToo.

C'était pendant une réunion d'équipe avant le tournage de X-Men : L'affrontement final. J'avais 18 ans. Il a regardé une femme qui se tenait près de moi, de dix ans mon aînée, m'a pointé du doigt et a dit : « Tu devrais la baiser pour qu'elle réalise qu'elle est gay ». Lui, c'était le réalisateur Brett Ratner.


Dans ce contexte de libération de la parole des victimes de harcèlement et d'agressions sexuelles entraînée par les centaines de témoignages contre Harvey Weinstein, Elle Page porte un nouveau coup contre le réalisateur et producteur Brett Ratner (Rush Hour, Hercules, Comment tuer son boss), déjà accusé de violences par six autres femmes depuis le début du mois, et pour qui elle a tourné dans la saga Marvel en interprétant le rôle de Shadowcat (Kitty Pride) aux côtés de Hugh Jackman et Halle Berry.
"J'étais une jeune adulte et je n'avais pas encore assimilé mon homosexualité. Je savais que j'étais gay sans, pour ainsi dire, le savoir réellement, poursuit Ellen Page. Je me suis sentie violée dans mon intimité. J'ai regardé mes pieds sans dire un mot et sans croiser le regard de personne. [...] Il m'avait outé sans réfléchir à mon bien-être, un acte que nous reconnaissons tous comme étant homophobe."
À LIRE AUSSI :

"Une ado dans l'industrie du divertissement"

Sentiment de honte, impression de s'être fait dérober sa capacité à se définir... Ellen Page énumère les conséquences destructrices de "cet outing public et agressif" qui a suivi des mois de tournage à voir Brett Ratner "dire des choses dégradantes aux femmes, comme lorsqu'un jour il a fait un commentaire sur la "chatte tombante" d'une femme qui était en train de marcher", et qui est intervenu après plusieurs années de comédie, à être "isolée en grandissant sur les plateaux de tournage plutôt que d'être entouré par les miens". Révélée à l'internationale par son rôle de Juno dans le film éponyme qui lui valu l'Oscar de la meilleure actrice en 2008, Ellen Page a fait ses armes jeune, dès 10 ans, dans une série télé diffusée sur CBS. À 30 ans, l'actrice d'origine canadienne évoque sur Facebook plusieurs épisodes de son adolescence qui lui ont apporté la "douloureuse prise de conscience de ne pas être en sécurité au travail" :

Quand j'avais 16 ans, un réalisateur m'a emmené dîner (ce qui est une obligation professionnelle très commune). Il a caressé ma jambe sous la table et m'a dit :"Tu dois faire le premier pas, parce que moi je ne peux pas." Je ne l'ai pas fait.
[...] Quelques mois plus tard, j'ai été agressée sexuellement par un technicien.
Un réalisateur m'a demandé de coucher avec un homme proche de la trentaine puis de leur raconter comment c'était. J'ai refusé. J'avais toujours 16 ans, une ado dans l'industrie du divertissement.

À LIRE AUSSI :

Dénoncer pour mieux renverser

"Combien d'hommes de média et de titans de l'industrie doivent être exposés pour que nous comprenions la gravité de la situation et que nous exigions la sécurité et le respect fondamentaux qui nous reviennent ?", s'interroge encore l'actrice en rappelant les dossiers à charge contre Harvey Weinstein, Bill Cosby, que plus de soixante femmes accusent d'abus sexuels, Roman Polanski, "qui a été reconnu coupable d'avoir violé par voie anale une jeune fille et qui a fui sa peine", et Woody Allen, soupçonné de pédophilie contre sa fille et pour lequel Ellen Page a tourné un film, "ce qui constitue le plus gros regret de (sa) carrière".
"La violence contre les femmes est une épidémie dans ce pays et dans le monde entier", tempeste Ellen Page. Une violence contre les femmes de couleur, les native americans, les femmes trans ou queer en particulier, dit-elle, en énonçant les militantes, telle Marsha P. Johnson, qui se sont battues contre celle-ci, et en encourageant les mouvements de fond derrière les tendances virales #MeToo et #BalanceTonPorc : "Ne nous laissons pas engourdir par les voix des victimes qui se font entendre. N'arrêtons pas d'exiger nos droits. Je suis reconnaissante envers toutes celles et ceux qui dénoncent les abus et les traumatismes qu'elles·ils ont subi. Vous brisez le silence. Vous êtes une révolution."

Porte-parole

Une publication partagée par @ellenpage le


Annonçant son homosexualité un certain soir de Saint Valentin, à la tribune d'une conférence LGBT organisée à Las Vegas, Ellen Page prouvait en 2014 qu'un jeune talent du show biz peut faire son coming out sans attendre que sa carrière soit derrière lui, ou stoppée net.
Interlocutrice régulière pour la défense des minorités sexuelles, elle a reçu en 2015 le Vanguard Award de Human Rights Campaign récompensant son engagement militant.
En 2016, elle donnait vie à l'écran au combat de Laurel Hester, interprétée par Julianne Moore, et Stacie Andree, pour que les pensions de retraite reviennent aux compagnons de même sexe, dans Free Love.
Ellen Page
La même année, elle partait pour la première fois en "Gaycation" avec son ami Ian Daniels, à la rencontre des gays et des lesbiennes des États-Unis, du Japon, du Brésil, de Jamaïque, d'Ukraine, d'Inde et de France pour comprendre les ressorts de l'homophobie et capter l'énergie des cultures LGBT en dix épisodes.
À LIRE AUSSI :

Elle est actuellement à l'affiche de L'expérience interdite, thriller de science-fiction, au cinéma le 22 novembre 2017. Elle apparaîtra prochainement dans The Umbrella Academy, nouvelle série de super héros adaptée des comics de Gerard Way, pour laquelle Netflix vient de la recruter.