sortirRencontres d'Arles 2016, une photo pointue et rebelle

Par Thoaï Niradeth le 05/09/2016
Rencontres d'Arles,Arles

Alors qu’il ne vous reste que quelques jours pour profiter des Rencontres d'Arles, découvrez nos coups de cœur de cette 47e édition.

Avec environ 40 expositions, les Rencontres d’Arles s’affirment comme un observatoire de la création actuelle et des pratiques photographiques. Des rapprochements au sein de la programmation se déclinent comme des séquences. Ils permettent d’identifier des rubriques et favorisent, année après année, un suivi au plus près des évolutions de la photographie. Avec une programmation composée essentiellement de productions inédites, les Rencontres d’Arles ont acquis une envergure internationale. Souvent produites en collaboration avec des musées et des institutions françaises et étrangères, les expositions présentées dans différents lieux patrimoniaux de la ville font l’objet d’une scénographie. Certains sites, tels que des chapelles du XIIe ou des bâtiments industriels du XIXe, sont ouverts au public pendant la durée du festival.
Les Rencontres d’Arles 2016 ne dérogent pas à la règle et offrent une nouvelle fois un parcours d’un très grand cru, aussi hétéroclite que pointu et accessible. La grande nouveauté de cette année vient du désir des organisateurs de faire rayonner l’ancrage local à partir d’Arles. Le festival se déploie ainsi dans la région, afin de répondre à l’intérêt du grand Sud pour la photographie. Le « grand Arles Express » fera ainsi une halte à Nîmes (Carré d’Art), à Marseille (Villa Méditerranée) ainsi qu’en Avignon, au sein de la Collection Lambert en Avignon, l’un de nos coups de cœur.
 

Sébastien Lifshitz : Mauvais genre

“J’ai toujours été intéressé par les discours de la marge, ceux qui s’écrivent sur les bords de l’Histoire, loin de tout pouvoir moral, politique ou social, loin de toute norme du regard”, explique l’artiste-réalisateur. Sébastien Lifshitz poursuit : “C’est pour cette raison que je collectionne depuis de nombreuses années les photographies amateur : elles inventent une autre perspective sur la société. Le travestissement en est un merveilleux exemple. Rassemblant un siècle de photographies, de 1880 à 1980, l’exposition Mauvais genre est pleine de femmes et d’hommes qui osent jouer avec le genre devant l’œil de la caméra, ce que, peut-être, ils n’auraient pas osé faire en public. En vase clos, ces petits groupes expérimentaient le mélange des genres avec une audace réjouissante. C’est dans ces bulles d’intimité que s’est inventé un esprit de rébellion qui, des décennies plus tard, sortira dans la rue pour enfin s’exprimer au grand jour.”

Rencontres d'Arles 2016, une photo pointue et rebelle
Homme travesti, États-Unis, vers 1930. Avec l'aimable autorisation de la collection Sébastien Lifshitz.

Diplômé de l’école du Louvre, Sébastien Lifshitz travaille dès 1990 dans le milieu de l’art contemporain. En 1994, il se tourne vers le cinéma et réalise son premier court-métrage, Il faut que je l’aime. Suivront plusieurs documentaires, courts et longs métrages. En 2012, son documentaire Les Invisibles est présenté en sélection officielle au festival de Cannes. Il reçoit le César du meilleur film documentaire en 2013. La même année, Sébastien Lifshitz termine le film documentaire Bambi qui remporte le Teddy Award à Berlin.

À l’Atelier des Forges, jusqu’au 25 septembre (de 10h à 19h30). L’exposition sera présentée du 3 novembre au 17 décembre 2016 à la galerie du jour agnès b. L’exposition est accompagné d’un ouvrage : Mauvais genre, publié aux éditions Textuel.

 

Katerina Jebb : Deux Ex Machina

Katerina Jebb, Icône sans titre n°2, 2008. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
Katerina Jebb, Icône sans titre n°2, 2008. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.

Katerina Jebb est plasticienne. Autodidacte, elle commence par s’orienter vers la photographie expérimentale pour ensuite développer un travail fondé sur le photomontage. Les icônes modernes et numériques de Katerina Jebb n’en demeurent pas moins extrêmement charnelles. Ces portraits portent une empreinte digitale et offrent à contempler (voire adorer) de statiques anamorphoses pas si accidentelles. L’artiste insuffle la notion de temps, de durée et d’éternité dans le moment furtif et instantané d’un cliché. Il transpire une tension des corps, contraints et figés dans l’effort induit par la pose, statiques devant un scanner à taille humaine. La platitude de ces photocopies offre étrangement une nouvelle perspective et la frontalité qui s’impose devant nos yeux force le respect et la contemplation. Katerina Jebb donne naissance à des créatures, les humains de demain et pour toujours.

Au Musée Réattu jusquau 1er janvier 2017 (de 10h à 18h, fermé les lundis)

 

Alexandre Guirkinger : Ligne Maginot

Alexandre Guirkinger écrit une autre histoire de la guerre et de cette ligne Maginot en marge. Il nous en donne une image magique voire imaginaire, parfois aussi floue que les informations qu’on trouve à son sujet. Une histoire personnelle, quasi-fantasmée par un artiste fasciné qui ne croit que ce qu’il voit.

Fossé antichar dans l'ouvrage du Hackenberg, à proximité de Vecking (Moselle), mai 2007. Avec l'aimable autorisation de l'artiste.
Fossé antichar dans l'ouvrage du Hackenberg, à proximité de Vecking (Moselle), mai 2007. Avec l'aimable autorisation de l'artiste.

Les images de Alexandre Guirkinger oscillent poétiquement entre le souvenir factuel et l’impression d’un conflit, dont seules les pierres gardent véritablement en elles la mémoire. Ce travail documentaire dresse un inventaire subjectif, une interprétation libre de la bataille. En résultent des images à vif, “cartes postales” de ces vestiges défensifs pacifiés par le temps. Bunkers et autres épaves de guerre reconquis par une nature toujours victorieuse.

Au Magasin Électrique jusqu’au 25 septembre (de 10h à 19h30)

 

Andres Serrano : Torture

Cet été la Collection Lambert en Avignon investit ses espaces agrandis avec pas moins de cinq expositions, deux projets spécifiques et des collaborations inédites avec de grandes institutions et organisations françaises et internationales.
Une sélection d’oeuvres du fonds la collection Lambert est présentée dans les deux lieux d’exposition, montrant la richesse d’un fonds toujours tourné vers les grands enjeux de la création contemporaine. On y découvrira notamment les oeuvres des artistes : Adel Abdessemed, François-Xavier Courrèges, Jenny Holzer, Nan Goldin, Jonathan Horowitz, Claude Lévêque, Sol LeWitt,…
Pour sa troisième exposition à la Collection Lambert, Andres Serrano présente sa dernière série sur laquelle il a commencé à travailler en 2005 à la demande du New York Times Magazine.

Fool's Mask IV, Hever Castle, England, 2015. Avec l'aimable autorisation de l'artiste.
Fool's Mask IV, Hever Castle, England, 2015. Avec l'aimable autorisation de l'artiste.

La série Torture s’envisage comme une réflexion sur le concept de torture et ses évolutions au travers des siècles. Andres Serrano y questionne l’inquiétante schizophrénie de nos sociétés contemporaines. Si l’acte est en effet interdit par la convention de Genève de 1949 et la convention des Nations unies sur la torture, il demeure utilisé par 81 gouvernements. Andres Serrano assume dans cette nouvelle série le rôle de l’artiste en quête de nouvelles formes sensibles de représentation, mais aussi le rôle symbolique du bourreau, comme pour s’approcher au plus prés de l’indicible.
Débutant par une étude méthodique des objets et machines dédiées à la torture depuis le Moyen Âge, où chaque terrible trouvaille s’envisage comme une inquiétante nature morte, il s’intéresse ensuite à des lieux symboliques de la torture, depuis les prisons jusqu’aux bureaux d’interrogatoire de la Stasi en passant par les camps de la mort, pour enfin s’essayer à une représentation des tortures mentales.

À la Collection Lambert (Avigon) jusqu’au 6 novembre (de 11h à 19h)

Nos adresses fétiches

Les tables arlésiennes sont aussi accueillantes que leurs cartes savoureuses. On vous y accueille avec un sourire ensoleillé et un service chaleureux et efficace. Réservation très vivement conseillée aux restaurants le Galoubet, le Gibolin, le Bistrot d’à côté du chef Jean-Luc Rabanel, L’Ouvre-boîte (et ses tapas en conserves).
On rafraîchit ses esprits chez les artisans glaciers Soleileis et Arelatis et on se désaltère au bar ou dans le jardin de l’hôtel Jules César, dont la decoration signee Christian Lacroix (l’enfant du pays) vous regonfle à bloc. L’emblématique hôtel Nord Pinus et le Pop-Up, son restaurant éphémère dressé sur la place du Forum, raviront quant à eux les puristes qui souhaitent entendre battre le cœur du festival.
En Avignon, le bar de l’hôtel La Marande reste un incontournable, idéalement niché aux pieds du Palais des Papes.

Retrouvez toutes les expositions présentées ainsi que toutes les informations pratiques du festival sur le site des Rencontres d’Arles : www.rencontres-arles.com

Le lobby de l'hôtel Jules César
Le lobby de l'hôtel Jules César