PrEPVIH : Que penser des cas de contaminations sous PreP ?

Par Jérémy Patinier le 31/10/2016
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Malgré les cas de contaminations de patients au VIH pourtant sous traitement préventif (dit « PrEP »), les spécialistes ne remettent pas en cause son efficacité. Au contraire.

La PrEP est sur toutes les lèvres : après les États-Unis, la France a été le premier pays européen à avoir ouvert et remboursé l’accès au traitement préventif, en janvier 2016.  Il consiste en une prise quotidienne de Truvada - un médicament pour prévenir une infection par le VIH, et d'un suivi médical renforcé.
Fin février 2016 déjà, à Boston, puis en octobre à Chicago, deux cas de contaminations de patients sous traitement préventif ont été annoncés, créant l’émoi dans la communauté gay qui croyait avoir trouvé là un remède infaillible. En effet, les essais scientifiques internationaux assuraient une efficacité redoutable pour ce nouvel outil de prévention : jusqu’à 99% si la PrEP est correctement suivie.   
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Comment expliquer alors les cas de contaminations de personnes sous PrEP ?

- Dans le premier cas, les chercheurs pensent que la PrEP ne s’est pas montrée efficace face à un virus résistant à au moins un des deux composants du Truvada, et ce malgré des niveaux d’adhérence élevés chez ce patient, suivi depuis 24 mois. Les études du virus présentait notamment des mutations de résistance très rares, transmises par un séropositif en échec thérapeutique face au médicament "Stribild".

- Dans le second cas, il s’avère que le patient était contaminé avant son début de PrEP (les tests ont permis de « dater » sa contamination) par un virus multi-résistant aux molécules comme celle comprises dans le Truvada, qui sert aujourd’hui de traitement préventif.

2055 "prépeurs" en France

Aujourd'hui, on a dépassé les 2000 "prépeurs" en France, suivis par plus de 315 médecins. Ce chiffre a presque doublé en 3 mois : on était à 1077 en juillet.
Le Professeur Molina, instigateur de la PrEP en France avec le Dr Gilles Pialoux, a présenté à Glasgow lors d’une conférence, deux cas de séroconversion de patients sous PrEP.

- Selon les tests, le premier patient était séronégatif au commencement de son traitement PrEP mais positif un mois plus tard lors de la visite de suivi. L’investigation de l’antériorité a permis de découvrir qu’il était en fait déjà positif sur le prélèvement initial.

- Pour le second, c’est plus complexe, et encore un peu flou : négatif au test sérologique à l’inclusion dans le programme de suivi, on lui diagnostique une primo-infection au VIH au premier mois. On note surtout la présence d’une mutation du virus, résistant à l'emtricitabine (FTC), l’un des deux composants du Truvada. On ignore encore si elle est due à la prise de PrEP, ou si c’est une souche résistante qui a été transmise au patient.

Les mutations du virus sont bien connues, et depuis longtemps par les personnes séropositives. Rien ne permet de dire aujourd’hui que c’est « à cause de la PrEP » que ces souches ont muté.
Ces personnes sont aujourd’hui sous traitement avec une charge virale indétectable. Aujourd’hui avec l’arsenal médical existant, on ne connait quasiment plus d’échec thérapeutique ou de cas de virus incontrôlable.

Qu’en conclure ?

En plus des méfiances intelligibles sur la toxicité des médicaments, la défiance globale envers les antibiotiques, ou la critique même du principe du traitement qui viendrait en prévention d’un oubli de préservatif, ces cas ébranlent-ils la quasi-certitude scientifique dans l’efficacité de la PrEP ? En aucun cas, disent les experts.
2 cas documentés sur 100 000 "prépeurs aux États-Unis", 2 sur 1898 cas en France, cela reste très marginal, circonstancié à des patients déjà infectés à leur entrée dans le programme mais non détectés. Il faut mettre cela en perspective avec les 2800 gays infectés par an en France (en 2014), soit plus de 8 gays par jour dont 3 à Paris. Avec le préservatif, la PrEP reste l'outil le plus efficace dans la prévention du VIH que nous ayons connu à ce jour.
Le risque zéro n'existe pas car chaque personne réagit avec son organisme et face à des virus qui évoluent, parfois face à des souches très rares. Ce très faible nombre de contaminations prouve même a contrario que la stratégie fonctionne parfaitement quand elle est bien suivie.
Elle est d’autant plus utile qu’elle s’adresse à des personnes ayant rencontré des difficultés à maintenir le préservatif lors de toutes leurs relations sexuelles. Et que c’est cette population qu’il convient de protéger et d’informer plus largement aujourd’hui pour enrayer l'épidémie. La PrEP et son suivi donc, pour ceux qui considèrent en avoir besoin, le préservatif, le dépistage régulier, et la prise de traitement immédiate pour les personnes contaminées : c’est le cumul des ces instruments qui fera baisser le nombre de contaminations, une prévention adaptée à chacun et non-moralisatrice. Surtout que la PrEP ne protège pas des autres infections sexuellement transmissibles (IST) qui sont en nette augmentation chez les gays.

Ces cas de transmission interrogent davantage sur ce qu'on pourrait améliorer dans le suivi PrEP : accès à des tests plus performants, tests de résistance afin de ne pas se sentir protégé à tort, renforcement des dépistages d’IST qui créent des portes d’entrée pour le VIH... (et qui sont un problème en soi), une nouvelle molécule résistante à toutes les souches, une prise plus facile de la PrEP, en injection tous les 3 mois par exemple... Des recherches vont dans ce sens en ce moment...
Mais c'est surtout le dépistage du VIH qu'il faut renforcer, les personnes infectées mettent encore trop longtemps à le savoir : le délai moyen entre l’infection et le diagnostic de séropositivité au VIH reste de trois ans pour les hommes gays.
 

 
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