discriminationLes LGBTI, globalement traumatisés par leur passage au collège

Par Jérémy Patinier le 11/01/2018
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L’association LCD (Lutte Contre les Discriminations) publie les résultats d’une enquête sur les LGBTI et la santé globale (notamment en milieu scolaire) dans le cadre de son colloque qui aura lieu les 18 et 19 janvier à Bordeaux.

Si l’on a eu l’habitude depuis quelques années de lire des études sur la santé sexuelle et reproductive ainsi que sur les questions de psychiatrisation des personnes trans, une équipe de chercheurs* s’est constituée autour de Joanna Dagorn et Arnaud Alessandrin avec de nouveaux terrains à défricher : la santé scolaire des LGBTI, le rapport à la cancérologie – notamment des personnes trans – et la santé bariatrique (les divers enjeux de poids). Ils se sont globalement intéressés aux discriminations dans les parcours de santé des LGBTI. Un colloque viendra rendre compte in extenso des résultats de cette enquête, les 18 et 19 janvier 2018 à Bordeaux, pour faire suite à celui sur la santé des personnes lesbiennes, gaies, bi-e-s et trans qui s’est déroulé en mai 2017 à Paris et qui incluait des thématiques portant sur le vieillir, le sport ou la sérophobie notamment.
Menée auprès de 1 147 personnes, cette enquête est très révélatrice de la distance qui sépare les LGBTI des soins, tant les occasions de discriminations sont nombreuses – que l’on soit trans, gay dans le placard ("homme ayant des relations sexuelles avec des hommes"), séropositif, ou trop jeune pour parler de ces sujets à son médecin de famille ou à l’école… En voici les premiers enseignements.

Le collège, vécu comme lieu de tension

Les LGBTI, globalement traumatisés par leur passage au collègeL’enquête s’intéresse à l’aspect global de la santé – et donc au bien-être psychologique – tout au long de la vie. Le constat est sans appel : près de 75% des sondés ont vécu « pas bien ou plutôt pas bien » leurs années collège. Et moins de 9% des LGBTI qui ont été discriminé.e.s à l’école en ont parlé aux adultes présents dans l’établissement. En plus de la violence subie ou ressentie, c’est donc l’absence d’écoute qui fait mal. Personne – ou presque – pour évoquer les troubles alimentaires, la dépression, les angoisses souvent en lien avec les discriminations de genre, d’identité ou d’orientation sexuelle. Les jeunes en parlent sur les réseaux sociaux, à des associations ou à des amis, mais pas à l’école. Le sentiment de discrimination est donc très ancien pour beaucoup, surtout chez les répondants de plus de 35 ans. Pour les plus jeunes, la situation semble s’améliorer.

Une difficulté accrue pour les personnes trans et intersexes

C’est pire pour les jeunes trans et intersexe qui ont très mal vécu leurs années collège : près des 86% des personnes trans et intersexes interrogées se sont senties mal au cours de leur scolarité, et 75% mal-à-l’aise dans leur parcours de soin face à un.e médecin du fait de leur identité de genre.



 

Les LGBTI et la santé : le grand divorce ?

- Plus d’un.e LGBTI sur deux s’est senti.e discriminée dans son parcours de soin
- 77% des personnes LGBTI qui se sentent discriminées dans le soin n’en ont jamais parlé
- Moins de 2% des personnes qui se sentent discriminées dans les soins engagent ou pensent à engager une démarche de dépôt de plainte
- 40% des personnes LGBTI n’ont jamais parlé de leur identité de genre ou de leur sexualité durant leur parcours de santé à des professionnel.le.s de santé
- Plus de 70% des personnes LGBTI ne sont pas ou peu accompagnées durant leurs démarches de santé
 
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Arnaud Alessandrin et Joanna Dagorn, contactés par TÊTU, entrent dans les détails :

Les lesbiennes mentionnent la difficulté de trouver un·e gynéco, avec l’appréhension qu’il·elle ne soit pas friendly. Les personnes trans ont des difficultés avec les médecins imposées par le protocole de transition, les gays ont plus de problème à évoquer leur sexualité réelle et le dépistage avec leur généraliste.
Ils ont peur d’y aller car parfois ça se passe mal, et en plus ils disent être souvent peu accompagnés ("jamais" pour un tiers des personnes) dans des soins qui normalement nécessitent un accompagnement, en cancérologie ou en bariatrie. Il y un isolement énorme lorsque ces pathologies tombent sur les LGBTI, une solitude dans le témoignage de la maladie.
On ne parle pas de son homosexualité quand on a un cancer, par exemple… Alors que certaines causes peuvent y être liées (tabac suite à un stress global, une difficulté à vivre sa sexualité). L’accompagnement peut être très important dans le combat contre la maladie, car cela permet d’augmenter l’observance des traitements, de ne pas perdre le moral. Il y a des conséquences à la méfiance des LGBTI : l’éloignement du soin ne permet pas des prises assez rapides, les traitements sont donc moins efficaces.

Si l’on pourrait mettre en cause un personnel médical peu formé aux questions LGBTI dans ces branches-là, il y a aussi une suspicion nourrie envers le monde médical en général. Avec une augmentation de 5% des cas d’obésité par an en France, et 380 000 nouveaux cas de cancer, on peux considérer ces pathologies comme "la pulsation contemporaine de notre rapport à la santé" selon Alessandrin.

Ce qui n’est pas fait dans le cancer n’est certainement pas fait ailleurs, avec moins de moyens. Il faut ouvrir de nouveaux fronts dans la santé LGBT. Aller sur de nouveaux terrains !

On ne parlera pas pour autant de "grand divorce" entre les LGBTI et le monde de la santé : les gays se font dépister du cancer, même sans campagne spécifique. Heureusement, le cancer colorectal est bien géré par les gays, connu et redouté, plus que chez les hétéros, grâce à une relation avec l’anus désacralisée. Ils sont souvent orientés par les médecins et ne se situent pas en dehors du système de santé. Sauf quand ils sont pauvres et racisés.
 
Le colloque aura lieu les 18 et 19 janvier à Bordeaux, avec Joanna Dagorn, Arnaud Alessandrin, Gabrielle Richard, Anita Meidani et Marielle Toulze.
 
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