CanadaJustin Trudeau, en larmes, présente les excuses du Canada aux LGBT discriminés

Par Julie Baret le 29/11/2017
Justin Trudeau LGBT excuses Canada

Justin Trudeau s'est dit "pétri de honte et de tristesse" dans son discours d'excuses gouvernementales aux fonctionnaires et ex-fonctionnaires LGBT persécutés. Une cérémonie historique.

"Nous ne laisserons jamais cela se reproduire" : le Premier ministre a reconnu que le Canada, "pays avant-gardiste et progressiste", n'a pas toujours été un havre de paix. Justin Trudeau, a prononcé un discours émouvant devant la Chambre des communes d'Ottawa ce mardi 28 novembre : "Nous avons eu tort, nous demandons pardon", a-t-il dit les yeux dans les yeux à certaines des personnes LGBT victimes de la "purge canadienne" qui a vu de nombreuses lesbiennes, gays, bis et trans licencié·e·s ou placardisé·e·s de l'armée ou des services publics pour cause de "sécurité nationale".
145 millions de dollars seront débloqués pour indemniser les quelques 3 000 victimes. Une partie de l'argent servira à la construction d'un mémorial dans la capitale, Ottawa, en mémoire des carrières - et parfois des vies - de personnes LGBT détruites par l'Etat lui-même.
Si tous les partis d'opposition ont soutenu la déclaration de Justin Trudeau, une vingtaine de députés conservateurs n'a pas souhaité assister à la cérémonie.

Purge systématique

Mary Lou et Emma sont Canadiennes. Elles se sont rencontrées en 1986 lorsqu'elles ont rejoint l'armée à Kingston. Car elles sont les deux seules femmes de leur promotion, leurs supérieurs leur attribuent une chambre commune. D'amies, les deux femmes deviennent amantes. Mais lorsqu'un soir quelqu'un les surprend, elles paniquent. L'homosexualité est devenue légale, au Canada, en 1969, grâce à Trudeau père, mais l'armée reste une zone de non-droit.
Elles quittent leur poste sans permission, à deux reprises. À leur retour, elles renseignent leur désir de quitter les rangs, mais elles sont envoyées dans une prison militaire à Edmonton. On leur met sous le nez les petits mots qu'elles se sont envoyés en cellule ("Fais de beaux rêves. Je t'aime un peu plus chaque jour"), on les interroge sur leurs pratiques sexuelles. Malgré l'humiliation, elles ressortent libres. L'histoire de Mary Lou et d'Emma, relatée par The Globe and Mail, est un exemple de la purge systématique qui a frappé les lesbiennes et les gays de l'armée canadienne, des services de police et de renseignement, et même de la fonction publique fédérale. Certain·e·s ont été informé·e·s que leur carrière resterait au point mort, d'autres, comme Mary Lou et Emma, ont été cuisinées pendant plusieurs heures par des interrogateurs chevronnés. Beaucoup se sont confiné·e·s dans le mensonge pour conserver leur carrière.

"Ne pas répéter ces erreurs"

CBS estime qu'entre les années 50 et 90, plusieurs milliers de soldats et employé·e·s furent purement et simplement licencié·e·s en raison de leur orientation sexuelle. Le gouvernement brandit alors une question de "sécurité nationale" : en période de Guerre Froide, les homos pourraient subir le chantage des communistes, et être utilisés pour vendre des secrets à l'armée rouge. Dans sa paranoïa, le gouvernement canadien met au point un détecteur : le test de la "Machine à sous" ("Fruit machine" en anglais) soumet les sujets à un défilé d'images érotiques tout en filmant leurs pupilles; si ces dernières se dilatent devant un rapport homosexuel, l'individu est classé comme tel. Durant les années 60, la Gendarmerie royale du Canada (la célèbre police montée) fiche 9 000 gays et lesbiennes de la sorte. Ce n'est qu'en 1992 qu'est levée l'interdiction pour les homos de servir dans les forces armées canadiennes. En 1996, le Canada inscrit l'orientation sexuelle dans sa loi sur les droits de la personne.
"Il est important de s'excuser des choses passées pour être sûre de comprendre, de savoir, de partager, et de ne pas répéter ces erreurs", avait déclaré Justin Trudeau lors d'une conférence de presse, lundi 27 novembre. Le Premier ministre canadien conforte une technique échaudée sur son territoire. En 2016, il avait lui-même accordé le pardon posthume à Everett Klippert, condamnée à la perpétuité en 1967 parce qu'il couchait avec d'autres hommes. Plus tôt cette année, c'est le maire de Montréal qui a reconnu les violences policières homophobes qui se sont poursuivies jusqu'au début des années 1990.
À LIRE AUSSI :

Couverture : YouTube/ Capture du discours de Justin Trudeau