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mondeLGBT en Iran : "C'est tout le peuple iranien qui souffre de la violation de leurs droits"

Par Jérémie Lacroix le 06/05/2016
LGBT en Iran IRQO

TÊTU s'est entretenu avec l'IRQO, une association de défense des droits LGBT en Iran, pour connaître la situation des homosexuels et des transsexuels dans le pays.

Le réchauffement des relations diplomatiques entre l'Iran et les pays occidentaux suite à l'accord historique sur le nucléaire iranien, mais également la récente polémique concernant les hôtesses et stewards d'Air France, ont mis en lumière un pays encore largement hostile aux questions LGBT. TÊTU a souhaité donner la parole à l'IRQO, une association iranienne de défense des droits LGBT, afin de mieux connaître la situation des homosexuels et des transsexuels en Iran.

L'IRQO, IRanian Queer Association, est une association créée par des militants LGBT iraniens ayant longtemps agi dans la clandestinité. L'impossibilité légale, voire les probables persécutions dont ils auraient été victimes en Iran, les ont poussé à créer une association officielle hors des frontière de leur pays. Ainsi l'IRQO est basée à Toronto au Canada et s'attelle à de nombreuses missions : de la défense des droits humains et civiques des personnes LGBT iranienne à la lutte pour la dépénalisation de l'homosexualité en Iran, en passant par la sensibilisation aux questions d'orientation sexuelle et d'identité de genre... Hudad Tulloui, le directeur des relations publiques de l'organisation, a répondu à nos questions. Entretien.
 
Quelle est actuellement la situation des droits LGBT en Iran ? Quel est le quotidien des homosexuels et des transsexuels ?

Hudad Tulloui : Comme jusqu’à présent, les droits LGBT continuent d’être bafoués en Iran. Les homosexuels doivent cacher leur identité sexuelle à tout le monde, y compris aux propres membres de leur famille. Selon la loi, le châtiment pour avoir eu des relations avec un partenaire de même sexe est la mort. Bien que les cas d’exécutions d’homosexuels soient rares, cette loi laisse les mains libres aux autorités pour maltraiter les homosexuels en Iran, lesquels vivent des situations constamment anxiogènes.

Par exemple, les membres du groupe paramilitaire, connus sous le nom de Basijis, tendent des pièges aux homosexuels sur les sites de rencontre. Une fois qu’ils les ont arrêtés, ils commencent leurs exactions, allant du chantage jusqu’au viol. Les homosexuels ne peuvent pas porter plainte contre ceux qui abusent d’eux. En outre, bien que la loi iranienne soit considérée comme favorable aux transsexuels, ces derniers souffrent quand même de discrimination et leurs droits sont également bafoués en Iran. Par exemple, la transsexualité est toujours considérée comme une maladie mentale dans notre pays. Il y a tant d’exemples qui montrent que les personnes LGBT continuent de souffrir quotidiennement en Iran.

Pensez-vous que l’accord historique sur le nucléaire iranien et la normalisation des relations diplomatiques entre l’Iran et les pays occidentaux, et notamment l’ouverture du pays sur l’extérieur, permettra une amélioration de la situation des personnes LGBT dans le pays ?

Les lois en Iran sont basées sur l’interprétation des lois islamique par le clergé chiite (les Ayatollah). Le clergé chiite dirigeant considère l’homosexualité comme un péché, et les relations entre personnes du même sexe punissables de mort. Par conséquent, reconnaître les droits des homosexuels est, pour eux, une ligne rouge infranchissable. Il y a donc peu de chances que la situation des droits LGBT connaisse une amélioration en Iran.

Vous avez probablement entendu parler des stewards d’Air France craignant de se rendre en Iran. Comprenez-vous leur peur ? Pensez-vous que leur démarche soit justifiée ?

En se basant sur le portrait que je viens de brosser du régime islamique en Iran, leur peur est justifiée. Cependant, en tant que citoyens étrangers, les stewards d’Air France ne doivent pas être effrayés de voler vers l’Iran.

IRQO LGBT en Iran
Maryam Khatoon Molkara

Pourriez-vous nous en dire plus sur la situation des transsexuels en Iran ? Est-il vrai que le changement de sexe y est autorisé ? Comment cela est-il possible dans une République islamique ? Cela paraît totalement surprenant en comparaison de la situation des personnes LGBT décrite ci-dessus !

Après la révolution islamique en Iran, une transsexuelle du nom de Molkara réussit à convaincre le leader de la révolution, l’ayatollah Khomeini d’émettre une fatwa (un avis juridique) autorisant les transsexuels à entreprendre une chirurgie de réassignation sexuelle (CRS). Cependant, de nombreux points devraient être pris en considération dans le cas des transsexuels.

En effet, bien que les transsexuels soient autorisés à entreprendre une CRS, cela ne signifie pas que l’Iran est un "paradis" pour les transsexuels, comme certains l’appellent. Car comme indiqué précédemment, nombre de leurs droits sont encore bafoués. Et surtout, les autorités considèrent toujours que la transsexualité est une déviance, un trouble mental. Les transsexuels ne peuvent pas s’habiller comme ils le souhaitent, à moins d’avoir entrepris une CRS. Pis encore, certains homosexuels sont même orientés vers une CRS (l’hétérosexualité restant la norme, si vous aimez les hommes, vous devez devenir femme...).

Enfin, un autre point important est que les transsexuels ne reçoivent pas les soins médicaux et psychologiques nécessaires avant et après les opérations. D’ailleurs, ces opérations sont d’une qualité insatisfaisante. Même après avoir entrepris une CRS, les transsexuels continuent à être maltraités par les autorités dans bien des domaines.

Aimeriez-vous faire passer un message spécifique à travers TÊTU ?

Il n’y a pas seulement les personnes LGBT qui souffrent de la violation de leurs droits les plus élémentaires, mais le peuple iranien dans son ensemble. Imaginez combien la situation peut être humiliante et difficile en Iran pour que certaines personnes, comme les stewards d’Air France, refusent de s’y rendre…

>> Visitez le site web d'IRQO pour plus d'informations sur l'association et ses missions.