coming outMatthieu Orphelin, député LREM : "Nous voterons sans problème un texte sur la PMA pour toutes"

Par Romain Burrel le 31/07/2018
Matthieu Orphelin

Les députés LREM sont-ils prêts à voter un texte élargissant la PMA à toutes les femmes ? C'est ce que TÊTU a demandé au député de la Maine-et-Loire Matthieu Orphelin. Celui-ci en profite pour faire son coming-out médiatique.

Il y a une dizaine de jours, le gouvernement sifflait la fin de la récré pour les initiatives parlementaires sur la PMA pour toutes en provenance du parlement. La majorité l’assure : un texte sur l’ouverture de la PMA pour les couples lesbiens et les femmes célibataires sera examinée au premier semestre 2019, dans le cadre de la révision de la loi bioéthique. Mais les députés En Marche voteront-ils comme un seul homme un texte sur l’ouverture de PMA pour les couples lesbiens et les femmes célibataires ? TÊTU a posé la question à Matthieu Orphelin, député LREM de la Maine-et-Loire. À 45 ans, il se veut rassurant sur la volonté des parlementaires à soutenir cette mesure. Il en profite également pour faire son coming-out médiatique.

Comment expliquez-vous la confusion autour du texte de Guillaume Chiche sur la PMA ?

En tout cas, il n’y pas eu de confusion sur notre ambition politique. L’initiative de Guillaume Chiche a permis au gouvernement et à la majorité de réaffirmer conjointement que l’engagement présidentiel fort qui a été pris lors de la campagne électorale sera tenu. Emmanuel Macron a été très clair sur le sujet : nous voulons ouvrir la PMA aux couples lesbiens et aux femmes célibataires. C’est un engagement important et il faut le concrétiser rapidement. Quant au véhicule législatif le plus adapté : est-ce que c’est dans le cadre du projet de loi bioéthique du gouvernement, via un texte gouvernemental dédié ou par une proposition de loi à l’initiative du groupe majoritaire ? Toutes les options avaient des avantages et des inconvénients, le gouvernement a choisi la première. Mais ce qui compte, c’est la volonté politique commune !

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Selon vous, existe-t-il une majorité aujourd’hui pour voter ce texte dans de bonnes conditions ?

Oui, mais on peut comprendre que la PMA pour toutes soit une question délicate pour certains. Il y aura sans doute quelques députés qui exprimeront des convictions personnelles et qui feront que le texte ne sera pas voté à l’unanimité du groupe. Mais aucun d’entre nous ne peut dire qu’il découvre cette proposition ! C’était un engagement que nous avons pris lors de la campagne pour lutter contre les discriminations. Je ne suis pas devin mais je pense que nous voterons sans problème ce texte.

Reste que l’exécutif demeurait jusqu’ici très flou sur la date du vote d’un éventuel texte. L’initiative de M. Chiche aura au moins permis au gouvernement de préciser son agenda…

Le gouvernement a clarifié sa position : la question de la PMA pour toutes sera examinée lors de la révision des lois de bioéthique, au plus tard début 2019. Nous sommes aux responsabilités depuis un an seulement. Si nous votons la PMA dans les mois qui viennent, on aura fait le job dès le début du mandat ! Le texte sur la révision de la loi bioéthique arrivera dans quelques mois. L’avis que le Conseil d’Etat vient de rendre donne des éléments d’appréciation, qui d'ailleurs ne conviennent d’ailleurs parfaitement ni aux uns, ni aux autres. Je note que l’extension de la PMA aux femmes célibataires et aux couples lesbiens existe déjà dans d’autres pays, notamment européens. Cette dynamique s’inscrit dans un mouvement plus vaste.

La France est donc en retard ?

Effectivement. Et il existe une inégalité forte que nous devons corriger. Bien sûr, elle touche les femmes concernées, mais aussi les enfants nés de ces PMA à l’étranger. Et partir du sort de ces enfants sera peut-être la porte d’entrée qui rassemblera le plus grand nombre. Lorsque les couples de femmes qui vont faire une PMA, en Belgique ou ailleurs, reviennent en France, il n’y en a qu’une qui a le statut reconnu de parent. L’autre femme doit adopter son enfant, après mariage. Et en cas de décès ou de séparation, ces vies basculent dans le drame. Donc il faut remédier à ces situations. Et je pense que la question du droit des enfants, qui n’ont rien demandé, est un point de départ qui peut nous rassembler pour sortir de l’hypocrisie actuelle. Nous devons aussi tirer des leçons de l’expérience malheureuse que fut celle d’un des derniers grands combats gagnés pour l’égalité : le mariage pour tous. Un débat qui avait trop duré, trop clivé. Je le répète, la PMA pour toutes ne va enlever aucun droit existant à personne mais rajoutera simplement un droit à quelques dizaines de milliers de personnes.

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Le Conseil d’Etat préconise d’indiquer le mode de conception à l’état civil de l’enfant. C’est quelque chose qui vous semble normal, acceptable ?

Selon moi, cela risquerait de recréer une nouvelle forme d’inégalité. Mais je n’ai pas d’avis tranché. J’entends l’avis du Conseil d’Etat mais il faut aussi entendre que cela rajoute encore une discrimination.

Vous vous étiez abstenu lors du vote de la loi Asile et Immigration. Vous étiez pourtant à l’origine d’un amendement excluant certains pays aux législations homophobes de la liste de « pays sûrs » ? Comment est né cet amendement ?

Ce sont les associations qui m’ont alerté sur ce sujet, notamment le centre LGBT d’Angers, qui accompagne un nombre significatif de sans-papiers. La France a établi une liste de pays dits « d’origines sûrs ». Elle compte actuellement 16 pays et est définie par l’Ofpra (l'Office français de protection des réfugiés et apatrides). Pour les demandeurs d’asile ressortissants de ces pays, la procédure peut être accélérée par rapport à une procédure normale. Si le demandeur d’asile en provenance d’un de ces pays est débouté de sa demande, et qu’il fait un recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), il peut être expulsé sans purger le recours. Cette liste de pays dits « sûrs » était définie par la loi comme celle des pays stables politiquement, démocratiques… Mais le fait est qu’un petit nombre des demandeurs d’asile en France fuient leur pays pour des motifs d’orientation sexuelle. Dans cette liste de pays sûrs, il y avait trois pays qui ne respectaient pas les droits des personnes homosexuelles. J’ai donc proposé que l’on inscrive dans la loi qu’un pays qui ne respecte pas les droits des personnes homosexuelles ne puisse plus être considéré comme « sûr » par la France. Au début, on m’a répondu : « Ce n’est pas possible de changer cela. La liste est émise par l’Ofpra… ». Mais on a réussi à en faire un sujet porté par une cinquantaine de députés de la majorité et le gouvernement a fini par bouger.

Vous ne croyez donc pas à un soi-disant appel d'air de migrants prétextant être LGBT pour demander l'asile en France, comme le craignent certains ? 

Je n'y crois pas. Et je pense aussi que c'est difficile pour ces migrants de dire qu'ils sont LGBT. Lorsque vous venez d’un pays où vous risquez la prison, des châtiments corporels ou pire car vous êtes gay, quand vous arrivez en France, la première chose que vous allez dire à un agent qui représente la puissance publique, ce n’est pas que vous êtes homosexuel ! Je suis moi-même gay mais j’ai la chance de vivre dans un pays où les droits des personnes homosexuelles sont respectés. On ne choisit pas d’être hétéro, homo ou bi. Il faut réussir à se mettre à la place de ces personnes et se demander : « Que me serait-il arrivé si j’étais né dans un autre pays, un pays qui bafoue les droits des gens comme moi ? ».

C’est la première fois que vous parlez de votre sexualité. L’enjeu, c’est la visibilité ?

Mon orientation sexuelle n’est pas un secret pour les personnes qui me connaissent. Dans ma vie de tous les jours, dans mes activités professionnelles, associatives, amicales, politiques, sportives, tous ceux qui me côtoient sont au courant que je suis gay. Il est vrai que je n’en avais encore jamais parlé publiquement : je ne l’ai pas dit au moment où je suis devenu député - et donc un personnage public - car tout cela s’est passé très rapidement. Je le fais aujourd’hui car je pense qu'il est important que, dans la politique, comme dans le sport ou tous les autres milieux, on puisse en parler simplement, pour que cela devienne, d’une certaine manière, banal. Des représentants d’association LGBT m’ont redit récemment, dans un contexte de recrudescence des actes homophobes, que ces enjeux de visibilité restaient toujours aussi essentiels et qu’il serait utile que je le sois à mon tour. Pour toutes ces raisons, je le fais bien volontiers. Si cela peut aider ne serait-ce qu’une seule personne, un seul jeune, dans son parcours de vie, je serais fier de l’avoir fait. J’en parle une fois, et positivement, car être gay ne devrait jamais poser de problème à personne.

Le rapport récent de SOS homophobie a montré une explosion du nombre de plaintes pour agression homophobe. La majorité ne devrait-elle pas mettre en place un plan d’urgence pour lutter contre les LGBTphobie ?

Il y a l’effet cumulatif d’une libération de la parole et d’une société de plus en plus violente. Cette question doit être dans notre visée politique, avec des sanctions les plus exemplaires possible. Mais il y a surtout le volet éducatif que nous devons renforcer. Parler de ces questions au lycée, c’est déjà trop tard. C’est ce que montre l’évaluation des actions que nous avions mises en place dans la région Pays de la Loire quand j’y étais Vice-président à l’éducation et à l’apprentissage. C’est au moment des années collège, voire avant, qu’il faut renforcer le travail d'éducation contre les discriminations femmes/hommes, envers les LGBT, ou contre le racisme. Nous sommes au début de ces combats. Rien n’est gagné.

 
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