{"id":139010,"date":"2019-12-01T11:13:41","date_gmt":"2019-12-01T10:13:41","guid":{"rendered":"https:\/\/tetu.com\/?p=139010"},"modified":"2019-12-02T10:00:21","modified_gmt":"2019-12-02T09:00:21","slug":"seropositif-comment-jai-vaincu-la-morale-et-la-honte","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/tetu.com\/2019\/12\/01\/seropositif-comment-jai-vaincu-la-morale-et-la-honte\/","title":{"rendered":"\"S\u00e9ropositif, comment j'ai vaincu la morale et la honte\""},"content":{"rendered":"<h2>MA STORY. Ce dimanche, c'est la journ\u00e9e mondiale de lutte contre le sida. Sacha a toujours cru qu'il \u00e9chapperait miraculeusement au virus, jusqu'\u00e0 ce qu'il d\u00e9couvre sa s\u00e9ropositivit\u00e9... Il raconte comment il l'a accept\u00e9 dans \u00ab\u00a0Ma story\u00a0\u00bb,\u00a0 une rubrique o\u00f9 vous pouvez raconter un \u00e9v\u00e8nement ou une anecdote qui vous a marqu\u00e9 pour le meilleur ou pour le pire. Pour cela contactez-nous\u00a0<a href=\"https:\/\/www.facebook.com\/tetumag\/\" data-type=\"post\" data-id=\"0\">par ici !<\/a><\/h2><div id=\"div-gpt-ad-1621434409290-0\" class=\"ad-slot u-justify-content-center u-margin-b-3\" style=\"display:flex\">\n  <script>\n    googletag.cmd.push(function() { googletag.display('div-gpt-ad-1621434409290-0'); });\n  <\/script>\n<\/div>\n\n<p>Il y a quelques ann\u00e9es, l\u2019homme avec lequel je vivais m\u2019avait tromp\u00e9 avec un gar\u00e7on s\u00e9ropositif. Il me l\u2019avait avou\u00e9 - une fois accul\u00e9 aux aveux -, les larmes aux yeux. J\u2019avais vu dans ses pleurs qu\u2019il avait ressenti de l\u2019amour pour l\u2019autre, que d\u2019embl\u00e9e je d\u00e9testai. Il m\u2019avait sembl\u00e9 aussi que les sentiments qu\u2019il ressentait pour lui n\u2019\u00e9taient pas sans rapport avec sa maladie. L\u2019abandonner alors qu\u2019il avait besoin d\u2019\u00eatre sauv\u00e9 \u00e9tait impensable. Furieux, j\u2019avais appel\u00e9 ce gar\u00e7on, ce Julien, pour lui demander des comptes. Je l\u2019ai interrog\u00e9 sur leur histoire, sa dur\u00e9e, leurs pratiques, les risques potentiels qu\u2019il avait fait prendre \u00e0 Thomas et par cons\u00e9quent \u00e0 moi-m\u00eame. Il avait r\u00e9pondu \u00e0 mes indiscr\u00e9tions de mari jaloux avec beaucoup de bienveillance, de gentillesse. En retrouvant Thomas, j\u2019avais dit : <em>\u201cIl faut que tu le\u00a0<\/em><em>quittes. On n\u2019attrape pas le sida par hasard. On l\u2019attrape quand on fait n\u2019importe quoi, qu\u2019on ne sait pas r\u00e9gler sa vie.\u201d<\/em> Condamnation morale. Arbitraire. Qui fermait compl\u00e8tement les yeux sur la sympathie que cet inconnu (qui n\u2019\u00e9tait pas plus responsable de la situation que mon copain - et que moi-m\u00eame) m\u2019avait inspir\u00e9e. Sans appel. Je me disais \u00e0 l'\u00e9poque qu'il l\u2019avait bien cherch\u00e9. Il avait eu un comportement irresponsable. Il avait bien ce qu\u2019il m\u00e9ritait. Puni par o\u00f9 il avait p\u00e9ch\u00e9...<\/p>\n<p>Je me souviens d'une conversation avec un ami, au milieu du mois d'ao\u00fbt 2017.<\/p>\n<p>- \"Je fais attention \u00e0 tout, j\u2019ai tellement peur de LA maladie.<br \/>\n- Mais tu sais, il faut y aller pour choper quelque chose... Moi \u00e7a fait des ann\u00e9es que<br \/>\nje suce sans capote, je n\u2019ai jamais rien attrap\u00e9.<br \/>\n- Tu devrais faire attention, tu sais.<br \/>\n- Je sais. Je suis un miracul\u00e9.\"<\/p>\n<p>Cette provocation r\u00e9sonnera en moi bien am\u00e8rement quelques jours plus tard lorsque, le 28 ao\u00fbt, j\u2019irai chercher mes r\u00e9sultats. C\u2019est l\u2019\u00e9t\u00e9, une belle journ\u00e9e d\u2019\u00e9t\u00e9, il fait chaud, je transpire beaucoup, je suis un peu essouffl\u00e9. Fatigu\u00e9. J\u2019arrive, selon mon habitude, l\u00e9g\u00e8rement en retard, je m\u2019en excuse. Le m\u00e9decin me re\u00e7oit tout de suite (je me demande ce qui se passe dans sa t\u00eate avant de me recevoir, s\u2019il boit un verre d\u2019eau, s\u2019il r\u00e9fl\u00e9chit \u00e0 la mani\u00e8re dont il va tourner tout \u00e7a, s\u2019il prend son \u00e9lan pour se donner du courage avant de venir me chercher dans la salle d\u2019attente), me demande si \u00e7a va depuis la derni\u00e8re fois. Je ne sais plus ce que j\u2019ai r\u00e9pondu.<\/p>\n<h3>\"On a un probl\u00e8me\"<\/h3>\n<p>Je me souviens seulement du dossier rouge pos\u00e9 sur son bureau. J\u2019ai probablement dit que oui, tout allait bien, m\u00eame si tout dans cette pi\u00e8ce d\u00e9j\u00e0 m\u2019indiquait le drame \u00e0 venir. Je ne sais s\u2019il s\u2019agit d\u2019un r\u00e9el pressentiment, d\u2019une illusion r\u00e9trospective, d\u2019une reconstruction romanesque inconsciente, ou si, tout simplement, comme \u00e0 chaque fois que je r\u00e9cup\u00e9rais des r\u00e9sultats depuis mes 18 ans, je me disais : cette fois, mon vieux, c\u2019est la bonne.<\/p>\n<p>Il encha\u00eene : \u201cOn a un probl\u00e8me.\u201d Je pense imm\u00e9diatement \u00e0 la phrase culte de la mission Apollo 13. Je me retire en moi pour annuler la phrase du m\u00e9decin, je me r\u00e9p\u00e8te \u201cHouston, on a un probl\u00e8me\u201d. Mais le m\u00e9decin poursuit et le retour sur Terre est brutal : <em>\u201cOn a un gros probl\u00e8me m\u00eame. Vos r\u00e9sultats nous sont revenus du laboratoire, et il s\u2019av\u00e8re qu\u2019ils sont positifs.<\/em>\u201d<\/p>\n<p><!--more--><\/p>\n<p>Coup de poing \u00e0 l\u2019estomac. Je ne respire plus. Plus de voix. Je sens mon sang qui se retire de mon visage. Mon c\u0153ur qui bat, affol\u00e9 comme une b\u00eate qui sent la mort arriver, comme un enfant qui recule dans le coin de sa chambre devant l\u2019ombre grandissante de l\u2019ogre. Impossible de rien dire. Je me tords les doigts, comme le petit gar\u00e7on qui a fait une b\u00eatise et esp\u00e8re attendrir celui qui le r\u00e9primande.<br \/>\nVerdict irr\u00e9futable. Fin du miracle.<\/p>\n<p>De nouveau, les pr\u00e9l\u00e8vements, les fioles. Les ordonnances. Les formulaires \u00e0 remplir pour la S\u00e9curit\u00e9 Sociale. Je me laisse faire, je ne dis rien, j\u2019envoie un message \u00e0 \u00c9mile pour lui demander si je peux passer. Et puis, apr\u00e8s les prises de sang, lorsque je retourne le voir, le m\u00e9decin a cette phrase formidable, qui me reviendra lorsque je serai compl\u00e8tement d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9 : <em>\u201c\u00c0 l\u2019\u00e2ge que vous avez, vu votre \u00e9tat de sant\u00e9, vous conna\u00eetrez une gu\u00e9rison\u201d.<\/em><\/p>\n<p>J\u2019appelle \u00c9mile, j\u2019appelle un taxi. J\u2019entre dans l\u2019appartement et ni lui ni Arthur ne disent rien. \u00c9mile me fait la bise, joue contre joue, alors que d\u2019habitude nous nous embrassons de loin, pour rire. C\u2019est l\u00e0 que je r\u00e9alise que c\u2019est grave. Ce vrai baiser trahit son inqui\u00e9tude. Je lui donne tout de suite les r\u00e9sultats d\u2019analyses, je veux qu\u2019il les garde, je ne peux pas en parler \u00e0 mon copain. Je veux surtout qu\u2019elles disparaissent, que \u00e7a n\u2019existe plus. J\u2019ai le sentiment, pendant plusieurs jours, que tout cela n\u2019est qu\u2019une histoire de mots, une histoire de signes imprim\u00e9s noir sur blanc.<\/p>\n<h3>\u00catre ou avoir<\/h3>\n<p>Dans les jours qui suivent, lorsque j\u2019en parle avec \u00c9mile qui me dit qu\u2019on vit tr\u00e8s bien en \u00e9tant s\u00e9ropositif en France, je r\u00e9torque : <em>\u201cje ne suis pas s\u00e9ropositif, j\u2019ai le VIH<\/em>\u201d. Je ne veux pas m\u2019identifier au virus. J\u2019ai l\u2019impression qu\u2019avoir est moins grave qu\u2019\u00eatre. J\u2019ai le sentiment que par la langue, je peux emp\u00eacher l\u2019infection de prolif\u00e9rer, de me d\u00e9vorer. De m\u00eame, aujourd\u2019hui, je me m\u00e9fie de l\u2019expression \u00ab \u00eatre\u00a0ind\u00e9tectable \u00bb, du glissement de sens insidieux. Ce n\u2019est pas moi, c\u2019est la charge virale dans mon sang qui est ind\u00e9tectable.<\/p>\n<p>A chaque consultation (et elles sont nombreuses au d\u00e9but), je m\u2019attends \u00e0 ce que le m\u00e9decin me dise : \u00ab c\u2019\u00e9tait une blague, c\u2019est une exp\u00e9rimentation en fait, qui vous vaccine de la maladie par le choc, par la peur \u00bb. Je me suis dit, pendant plusieurs semaines, que si on m\u2019avait fait ce coup-l\u00e0, je me serais sans doute remis imm\u00e9diatement dans le droit chemin pr\u00f4n\u00e9 depuis l\u2019\u00e9cole, celui de la pr\u00e9vention, de la rationalisation des rapports sexuels, des pratiques, du nombre de partenaires et du pr\u00e9servatif. Que j\u2019aurais \u00e9t\u00e9 le docile petit mouton qui marche la t\u00eate baiss\u00e9e et la queue entre les pattes ?<\/p>\n<p>Mais non, chaque rendez-vous avec le m\u00e9decin confirme l\u2019irr\u00e9m\u00e9diable v\u00e9rit\u00e9. Dans la rue, j\u2019ai le sentiment que les gens le savent. Que c\u2019est \u00e9crit sur mon front. J\u2019ai le visage rouge, je transpire.<\/p>\n<h3>\"J'\u00e9tais d\u00e9j\u00e0 mort\"<\/h3>\n<p>Je vis comme cela un long temps, dans le silence et le secret. En vacances, l\u2019\u00e9t\u00e9 suivant, presque un an jour pour jour apr\u00e8s la d\u00e9couverte de ma s\u00e9ropositivit\u00e9, mon copain, \u00e0 qui je n\u2019ai rien dit et que j\u2019ai fui un peu tout ce temps, trouve dans mon sac ma bo\u00eete de m\u00e9dicaments. Il me demande ce que c\u2019est, mais il le sait d\u00e9j\u00e0.<\/p>\n<p>Ses larmes. Ses sanglots. Sa tristesse profonde. Sa d\u00e9tresse. Je lui explique tout. Je le rassure, je lui dis que je ne suis pas contaminant, qu\u2019il ne risque rien, que je ne risque plus grand chose non plus - disant tout cela, j\u2019essaie de m\u2019en convaincre.<\/p>\n<p>Aujourd\u2019hui, m\u00eame si je sais qu\u2019il pleurait pour la simple et bonne raison qu\u2019il avait \u00e9t\u00e9 trahi, parce que j\u2019avais eu une relation sexuelle et sentimentale (je ne sais pas pourquoi j\u2019ai mis l\u2019accent sur cette dimension lorsque je lui ai tout avou\u00e9, peut-\u00eatre pour att\u00e9nuer ma trahison) avec un autre homme, parce que je lui avais tout dissimul\u00e9 et donc que j\u2019avais d\u00fb affronter tout cela seul (ou en tout cas sans lui), aujourd\u2019hui, le souvenir de ses larmes m\u2019est insupportable : j\u2019ai le sentiment que pour lui j\u2019\u00e9tais d\u00e9j\u00e0 mort, qu\u2019il m\u2019enterrait par anticipation. Pourtant, ce faisant, il me lib\u00e9rait. C\u2019est \u00e0 compter de ce jour-l\u00e0 que prendre mon traitement est devenu quelque chose d\u2019anodin. Le simple fait de ne plus avoir \u00e0 me cacher dans la salle de bains pour le prendre m\u2019a fait sortir de la honte.<\/p>\n<h3>\"Veux-tu gu\u00e9rir ?\"<\/h3>\n<p>Et puis, il y a eu cette phrase, lue \u00e0 J\u00e9rusalem. Au d\u00e9tour d\u2019une ruelle, dans la fra\u00eecheur du soir tombant, je me trouvai devant la piscine de Bethesda. J\u2019entrai. Ce nom me rappelait quelques souvenirs, mais rien de tr\u00e8s pr\u00e9cis. Je lus sur un panneau le r\u00e9cit auquel elle sert de cadre dans l\u2019Evangile. Une histoire de paralytique, d\u2019incurable, qu\u2019on apporte au Christ, en dernier recours. Parce qu\u2019il a d\u00e9j\u00e0 une petite r\u00e9putation de rebouteux, on lui demande d\u2019accomplir un miracle. On le sent qui h\u00e9site, je crois.<br \/>\nIl a alors cette parole, absolument fabuleuse, qui, apr\u00e8s deux mill\u00e9naires, parvenait \u00e0 mes oreilles d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9es : \u201cVeux-tu gu\u00e9rir ?\u201d<\/p>\n<p>Cette simple question ne m\u2019a pas converti au christianisme, non, au contraire, d\u2019une certaine fa\u00e7on, puisqu\u2019elle m\u2019a permis de me d\u00e9gager de la honte (premier sentiment \u00e9prouv\u00e9 par l\u2019homme, selon la Gen\u00e8se, c\u2019est dire...) dont la morale religieuse a envelopp\u00e9 nos sexes. Je r\u00e9alisai alors qu\u2019il n\u2019appartenait qu\u2019\u00e0 moi d\u2019aller mieux.<\/p>\n<p>D\u2019abord, en consid\u00e9rant que je n\u2019\u00e9tais pas malade, en tenant \u00e0 distance cette \u00e9tiquette qui essentialise. Et puis tout simplement en en parlant. En disant \u00e0 mes amis que cela m\u2019est arriv\u00e9, que \u00e7a a \u00e9t\u00e9, bien s\u00fbr, un bouleversement, un moment de solitude radicale, malgr\u00e9 l\u2019amour et le soutien de ceux qui savaient d\u00e9j\u00e0, mais que je vais bien. Oui, je vais bien. Peut-\u00eatre m\u00eame suis-je plus heureux qu\u2019il y a trois ans.<\/p>\n<h3>Sexuel et fier de l'\u00eatre<\/h3>\n<p>En Australie, il y a 5 ans, j\u2019ai rencontr\u00e9 un gar\u00e7on formidable. Un activiste gay. \u00c9tudiant. Beau. Fier. Brillant. Je me souviens avoir \u00e9t\u00e9 impressionn\u00e9 par sa libert\u00e9 : il aimait le sexe, passionn\u00e9ment, il aimait les hommes avec qui il partageait ces moments-l\u00e0. Il avait \u00e9norm\u00e9ment de partenaires et avec chacun d\u2019entre eux il avait de vraies relations, un v\u00e9ritable \u00e9change. En somme, il avait rendu au sexe sa<br \/>\ndimension humaine. Il disait que la confiance, contrairement \u00e0 tout ce qu\u2019on disait, \u00e9tait la cl\u00e9. Nous avions longuement parl\u00e9 de cela, nous nous \u00e9tions fait confiance, nous avions fait l\u2019amour sauvagement, dans les toilettes de l\u2019universit\u00e9.<\/p>\n<p>Rentr\u00e9 en France, j\u2019ai pu suivre ses combats sur Facebook, jour apr\u00e8s jour, voir les photos de lui en jockstrap dans la nature, dans des festivals o\u00f9 il revendiquait sa libert\u00e9 d\u2019\u00eatre sexuel. C\u2019\u00e9tait beau. Un peu outrancier, parfois, \u00e0 mon go\u00fbt. Mais admirable. Il avait simplement fait souffler sur toutes les feuilles de vigne le vent de sa fiert\u00e9. Il a \u00e9t\u00e9 en Australie un des acteurs importants du combat pour l\u2019\u00e9galit\u00e9 des droits, pour le mariage pour tous. Il a fait activement la promotion de la PreP - ce qui signifie, dans le jargon m\u00e9dical, Prophylaxie pr\u00e9-Expostion, et en langage humain : miracle. Ce gar\u00e7on s\u2019appelle Steven Spencer.<\/p>\n<p>Je n\u2019avais plus aucune nouvelle de lui depuis plusieurs ann\u00e9es. Il m\u2019avait supprim\u00e9 de Facebook, probablement pour pouvoir accepter d\u2019autres demandes d\u2019amis, populaire comme il l\u2019\u00e9tait, ou parce qu\u2019il ne me remettait pas. R\u00e9cemment, j\u2019ai vu son visage dans un article : malgr\u00e9 l\u2019arsenal th\u00e9rapeutique existant - le malheur aussi a ses miracles, qu\u2019on appelle exception, cas isol\u00e9, faute-\u00e0-pas-de-chance -, il avait \u00e9t\u00e9 contamin\u00e9.<\/p>\n<h3>L'effondrement<\/h3>\n<p>Il \u00e9tait d\u00e9vast\u00e9. Mais il avait eu le courage, fid\u00e8le \u00e0 ses principes, de dire : je suis s\u00e9ropositif. Publiquement. Je n\u2019ai pas son audace, voil\u00e0 pourquoi je ne publie pas ces notes sous mon vrai nom. Je me dis qu\u2019au fond, l\u2019annoncer au monde entier, ce serait faire un \u00e9v\u00e9nement du petit fait d\u2019avaler un comprim\u00e9 bleu tous les soirs. Mais peut-\u00eatre que je m\u2019abuse moi-m\u00eame et que derri\u00e8re cette excuse il y a encore la honte et ses esquives.<\/p>\n<p>Steven \u00e9tait, dans son message, absolument effondr\u00e9, abattu. Il disait : il faut continuer \u00e0 \u00eatre fier, \u00e0 c\u00e9l\u00e9brer nos diff\u00e9rences, notre libert\u00e9. Mais du bout des l\u00e8vres. Quelque chose en lui s\u2019\u00e9tait \u00e9teint. Il y a quelques jours encore, il \u00e9crivait avoir le sentiment de vivre dans une cage avec le virus, il disait avoir peur de devenir fou. Je l\u2019imagine accul\u00e9 contre le mur, devant l\u2019ombre. Je voudrais pouvoir prendre une lampe et dissiper sa peur, le prendre dans mes bras et lui dire : \u00ab n\u2019aie pas peur, ce n\u2019est pas grave, toi aussi tu conna\u00eetras la gu\u00e9rison. \u00bb<\/p>\n<h3>Le cancer du puritanisme<\/h3>\n<p>Aujourd\u2019hui, je m\u2019engage. Je pr\u00eate mes mots - \u00e0 d\u00e9faut de mon visage et de ma voix - \u00e0 la cause pour dire : n\u2019ayez pas peur d\u2019aimer, n\u2019ayez pas honte de partager le plaisir avec les autres. Prot\u00e9gez-vous autant que possible, de la mani\u00e8re qui vous plaira ; prot\u00e9gez les autres toujours, toujours. L\u2019\u00e9pid\u00e9mie, c\u2019est l\u2019\u00e9chec de la grande id\u00e9e de responsabilit\u00e9. Il faut lever l\u2019\u00e9tendard de l\u2019empathie, du soin des autres.<\/p>\n<p>Et puis il faut, avant toute chose, parler : si j\u2019avais eu le courage, il y a trois ans, de dire \u00e0 l\u2019homme avec qui je partage ma vie que j\u2019avais envie de coucher avec d\u2019autres hommes, je me serais senti libre de prendre la Prep, sans doute. Ne c\u00e9dez pas aux injonctions de la honte. Soyez fiers de vos sexualit\u00e9s, de vos revendications du plaisir. Le sida n\u2019est pas le cancer des gays, comme on a pu le dire au d\u00e9but de l\u2019\u00e9pid\u00e9mie. C\u2019est celui du puritanisme, de l\u2019hypocrisie de civilisations bas\u00e9es sur la honte du sexe, sur son encadrement, sur le refr\u00e8nement des pulsions sexuelles.<\/p>\n<h3>La morale et la honte<\/h3>\n<p>Je pense \u00e0 l\u2019instant \u00e0 cette phrase de Montaigne qui me para\u00eet r\u00e9sumer tout cela tr\u00e8s bien :<em> \u201cNous pronon\u00e7ons hardiment : tuer, d\u00e9rober, trahir, et cela, nous n'oserions qu'entre les dents ?\u201d<\/em> Oserions-nous en parler davantage, oserions-nous nommer pr\u00e9cis\u00e9ment et sans vergogne l\u2019acte sexuel, qu\u2019il n\u2019y aurait plus besoin de se cacher - et que les conduites \u00e0 risque, autodestructrices, souvent, et toujours<br \/>\ninduites par la honte, dispara\u00eetraient.<\/p>\n<p>C\u2019est la morale et la honte qui, alors qu\u2019on a les moyens d\u2019endiguer l\u2019\u00e9pid\u00e9mie gr\u00e2ce aux traitements, emp\u00eachent beaucoup d\u2019hommes d\u2019aller se faire d\u00e9pister et le cas \u00e9ch\u00e9ant de se faire traiter. Je ne sais pas, quant \u00e0 moi, si je crois toujours \u00e0 cette id\u00e9e de gu\u00e9rison que le m\u00e9decin formidable m\u2019avait administr\u00e9e pour faire passer l\u2019amertume de l\u2019autre pilule. Mais une chose est s\u00fbre : j\u2019ai gu\u00e9ri de la honte et de la peur du sexe. Ce moment tant redout\u00e9 de l\u2019annonce par le m\u00e9decin, qui m\u2019avait hant\u00e9 toute ma vie et qui m\u2019apparaissait apr\u00e8s chaque rapport sexuel, ne peut plus venir puisqu\u2019il est d\u00e9j\u00e0 arriv\u00e9. Et, puisque d\u00e9j\u00e0 vaincu, je suis invincible.<\/p>\n<div id=\"div-gpt-ad-1621434471533-0\" class=\"ad-slot u-justify-content-center u-margin-b-3\" style=\"display:flex\">\n  <script>\n    googletag.cmd.push(function() { googletag.display('div-gpt-ad-1621434471533-0'); });\n  <\/script>\n<\/div>\n<p><strong>A LIRE AUSSI : <a href=\"https:\/\/tetu.com\/2019\/05\/03\/personne-seropositive-traitement-transmet-pas-vih\/\" data-type=\"post\" data-id=\"0\">C'est confirm\u00e9, une personne s\u00e9ropositive sous traitement ne transmet pas le VIH<\/a><\/strong><\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"MA STORY. Ce dimanche, c'est la journ\u00e9e mondiale de lutte contre le sida. Sacha a toujours cru qu'il \u00e9chapperait miraculeusement au virus, jusqu'\u00e0 ce qu'il d\u00e9couvre sa s\u00e9ropositivit\u00e9... Il raconte comment il l'a accept\u00e9 dans \u00ab\u00a0Ma story\u00a0\u00bb,\u00a0 une rubrique o\u00f9 vous pouvez raconter un \u00e9v\u00e8nement ou une anecdote qui vous a marqu\u00e9 pour le meilleur&hellip;","protected":false},"author":"Sacha Daclez","featured_media":139021,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":{"_seopress_robots_primary_cat":"75","inline_featured_image":false},"categories":[5222,75],"tags":[],"acf":[],"paywall":true,"premium":true,"sponso":false,"imageComposition":"default","imageUrl":"https:\/\/tetu.com\/wp-content\/uploads\/2019\/11\/shutterstock_1425361211-e1575023720351-1024x563.jpg","mainTag":null,"mainColor":null,"postType":"post","relatedPosts":[{"id":334814,"title":"68\u00a0ans de paillettes\u00a0: l'histoire queer de l'Eurovision","paywall":true,"premium":true,"sponso":false,"imageComposition":"default","imageUrl":"https:\/\/tetu.com\/wp-content\/uploads\/2024\/04\/danainternational101_v-fullhd-1024x576.jpg","author":"Marion Olit\u00e9","mainTag":"pop culture","mainColor":"#f2b5a0","postType":"post","youtubeID":null},{"id":334407,"title":"\u00c0 Paris, le Marais perd un nouveau bar embl\u00e9matique","paywall":true,"premium":true,"sponso":false,"imageComposition":"default","imageUrl":"https:\/\/tetu.com\/wp-content\/uploads\/2024\/04\/bar-gay-les-souffleurs-marais-paris-1024x768.jpg","author":"Antoine Allart","mainTag":"Nos lieux","mainColor":"#eb99b0","postType":"post","youtubeID":null},{"id":334396,"title":"L\u00e9galisation de la GPA\u00a0: ferm\u00e9 par Macron, le d\u00e9bat rouvert par ses ministres","paywall":true,"premium":true,"sponso":false,"imageComposition":"default","imageUrl":"https:\/\/tetu.com\/wp-content\/uploads\/2024\/04\/sara-el-hairy-bfm-gpa-large-1024x376.jpg","author":"Nicolas Scheffer","mainTag":"politique","mainColor":"#eb99b0","postType":"post","youtubeID":null},{"id":334392,"title":"Eurovision\u00a0: qui sont les 8\u00a0candidat\u00b7es queers out de l'\u00e9dition\u00a02024","paywall":true,"premium":true,"sponso":false,"imageComposition":"default","imageUrl":"https:\/\/tetu.com\/wp-content\/uploads\/2024\/04\/7_Nemo_Cover_and_Press_0920-Edit-683x1024.jpg","author":"Thomas Pouilly","mainTag":"musique","mainColor":"#f2b5a0","postType":"post","youtubeID":null},{"id":334183,"title":"Nymphia Wind, nouvelle reine de \"RuPaul's Drag Race\", la fiert\u00e9 asiatique en \u00e9tendard","paywall":true,"premium":true,"sponso":false,"imageComposition":"default","imageUrl":"https:\/\/tetu.com\/wp-content\/uploads\/2024\/04\/nymphia-wind-rupaul-drag-race-saison-16-1024x529.jpg","author":"Marion Olit\u00e9","mainTag":"portrait","mainColor":"#f2b5a0","postType":"post","youtubeID":null},{"id":334176,"title":"\"L\u00a0comme lesbienne\", un documentaire sur les chemins de la lesbianit\u00e9","paywall":false,"premium":false,"sponso":false,"imageComposition":"default","imageUrl":"https:\/\/tetu.com\/wp-content\/uploads\/2024\/04\/Capture-decran-2024-04-26-a-17.39.03-1024x569.jpg","author":"Tessa Lanney","mainTag":"streaming","mainColor":"#f2b5a0","postType":"post","youtubeID":null},{"id":334037,"title":"La GPA reconnue comme \"traite des \u00eatres humains\"\u00a0? 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