{"id":146019,"date":"2020-04-23T13:45:32","date_gmt":"2020-04-23T11:45:32","guid":{"rendered":"https:\/\/tetu.com\/?p=146019"},"modified":"2024-02-09T15:51:50","modified_gmt":"2024-02-09T14:51:50","slug":"interview-christiane-taubira-magazine-tetu-mariage-pour-tous-livres","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/tetu.com\/2020\/04\/23\/interview-christiane-taubira-magazine-tetu-mariage-pour-tous-livres\/","title":{"rendered":"Christiane Taubira, ses lectures, ses nuits, ses idoles\u2026\u00a0: l'interview personnelle"},"content":{"rendered":"<h2>Devenue en 2013 l'\u00e9g\u00e9rie de la loi sur le mariage pour tous \u00e0 laquelle elle a laiss\u00e9 son nom, Christiane Taubira revient pour T\u00caTU sur ce d\u00e9bat qui a marqu\u00e9 sa vie politique, mais aussi sur l'apr\u00e8s, ses inspirations, ses lectures, ses nuits\u2026<\/h2><div id=\"div-gpt-ad-1621434409290-0\" class=\"ad-slot u-justify-content-center u-margin-b-3\" style=\"display:flex\">\n  <script>\n    googletag.cmd.push(function() { googletag.display('div-gpt-ad-1621434409290-0'); });\n  <\/script>\n<\/div>\n\n<p>Six ans apr\u00e8s l\u2019adoption du mariage pour tous, alors que s\u2019ouvraient les d\u00e9bats sur la PMA pour toutes, Christiane Taubira signait <em>Nuit d\u2019\u00e9pine<\/em>, son dixi\u00e8me livre, paru aux \u00e9ditions Plon. Un r\u00e9cit fait de souvenirs po\u00e9tiques autour de la tomb\u00e9e du jour, de son amour des nuits ivres de lectures et de r\u00eaveries. En arrivant au bar, Christiane Taubira tombe sur deux anciens membres de son cabinet. Ils se saluent; elle les fait rire, elle les appelle \u201cmes p\u2019tits ch\u00e9ris\u201d. Elle dit&nbsp;: \u201cVous voyez que je ne suis pas si terrible !\u201d<\/p>\n<p><strong><span style=\"color:#4f807b\" class=\"has-inline-color\">&gt;&gt; <a href=\"https:\/\/kiosque.tetu.com\/detail\/publication\/410?issue_id=76240\" data-type=\"post\" data-id=\"0\" data-type=\"URL\" data-id=\"https:\/\/kiosque.tetu.com\/detail\/publication\/410?issue_id=76240\" data-type=\"post\" data-id=\"0\" target=\"_blank\" rel=\"noreferrer noopener\">Interview parue dans le magazine T\u00caTU n\u00b0221 (automne 2019)<\/a><\/span><\/strong><\/p>\n<p>L\u2019ancienne garde des Sceaux a le sourire enj\u00f4leur, les yeux bleus envo\u00fbtants. Elle sait s\u00e9duire \u00e0 l\u2019envi, en vraie lionne de la politique qui a gagn\u00e9 presque tous les combats de sa vie. Elle parle longuement de sa passion des livres comme de celles qui l\u2019ont inspir\u00e9e et fait grandir. Elle raconte cette fois o\u00f9 elle a sem\u00e9 un policier, cette autre o\u00f9 elle a piss\u00e9 debout, comme un gar\u00e7on. On interroge la libert\u00e9, le temps perdu \u00e0 tenter de le rattraper, les regrets d\u2019autres textes de loi qu\u2019elle aurait pu plaider. Elle a, ce jour-l\u00e0, dans ce bar, l\u2019humilit\u00e9 d\u2019une femme que la po\u00e9sie, dit-elle, a rendue invincible.<\/p>\n<h3>Christiane Taubira, vous avez bien dormi ?<\/h3>\n<p><strong>Christiane Taubira : <\/strong>(Rires.) Je dors tr\u00e8s peu, depuis tr\u00e8s longtemps ! C\u2019est une discipline que j\u2019ai acquise \u00e0 mon insu. \u00c0 vouloir tricher la nuit. \u00c0 vouloir s\u2019enivrer de lectures, de musiques\u2026 mon organisme, mon cerveau s\u2019est adapt\u00e9. Mon corps s\u2019est ajust\u00e9. Quand j\u2019\u00e9tais au minist\u00e8re, je dormais deux ou trois&nbsp; heures ! Si j\u2019en dors quatre, je p\u00e8te la forme. La nuit est un espace de libert\u00e9 voulue, conquise et savour\u00e9e. J\u2019ai compris assez vite que je pouvais, la nuit, faire ce que je voulais. J\u2019ai commenc\u00e9 enfant \u00e0 l\u2019occuper. Le premier chapitre de ce livre raconte mes lectures nocturnes et clandestines\u2026 Clandestines parce que je n\u2019avais bien s\u00fbr pas le droit de rester \u00e9veill\u00e9e si tard. Ces nuits avaient une saveur particuli\u00e8re. C\u2019\u00e9tait un danger quotidien. Elles m\u2019ont donn\u00e9 un rapport au risque qui a beaucoup d\u00e9termin\u00e9 mes choix de vie. J\u2019ai compris apr\u00e8s coup, peut-\u00eatre m\u00eame apr\u00e8s sa mort, qu\u2019en r\u00e9alit\u00e9 ma m\u00e8re en \u00e9tait la complice tacite. Je l\u2019ai compris comme on regarde un tableau impressionniste, gr\u00e2ce \u00e0 des choses tr\u00e8s allusives, impr\u00e9cises. Enfant, je ne pouvais pas imaginer qu\u2019elle l\u2019acceptait, compte tenu de sa s\u00e9v\u00e9rit\u00e9, de son exigence face au respect des interdits.<\/p>\n<p><strong>Vous faites aussi la f\u00eate la nuit ?<\/strong><\/p>\n<p>Heureusement ! D\u2019ailleurs, la nuit est un temps de f\u00eate dans presque toutes les soci\u00e9t\u00e9s du monde : rurales, urbanis\u00e9es, celles que l\u2019on dit traditionnelles\u2026 Un temps de f\u00eate et un temps de veill\u00e9e. Des veill\u00e9es mortuaires dont je me souviens bien&nbsp; : on y allait en pirogue, c\u2019\u00e9taient de grands moments de vie collective, sociale. Ce sont toujours aussi des temps d\u2019ouverture \u00e0 l\u2019imaginaire.<\/p>\n<p><strong>La nuit est le temps du r\u00eave, de votre enfance. Le jour, vous \u00e9crivez que \u201cvivre est un exploit\u201d. Est-ce toujours la fa\u00e7on dont vous appr\u00e9hendez l\u2019existence ?<\/strong><\/p>\n<p>En tant qu\u2019adulte, je consid\u00e8re encore que vivre est un exploit. D\u2019abord parce que je ne con\u00e7ois pas que l\u2019on traverse la vie et le temps inconsciemment, de fa\u00e7on banale. En ne sachant pas, le jour \u00e9coul\u00e9, \u00e0 l\u2019or\u00e9e de la nuit, ce qu\u2019on en a fait. C\u2019est une des choses qui m\u2019effraient le plus, de me rendre compte que le temps passe sans rien en faire. J\u2019ai un rapport tourment\u00e9 au temps\u2026 Je n\u2019ai pas peur de vieillir ni de mourir, je m\u2019en fous. Quand je vais voir mon m\u00e9decin, c\u2019est que j\u2019ai vraiment d\u00e9conn\u00e9. J\u2019\u00e9coute trop peu mon corps. Je le pousse \u00e0 bout, mais je le d\u00e9cide. Dans le m\u00eame temps, je tiens \u00e0 r\u00eavasser.<\/p>\n<p>Il n\u2019a jamais \u00e9t\u00e9 question une seconde, quand j\u2019\u00e9tais garde des Sceaux, que je sacrifie les choses essentielles. Comme quand j\u2019\u00e9tais d\u00e9put\u00e9e. R\u00eavasser, lire, font partie de l\u2019essentiel; aller au concert, \u00e0 l\u2019op\u00e9ra, au th\u00e9\u00e2tre, p\u00e9daler en sifflant, font partie de l\u2019essentiel. Je n\u2019ai pas eu une seconde l\u2019id\u00e9e d\u2019abandonner tout cela, mais j\u2019ai d\u00fb am\u00e9nager, sacrifier certaines choses, et \u00e7a ne m\u2019a pas r\u00e9ussi. J\u2019ai empoisonn\u00e9 la vie de mon directeur de cabinet pendant des mois et j\u2019ai fini par comprendre que je ne pourrais pas tenir sans mes habitudes respiratoires. L\u00e9on-Gontran Damas, Aim\u00e9 C\u00e9saire et Ren\u00e9 Char sont ces respirations.<\/p>\n<p><strong>On lit aussi votre admiration pour Toni Morrison ou Maryse Cond\u00e9, que vous connaissez. Les autrices vous ont-elles port\u00e9e davantage que les auteurs ?<\/strong><\/p>\n<p>Sans aucun doute. Ce sont des femmes incontestablement tr\u00e8s engag\u00e9es sur la question f\u00e9minine et la capacit\u00e9 de nos soci\u00e9t\u00e9s \u00e0 nous accepter comme des \u00eatres \u00e0 part enti\u00e8re. Ce n\u2019est pas le f\u00e9minisme que l\u2019on conna\u00eet. Elles offrent des incursions dans des personnages de femmes. Elles habitent ces personnages, elles interrogent leur dimension ontologique. Comment ces femmes-l\u00e0, subissant des couches successives d\u2019oppressions, se posent en tant que sujets. Margaret Garner, dans Beloved de Toni Morrison, d\u00e9cide de tuer sa fille plut\u00f4t que celle-ci subisse l\u2019esclavage. Elle se pose comme sujet, alors qu\u2019elle est esclave, donc l\u00e9galement un meuble. Elle se pose comme sujet de droit, et de droit le plus absolu : celui de disposer de la vie qu\u2019elle a donn\u00e9e.<\/p>\n<p>Dans Moi, Tituba sorci\u00e8re\u2026 de Maryse Cond\u00e9, c\u2019est la m\u00eame chose. C\u2019est une femme qui se dresse et change le cours des choses parce qu\u2019elle affronte le syst\u00e8me de l\u2019esclavage. Elle ne l\u2019affronte pas par de grandes th\u00e9ories philosophiques, elle l\u2019affronte en cassant les paliers de pouvoir. Maryse Cond\u00e9, j\u2019allais suivre ses cours \u00e0 la Sorbonne quand j\u2019\u00e9tais \u00e9tudiante. Nous sommes devenues amies assez vite. Je ris beaucoup aujourd\u2019hui quand elle me passe des engueulades ! Elle et Toni Morrison sont des femmes qui comptent.<\/p>\n<p><strong>Vous parlez aussi de James Baldwin, un auteur noir et gay\u2026<\/strong><\/p>\n<p>Il m\u2019a permis de croiser les tourments, de croiser ces deux&nbsp;tracas qui \u00e9taient extr\u00eamement lourds dans les \u00c9tats-Unis des ann\u00e9es 1960, de les croiser dans la litt\u00e9rature. Lorsque j\u2019\u00e9tais adolescente et que j\u2019ai commenc\u00e9 \u00e0 le lire, j\u2019aimais autant ses essais que ses romans, ce qui \u00e9tait rare \u00e0 cette \u00e9poque de ma vie. Dans ses essais, il traite de l\u2019oppression africaine am\u00e9ricaine. La sexualit\u00e9, il en est question dans ses romans <em>La Chambre de Giovanni<\/em> et <em>Harlem Quartet<\/em>. C\u2019est une voix lumineuse, une irruption de lumi\u00e8re qui, tout \u00e0 coup en pleine nuit, \u00e9claire un vaste champ.<\/p>\n<p><strong>\u00c9tait-il votre premier contact avec l\u2019homosexualit\u00e9 ?<\/strong><\/p>\n<p>Ce qui est \u00e9tonnant, c\u2019est que j\u2019ai s\u00e9par\u00e9 l\u2019homosexualit\u00e9 que je d\u00e9couvrais \u00e0 travers la litt\u00e9rature, de l\u2019homosexualit\u00e9 telle qu\u2019elle \u00e9mergeait par petites touches dans la soci\u00e9t\u00e9 guyanaise de ma jeunesse. Il ne me venait pas \u00e0 l\u2019esprit de faire le lien. La soci\u00e9t\u00e9 guyanaise est un petit monde o\u00f9 le regard est total et lourd. J\u2019ai souvenir, quand j\u2019\u00e9tais enfant, de plaisanteries qui concernaient un homme homosexuel que tout le monde connaissait \u00e0 Cayenne. Nous, enfants, ne savions pas tr\u00e8s bien ce que cela voulait dire, mais nous connaissions le terme \u201canormalit\u00e9\u201d. Il \u00e9tait identifi\u00e9, mais il \u00e9tait aussi compl\u00e8tement dans la soci\u00e9t\u00e9. Il n\u2019\u00e9tait pas agress\u00e9, pas inqui\u00e9t\u00e9. C\u2019est apr\u00e8s, dans ma vie militante, que cette cause m\u2019est apparue essentielle. J\u2019ai toujours estim\u00e9 qu\u2019il n\u2019y a pas \u00e0 cloisonner les combats.<\/p>\n<blockquote class=\"wp-block-quote\">\n<p>\"\u00c7a a de la gueule d'\u00eatre une ic\u00f4ne gay !\"<\/p>\n<\/blockquote>\n<p><strong>\u00c7a fait quoi d\u2019\u00eatre une ic\u00f4ne gay?<\/strong><\/p>\n<p>(Elle pose ses mains sur la table, bombe le torse et sourit. Laisse un silence.) \u00c7a a de la gueule ! Je suis combl\u00e9e. Le nombre de personnes qui me t\u00e9moignent leur affection est \u00e9norme, que ce soit en France ou ailleurs\u2026 Le foutoir que nous ont mis tous les hyst\u00e9riques a fait que la terre enti\u00e8re nous a regard\u00e9s en 2013 ! Partout o\u00f9 je vais, les gens savent, et m\u00eame les personnes homosexuelles d\u2019autres soci\u00e9t\u00e9s. Il n\u2019y a pas tr\u00e8s longtemps, j\u2019\u00e9tais au Burkina Faso, et l\u2019on m\u2019a pos\u00e9 une question dans un amphith\u00e9\u00e2tre bond\u00e9 d\u2019\u00e9tudiants. Une jeune femme me dit que je d\u00e9barque avec ma conception de la libert\u00e9 et que je crois devoir l\u2019imposer au monde. Je dis non, que je sais o\u00f9 je suis, mais je dis que je sais aussi qu\u2019il y a des homosexuels dans leur pays, et qu\u2019ils sont sujets de droit comme tout le monde.<\/p>\n<p>Si, en passant, je baisse pavillon et que, au lieu de dire que ces personnes n\u2019ont aucune raison d\u2019\u00eatre marginalis\u00e9es, d\u2019\u00eatre poursuivies ou sanctionn\u00e9es, je me tais, alors je ne peux me respecter. Je sais alors que je heurte la grande majorit\u00e9 de l\u2019assistance, mais le dis avec respect. Je me souviens d\u2019une autre exp\u00e9rience, lorsque j\u2019\u00e9tais au gouvernement : une r\u00e9union de ministres de la Justice africains. Des mecs, machos\u2026 Nous n\u2019\u00e9tions que deux&nbsp; femmes, avec la ministre du S\u00e9n\u00e9gal, je crois. On me parlait comme si je venais r\u00e9pandre le vice. Ils devenaient fous. J\u2019ai tenu t\u00eate.<\/p>\n<p><strong>Le d\u00e9bat est aujourd\u2019hui \u00e0 l\u2019ouverture de la PMA \u00e0 toutes les femmes. Est-ce une erreur de ne pas l\u2019avoir d\u00e9fendue \u00e0 l\u2019\u00e9poque ?<\/strong><\/p>\n<p>Je l\u2019ai d\u00e9fendue ! Mais je ne l\u2019ai pas obtenue du gouvernement. Il faut savoir qu\u2019il y avait des tensions terribles. Il y avait des gens tr\u00e8s raides. Et le groupe socialiste s\u2019est fendu en deux au moment de l\u2019adoption du principe d\u2019un amendement <a href=\"https:\/\/tetu.com\/tag\/pma\/\" data-type=\"tag\" data-id=\"3047\" data-type=\"URL\" data-id=\"https:\/\/tetu.com\/tag\/pma\/\" data-type=\"tag\" data-id=\"3047\">sur la PMA<\/a>. Pas d\u2019un amendement sur la PMA, mais juste d\u2019un principe\u2026 Il y avait du chantage de d\u00e9put\u00e9s, du style : \u201cJ\u2019accepte le mariage, mais si vous ajoutez la PMA, je ne voterai pas.\u201d Au d\u00e9part, on me disait m\u00eame : \u201cLa soci\u00e9t\u00e9 est tr\u00e8s \u00e9nerv\u00e9e, tu fais juste le mariage, pas l\u2019adoption.\u201d J\u2019ai refus\u00e9, je ne voulais pas d\u2019une r\u00e9forme au rabais.<\/p>\n<p>Mais sur la PMA je voulais absolument des r\u00e9ponses quant au remboursement. On ne fait pas un cadeau empoisonn\u00e9 aux gens. Le gouvernement a bott\u00e9 en touche en saisissant le Comit\u00e9 consultatif national d\u2019\u00e9thique, qui s\u2019\u00e9tait engag\u00e9 \u00e0 remettre son rapport en octobre&nbsp; 2013. Il l\u2019a remis en&nbsp; 2017 ! Quatre&nbsp; ans apr\u00e8s ! Moi, j\u2019ai demand\u00e9 publiquement&nbsp; : le gouvernement est-il pr\u00eat \u00e0 faire deux&nbsp; r\u00e9gimes de PMA diff\u00e9rents, l\u2019un rembours\u00e9 pour les h\u00e9t\u00e9ros, l\u2019autre non ? Le gouvernement est-il pr\u00eat \u00e0 cr\u00e9er deux cat\u00e9gories de citoyens ? J\u2019ai dit que c\u2019\u00e9tait une responsabilit\u00e9 que je refusais d\u2019endosser. Donc le seul regret que j\u2019ai, c\u2019est cette entourloupe du Comit\u00e9 consultatif national d\u2019\u00e9thique.<\/p>\n<p><strong>Six ans c\u2019est long. Certaines femmes auraient pu avoir un enfant \u00e0 l\u2019\u00e9poque, plus maintenant\u2026<\/strong><\/p>\n<p>Je sais. Je n\u2019explique toujours pas aujourd\u2019hui la lenteur du Comit\u00e9. Je l\u2019avais relanc\u00e9, il m\u2019avait donn\u00e9 une nouvelle date soi-disant pour 2014\u2026 Il \u00e9tait important pour moi que ce soit fait correctement, et je pensais que c\u2019\u00e9tait l\u2019affaire de quelques mois.<\/p>\n<p><strong>Fran\u00e7ois Hollande avait reconnu la \u201clibert\u00e9 de conscience\u201d pour les maires qui ne souhaitaient pas c\u00e9l\u00e9brer d\u2019unions de couples de m\u00eame sexe. Vous en parlez aujourd\u2019hui comme d\u2019un \u201cvulgaire camouflage d\u2019intol\u00e9rance\u201d\u2026<\/strong><\/p>\n<p>J\u2019ai entrav\u00e9 les propos du pr\u00e9sident l\u2019apr\u00e8s-midi m\u00eame o\u00f9 il les a tenus. D\u2019abord, j\u2019ai failli tomber de ma chaise. On \u00e9tait une bande de ministres, assis pas loin de lui, au congr\u00e8s des maires. J\u2019ai sabr\u00e9 imm\u00e9diatement. On a dit que je ne respectais pas la parole du pr\u00e9sident, mais je voulais \u00e9teindre l\u2019incendie. J\u2019ai dit aux maires que je saisirais les pr\u00e9fets pour d\u00e9missionner de leur fonction ceux d\u2019entre eux qui n\u2019appliqueraient pas la loi.<\/p>\n<p><strong>N\u2019est-ce pas un manque de courage de sa part ? Lui en voulez-vous \u00e0 ce moment-l\u00e0 ?<\/strong><\/p>\n<p>Je n\u2019en veux pas du tout au pr\u00e9sident. D\u2019abord parce que ce n\u2019est pas mon genre d\u2019en vouloir aux gens. J\u2019accepte les d\u00e9saccords. Et parce que je sais d\u2019o\u00f9 vient sa position : il \u00e9tait un \u00e9lu local qui s\u2019\u00e9tait beaucoup appuy\u00e9 sur ses r\u00e9seaux d\u2019\u00e9lus locaux, qu\u2019il ne voulait pas froisser. \u00c0 ce moment-l\u00e0, je ne juge pas, mais je me dis : \u201c\u00c7a va me compliquer la vie.\u201d Il ne faut pas laisser prendre le brasier. Cela fait un moment alors qu\u2019il y a cette instrumentalisation autour d\u2019une clause de conscience qui n\u2019a pas lieu d\u2019\u00eatre. Ni sur le plan juridique, ni sur le plan \u00e9thique. Je ne fais aujourd\u2019hui pas parti du \u201ccercle\u201d de Fran\u00e7ois Hollande, mais il y a entre nous une relation de respect qui est ancienne et qui dure. Je le connais tel qu\u2019il est, il me conna\u00eet telle que je suis.<\/p>\n<p><strong>Le d\u00e9bat pour le mariage a dur\u00e9 tr\u00e8s longtemps. Depuis, il y a eu une augmentation importante des actes homophobes\u2026<\/strong><\/p>\n<p>On doit remarquer que, depuis la loi, plus de personnes agress\u00e9es portent plainte. Le travail est d\u2019emp\u00eacher, de b\u00e2illonner, la violence. On doit tout mettre en \u0153uvre pour le permettre. On ne peut pas emp\u00eacher les hyst\u00e9riques d\u2019\u00eatre hyst\u00e9riques, mais on doit les punir. Non, on s\u2019\u00e9nerve chez soi si on veut ! On casse ses assiettes, on gueule, on crie sur sa terrasse ! Mais on n\u2019agresse pas. [En septembre], un d\u00e9put\u00e9 UDI a parl\u00e9 de l\u2019homosexualit\u00e9 comme d\u2019un choix. Il faut faire la part de la b\u00eatise dans les discours des gens qui ne cherchent pas \u00e0 comprendre. On marche plus vite que la b\u00eatise. Je me souviens avoir rencontr\u00e9 des gens qui me demandaient des selfies tout en me disant qu\u2019ils allaient manifester contre moi\u2026 Aujourd\u2019hui, et les personnes homosexuelles ont un grand m\u00e9rite l\u00e0-dedans, je ne sous-estime pas non plus l\u2019apaisement qu\u2019il y a dans la soci\u00e9t\u00e9. Je crois qu\u2019il n\u2019est plus possible de tendre autant le d\u00e9bat qu\u2019\u00e0 l\u2019\u00e9poque.<\/p>\n<p><strong>Votre livre est s\u00e9lectionn\u00e9 pour le Grand Prix du roman de l\u2019Acad\u00e9mie fran\u00e7aise. Vous y \u00eates sensible ?<\/strong><\/p>\n<p>Oui, c\u2019est de la joie ! Une joie pour un livre qui vient de sortir dans la profusion de la rentr\u00e9e litt\u00e9raire. Qui plus est, c\u2019est un r\u00e9cit litt\u00e9raire, pas un roman! Alors je suis assez surprise parce que l\u2019Acad\u00e9mie est une institution que tout le monde voit, moi y compris, comme plut\u00f4t raide\u2026<\/p>\n<p><strong>\u00c0 quand un si\u00e8ge parmi les Immortels ?<\/strong><\/p>\n<div id=\"div-gpt-ad-1621434471533-0\" class=\"ad-slot u-justify-content-center u-margin-b-3\" style=\"display:flex\">\n  <script>\n    googletag.cmd.push(function() { googletag.display('div-gpt-ad-1621434471533-0'); });\n  <\/script>\n<\/div>\n<p>Oh, arr\u00eatez vos conneries !<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"Devenue en 2013 l'\u00e9g\u00e9rie de la loi sur le mariage pour tous \u00e0 laquelle elle a laiss\u00e9 son nom, Christiane Taubira revient pour T\u00caTU sur ce d\u00e9bat qui a marqu\u00e9 sa vie politique, mais aussi sur l'apr\u00e8s, ses inspirations, ses lectures, ses nuits\u2026 Six ans apr\u00e8s l\u2019adoption du mariage pour tous, alors que s\u2019ouvraient les&hellip;","protected":false},"author":"Guillaume 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