mariagePar mégarde, la Russie reconnaît le mariage de ces deux hommes et s’en mord les doigts

Par Julie Baret le 29/01/2018
Pavel Stotsko et Evgeny Voytsekhovsky

La reconnaissance accidentelle du mariage de Pavel Stotsko et Evgeny Voytsekhovsky a fait l’effet d’une bombe en Russie, où les deux hommes subissent la pression des autorités. Pour leur propre sécurité, ils auraient quitté le pays.

Mis à jour le 30 janvier 2018
En Russie, peuvent être reconnus les mariages déjà enregistrés à l’étranger, à condition qu’ils ne contredisent par l’article 14 du « Code de la famille » lequel empêche la polygamie, le mariage entre parents (adoptifs ou non) ou l’union avec une personne présentant un trouble mental. Pas un mot sur le mariage des personnes de même sexe. C’est sur cette faille juridique que deux citoyens russes ont joué pour faire reconnaître, en Russie, leur mariage conclu au Danemark.

Une première

« Pour ceux qui parlent de fake news, ne confondez pas l’acte de mariage et sa reconnaissance », précise Pavel Stotsko sur son compte Facebook, qui gère comme il peut l’emballement médiatique qui les entoure, lui et son mari, depuis qu’ils ont expliqué à la télé russe la reconnaissance improbable de leur mariage. Ce dernier a épousé Evgeny Voytsekhovsky à Copenhague le 4 janvier 2018, où les unions de même sexe sont légales depuis 2012 :
Russie Pavel Stotsko et Evgeny Voytsekhovsky
Russie Pavel Stotsko et Evgeny Voytsekhovsky
De retour à Moscou, le couple se présente le jeudi 23 janvier dans un centre de service public munis du certificat de mariage et des actes notariés traduits. C’est là qu’un fonctionnaire aurait estampillé la page état civil de leurs passeports "internes" qui sont obligatoires pour tou.te.s les Russes âgé.e.s de plus de 16 ans et qui renseigne l'adresse et la situation maritale , reconnaissant de fait le mariage des deux hommes.

Pavel et Evgeny ont publié une photographie des documents pour preuve (ci-dessus), mais les autorités russes crient au mensonge, affirmant que « les employés de centres de service public n’ont pas le pouvoir de reconnaître ou non un mariage enregistré par l’apposition d’un timbre sur le passeport.»

Intimidation

Depuis, la Fédération de Russie met tout en œuvre pour réparer l'impair : le fonctionnaire en question devra être licencié et les deux passeports ont été annulés sur décision du ministère de l’Intérieur, sans justification. « Ils ne sont pas parvenus à récupérer nos passeport par la force, alors maintenant, ils les annulent » conclut Pavel dont les parents ont reçu une visite des autorités le 26 janvier, selon lui pour confisquer les documents. Le lendemain, la situation empire. Le Réseau LGBT russe, la même association qui vient en aide aux gays tchétchènes, lance un appel à l’aide sur Facebook : « En ce moment même, des policiers essaient de pénétrer dans l’appartement où vivent deux hommes gays – Evgeny Voytsekhovsky et Pavel Stotsko. La police n’a pas précisé la raison de sa venue et a déjà coupé l’électricité et la connexion internet [du couple]. » Hier soir, les deux hommes ont remercié l’association LGBT de leur avoir « sauvé la vie » et indiquent qu’ils resteront quelques jours avec les activistes. Ils ont reçu plusieurs menaces de mort, et la mère de Pavel des appels anonymes la menaçant de lui faire perdre son travail si son fils n'apportait pas les passeports aux autorités.

Forcés de quitter la Russie

« Nous n'avons jamais connu tant de haine », s'est confié Pavel sur Facebook en demandant le soutien des internautes. D'après RFI, ils ont reçu l'ordre de se rendre à la police le 29 janvier afin de payer une amende pour dégradation de documents officiels. Sur conseil de leur avocat, les deux hommes se sont exécutés et ont remis les passeports à la police, dit Igor Kochetov, le directeur du Réseau LGBT Russe, puis ont quitté le pays. « Ils étaient réellement en danger » insiste le militant. D'après lui, les forces de l'ordre ont spécifié à Pavel et Evgeny qu'elles ne pourraient garantir leur sécurité, ce que l'association a interprété comme une menace à peine voilée.
 
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Couverture et corps d'article : crédit photo @stotsko/Facebook