LGBTphobieTPMP : Ardisson, Jeremstar et Hanouna s’allient pour un (deuxième) outing en direct !

Par Jérémy Patinier le 13/09/2017
outing

Hier soir, mardi 12 septembre, Cyril Hanouna recevait Thierry Ardisson et Jeremstar dans Touche pas à mon poste. Il ne fallait pas plus de provocateurs et d’inconséquents pour qu’advienne un deuxième outing public dans l’émission.

Amis connus du grand public ou non, attention, car désormais une émission peut tranquillement révéler votre vie privée à plus d’un million de téléspectateurs. Il y a quelques mois, c’était le chroniqueur Mathieu Delormeau qui subissait ce qu’il avait toujours souhaité éviter : parler de sa vie privée, de gay en l’occurrence.
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À la question très classieuse du blogueur spécialiste de la télé-réalité, Ardisson rappelle qu’il a eu une expérience homosexuelle lorsqu’il avait 18 ans. Il ne l’avait certes jamais caché. Mais le Jeremstar s’est enquéri de la question fondamentale pour le savoir de chacun : « avec qui ?»…

Ardisson : J’ai essayé et ça s’est très mal passé, j’avais 18 ans, un peu plus peut-être. Et le mec m’a raté. (...)
Jeremstar : Je me suis toujours demandé, avec qui ?
Ardisson : Un type qui est patron du syndicat de la mode qui s’appelle Didier Grumbach. Didier, si tu nous regardes, tu m’as raté.

Cyril Hanouna, hilare, devient alors le complice d'un outing en direct, puisqu'il est légalement responsable de la tenue de l'antenne en tant qu'animateur et producteur de l'émission. Présent sur le plateau, l’ancien membre du CSA, Rachid Arhab – nouveau chroniqueur régulier de l’émission en cette saison (et censé en être la caution morale) – a mollement réagi en affirmant que révéler l’identité de Didier Grumbach en direct « était très limite » ! Ce qui a beaucoup fait rire Cyril Hanouna.

Une atteinte fondamentale au droit à la vie privée

Après le scandale du canular homophobe (en plus des atteintes à la dignité et les attaques sexistes), après l’outing de Delormeau (et déjà les blagues scabreuses), la vie privée n’est définitivement plus assurée dans TPMP, surtout quand vous êtes homosexuel, et cela que vous soyez présent ou non, connu ou non du grand public. Homophobe encore ? Oui, car en effet, on ne demande jamais à un hétérosexuel avec qui il a couché (encore moins de connu), pour préserver son intimité. L’homophobie n’est pas qu’une peur, mais un traitement différencié des êtres en fonction de leurs orientations sexuelles. Les homosexuels sont-ils moins respectables, moins soumis à la discrétion de leurs partenaires, même furtifs ?
Hanouna avait pourtant juré grand-dieu qu’il n’était pas homophobe, et tel le corbeau de la Fontaine, « qu'on ne l'y prendrait plus ». Force est de constater, qu’encore une fois, les homos ne sont pas traités de la même façon que les hétéros dans son univers. Ardisson, le véritable auteur de l’outing, n’est pas non plus en reste : en 2013, il avait laissé Stéphane Bern « outer » un responsable UMP en disant « Tout le monde sait qu’il est homo, mais il dit qu’il est hétéro », ce que l’intéressé avait vivement nié.
Didier Grumbach, lui, n’a jamais nié, puisqu’il n’a jamais pris la parole sur ce genre de sujet.  Cet industriel et homme d'affaires français, investi dans le développement économique et créatif de la mode, présida de 1998 à 2014 de la Fédération française de la couture, du prêt-à-porter des couturiers et des créateurs de mode. Il fût associé avec Pierre Bergé dans l’aventure « Saint Laurent rive gauche » puis avec Thierry Mugler. Il n'a jamais fait de coming-out public et ne communique jamais sur sa vie privée. S’il est homosexuel, rien n’autorise personne à dévoiler des secrets intimes de sa vie privée, encore moins ses aventures sexuelles. Qu’il soit aujourd’hui âgé de 80 ans ne le protège pas des moqueries (ni sa famille, ni ses nièces, petits-neveux, etc.) davantage liées aux détails scabreux d’Ardisson et aux rires d’Hanouna qu’à sa simple supposée homosexualité. Si celle-ci a déjà été évoquée dans des livres (comme Bel de Nuit par Elisabeth Quin) ou ses engagements divers, lui seul a le droit de parler de ce genre d'intimité.

L’outing, vie privée et outil politique

L’outing ne cible évidemment que les homosexuels qui ont choisi – pour des raisons diverses (protection de la vie de famille, parfois des enfants ou des parents, peur des conséquences dans le milieu professionnel…) – de ne pas parler publiquement de leur vie sentimentale. Être homosexuel dans son cercle privé, ce n’est pas la même chose que l’être, exposé au grand public. Et la révélation publique de la vie privée peut être condamnée de 50.000 euros d’amende (article 226-1 du Code pénal).
En 2000, l'homosexualité de Jean-Luc Romero avait été révélée dans un magazine gay. C’était, selon l’intéressé, à un moment où toute sa famille, et notamment sa mère, n’était pas encore au courant; cet outing était à la fois gratuit et dangereux.
L’outing peut néanmoins prendre la forme d’un combat « politique », notamment lorsque certains élus votent contre des lois visant à plus d’égalité. En Italie, par exemple, dix députés furent outés en 2011 pour avoir voté contre une loi destinée à combattre l'homophobie. Des associations LGBT autrichiennes se sont demandées durant des années si elles devaient ou non révéler la bisexualité de Jörg Haider, un homme politique autrichien d’extrême droite ayant voté contre une proposition d'abaissement de l'âge du consentement pour les relations homosexuelles dans son pays (et peu après sa mort, Stefan Petzner, un de ses plus proches collaborateurs, a finalement révélé leur liaison, ce qui constitue un outing posthume). En 2014, c’est le magazine français Closer qui révélait l’homosexualité de Florian Philippot, cadre du Front National, parti opposé au mariage pour tous. La publication avait été condamnée à 20.000 euros de dommages et intérêts.

Vieilles formules

Il y a quelques semaines, alors en « opération reconquête », Cyril Hanouna vantait la « nouvelle formule » de Touche pas à mon poste. De nouveaux chroniqueurs censés incarner la « quête de sens » (Rokhaya Diallo, qui n'est toujours pas apparue dans l’émission, pas plus que Renaud Revel de L’Express, mais aussi Rachid Arhab, ex-CSA…), une nouvelle mannequin-DJ mise en scène d'une manière particulièrement objectivante (donnant l’occasion à Jean-Michel Maire d'agir avec elle de façon carnassière) et… un nouveau plateau. Depuis le 4 septembre, aucun changement dans la formule de l’émission n’est apparu : se succèdent blagues vaseuses (notamment après que Pierre Ménès qualifie Laurent Ruquier de « pompeur », le 5 septembre) et coups de gueule sur tout et n’importe quoi.
https://youtube.com/watch?v=PMhR_rcsfZs
On serait tenté de citer en comparaison la « nouvelle formule OMO » de Coluche, qui promettait de laver « plus blanc que blanc ». Là, Hanouna lave le linge sale en famille, devant un million de personnes, révèle la vie privée, et agit sur les même mécanismes, sans changer la formule d'un iota.
Ou quand la communication est un paravent pour continuer à travailler sur les même ressorts, les même clichés, les même victimes… Bref, les vieilles formules qui font toujours manquer d'élégance aux homosexuels en particulier.
 
PS : Pour toute envie de plainte auprès du CSA : http://www.csa.fr/Services-en-ligne/Formulaire-pour-signaler-un-programme
 
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