{"id":167018,"date":"2021-02-05T14:10:36","date_gmt":"2021-02-05T13:10:36","guid":{"rendered":"https:\/\/tetu.com\/?p=167018"},"modified":"2021-11-10T14:50:42","modified_gmt":"2021-11-10T13:50:42","slug":"cookie-kunty-drag-queen-portrait-interview","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/tetu.com\/2021\/02\/05\/cookie-kunty-drag-queen-portrait-interview\/","title":{"rendered":"Cookie Kunty, la queen glamour qui fait vibrer le milieu drag parisien"},"content":{"rendered":"

Si l'on s'int\u00e9resse un tant soit peu au milieu drag fran\u00e7ais, le nom de Cookie Kunty est d'embl\u00e9e \u00e9vocateur. Vous l'avez peut-\u00eatre crois\u00e9e en train d'animer les JeudiBarr\u00e9 au Yono, dans le Marais. Ou bien devenir marraine la bonne f\u00e9e dans le court-m\u00e9trage Beauty Boys<\/em>. Ou, encore, vue dans le documentaire intimiste Queendom<\/em> r\u00e9cemment sorti. Depuis plusieurs ann\u00e9es, cette jeune queen revigore la sc\u00e8ne drag de la ville lumi\u00e8re avec ses prestations aussi \u00e9labor\u00e9es que ses tenues. Et ce n'est que le d\u00e9but.<\/p>\n

Mais avant Cookie, il y a Romain. Et avant Paris, il y eut les Antilles. Originaire de la Guadeloupe, un Romain encore lyc\u00e9en tombe sur la premi\u00e8re saison d'une \u00e9mission alors confidentielle : RuPaul's Drag Race<\/em>. Un coup de c\u0153ur imm\u00e9diat. \"On aimait beaucoup avec ma s\u0153ur,<\/em> confie-t-il. On chopait l'\u00e9mission en t\u00e9l\u00e9chargement ill\u00e9gal parce que ce n'\u00e9tait pas du tout connu du grand public, \u00e7a restait tr\u00e8s obscur\"<\/em>. C'est justement sa s\u0153ur qui s'initie d'abord au drag, partie \u00e0 Nice pour ses \u00e9tudes. \"Et moi, je me suis mis \u00e0 dessiner les drag-queens,<\/em> nous explique Romain. J'avais ce projet fou de dessiner les queens locales pour faire parler d'elles\"<\/em>.<\/p>\n

Pas de bol, cette id\u00e9e audacieuse tombe \u00e0 l'eau. \u00c0 17 ans, Romain \u00e9lit domicile \u00e0 Paris afin de poursuivre des \u00e9tudes de mode. \"Mais j'ai arr\u00eat\u00e9, je ne suis pas all\u00e9 jusqu'au bout,<\/em> pr\u00e9cise-t-il. J'ai fait une sorte de phobie scolaire, je ne m'attendais pas \u00e0 la comp\u00e9tition parisienne. C'\u00e9tait un peu un choc des cultures\"<\/em>. En parall\u00e8le, il suit avec int\u00e9r\u00eat la progression de sa s\u0153ur au sein du milieu drag, sans forc\u00e9ment y cerner un attrait personnel. \"J'avais eu l'occasion qu'elle me mette en drag deux fois mais je trouvais \u00e7a physiquement p\u00e9nible,<\/em> avance-t-il. Puis, je suis rentr\u00e9 dans le milieu de la nuit \u00e0 Paris et j'ai commenc\u00e9 \u00e0 sortir\"<\/em>. C'est le d\u00e9but d'une nouvelle \u00e8re.<\/p>\n

23 janvier 2016. Romain se souvient tr\u00e8s bien de cette date-l\u00e0. Celle o\u00f9 Cookie fait sa premi\u00e8re apparition. Un proche lui avait fait savoir qu'il avait plus de chances de rentrer en club s'il \u00e9tait en drag. Challenge accept\u00e9.\u00a0\"C'\u00e9tait lors d'une soir\u00e9e au Yoyo au Palais de Tokyo,<\/em> assure-t-il. J'avais mis six heures \u00e0 me pr\u00e9parer, j'\u00e9tais affreuse\"<\/em>. La soir\u00e9e avance, la musique bat son plein. S'isolant bri\u00e8vement dans le fumoir, Romain voit une drag-queen s'approcher de lui. \"Elle pointe mon visage et me dit 'mais \u00e7a, c'est du drag, c'est d\u00e9ment ma ch\u00e9rie, il faut que tu continues'\"<\/em>, confie-t-il. Et depuis cette interaction aux airs pr\u00e9monitoires, il n'a jamais arr\u00eat\u00e9.<\/p>\n

Avec le temps, Cookie Kunty trouve son style, largement inspir\u00e9 par l'\u00e2ge d'or hollywoodien et le glam vintage. Mais pas limit\u00e9 \u00e0 \u00e7a. \"Ce qui me pla\u00eet avec le drag, c'est de pouvoir se renouveler sans cesse,<\/em> d\u00e9taille la drag-queen. Et ce qui m'a aussi plu, c'est le contact social. Pas tous les contacts humains \u00e9videmment parce qu'en soir\u00e9e, tu te doutes bien qu'on fait souvent face \u00e0 beaucoup de personnes en \u00e9tat d'\u00e9bri\u00e9t\u00e9 et c'est pas toujours rigolo [rires]\"<\/em>. Mais pour elle, le drag est \u00e9galement un moyen ing\u00e9nieux de se fa\u00e7onner un alter ego\u2026 et \u00e9tablir une s\u00e9paration n\u00e9cessaire entre les deux facettes de son identit\u00e9. Pour se pr\u00e9server soi, et les autres.<\/p>\n

\"Cookie, c'est une extension de ma personnalit\u00e9 mais il faut aussi que je la pr\u00e9serve de moi-m\u00eame,<\/em> nous explique l'artiste. Si je suis fatigu\u00e9 ou que je n'ai pas le moral, il ne faut pas que \u00e7a transperce \u00e0 travers Cookie. Les gens ne sont pas l\u00e0 pour voir \u00e7a\"<\/em>. Une dichotomie qui s'est faite assez naturellement pour la drag-queen. \"J'ai appris \u00e0 mettre assez vite cette distance avec les gens,<\/em> avoue-t-elle. Quand tu me croises en civil, il n'y a pas de raison que tu t'attendes \u00e0 parler \u00e0 Cookie. C'est comme beaucoup de m\u00e9tiers au final : tu peux \u00eatre avocat mais tu n'as pas envie que chaque rencontre que tu fasses tourne autour de conseils juridiques \u00e0 prodiguer. Il faut se laisser du temps \u00e0 soi car le drag, c'est vraiment drainant\"<\/em>.<\/p>\n

Selon les dires de Cookie Kunty, \u00eatre drag-queen n'est pas qu'un m\u00e9tier. C'est aussi un mode de vie. \"Le drag, c'est omnipr\u00e9sent dans nos vies et aucune drag ne pourrait te dire le contraire,<\/em> soutient-elle. Je vis autour de mes perruques qui sont pos\u00e9es sur des t\u00eates, j'ai mes costumes pas loin \u00e0 port\u00e9e de main, j'ai mon maquillage par-l\u00e0 dans un coin\"<\/em>. Il s'agit donc d'un art qui n\u00e9cessite de l'espace, \u00e0 la fois physique mais aussi psychologique. En effet, il faut constamment faire travailler ses m\u00e9ninges pour ne jamais voir sa cr\u00e9ativit\u00e9 faiblir. \"On est sans cesse dans la recherche du prochain num\u00e9ro, du prochain look, du prochain \u00e9v\u00e9nement\"<\/em>, \u00e9voque Cookie, tout en soulignant l'importance de \"se challenger artistiquement\"<\/em>. In\u00e9vitable.<\/p>\n

Depuis une paire d'ann\u00e9es,\u00a0RuPaul's Drag Race<\/em> gagne en popularit\u00e9 suite \u00e0 son arriv\u00e9e fracassante sur Netflix dans notre Hexagone. Gr\u00e2ce \u00e0 la comp\u00e9tition de Mama Ru, l'art du drag se d\u00e9mocratise peu \u00e0 peu. Une avanc\u00e9e louable selon Cookie Kunty, qu'il faut tout de m\u00eame avoir \u00e0 l'\u0153il. \"J'\u00e9tais d\u00e9j\u00e0 en place juste avant que \u00e7a n'explose en France,<\/em> conc\u00e8de-t-elle. Je correspondais \u00e0 ce que l'\u00e9mission proposait donc \u00e7a m'a permis de travailler et ouvert des portes. Mais c'est \u00e0 double tranchant parce que \u00e7a a un peu d\u00e9nu\u00e9 le drag de son sens primaire\"<\/em>. En effet, elle estime que le show a \u00e9lev\u00e9 des \"standards irr\u00e9alistes\"<\/em> sur les drag-queens locales et d\u00e9plore les gros \u00e9v\u00e9nements qui cherchent forc\u00e9ment du drag \"comme on voit \u00e0 la t\u00e9l\u00e9\"<\/em>.<\/p>\n

Sur le plan sentimental, Romain n'est pas certain que l'\u00e9mergence de Cookie dans son quotidien a eu un impact sur sa vie amoureuse, m\u00eame s'il souligne une troublante co\u00efncidence. \"C'est assez dr\u00f4le parce que je fais du drag depuis cinq ans et \u00e7a fait \u00e0 peu pr\u00e8s six ans que je suis c\u00e9libataire donc fais le calcul\"<\/em>, blague-t-il. Cependant, il suppose que son rythme de vie peut se r\u00e9v\u00e9ler \u00eatre un frein c\u00f4t\u00e9 love. \"Je travaille dans le milieu gay,<\/em> dit-il. Et quand je ne travaille pas, je n'ai pas toujours envie d'aller dans les soir\u00e9es, ce qui emp\u00eache peut-\u00eatre un peu les rencontres\"<\/em>. Pour ce qui est de charmer d'\u00e9ventuels pr\u00e9tendants lors de performances sc\u00e9niques, c'est un grand non pour Cookie. \"Je ne me sers pas dans ma client\u00e8le,<\/em> affirme la drag-queen. Ce n'est ni l'endroit, ni le moment\"<\/em>. Un professionnalisme \u00e0 toute \u00e9preuve.<\/p>\n

Pour autant, ce n'est pas l'accalmie sentimentale qui mine Cookie Kunty, mais plut\u00f4t les rapports parfois distendus au sein du milieu drag. \"Au tout d\u00e9but quand j'ai commenc\u00e9, on \u00e9tait tr\u00e8s peu nombreuses donc il y avait vraiment un sentiment de famille et de solidarit\u00e9,<\/em> souligne-t-elle. On s'entraidait vraiment. Mais ce sentiment a un peu p\u00e9riclit\u00e9 avec le temps\"<\/em>. Cela n'emp\u00eache pas les queens hexagonales de se serrer les coudes lors des p\u00e9riodes d\u00e9licates, notamment face au Covid-19. Un aspect primordial pour Cookie, qui n'a pas h\u00e9sit\u00e9 \u00e0 co-organiser des cagnottes \"pour aider des personnes queers qui seraient dans des situations compliqu\u00e9es au vu de la crise sanitaire\"<\/em>.<\/p>\n

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