Vidéo : Faut-il autoriser la GPA encadrée ?

Par Julie Baret le 08/04/2016
débat,Faut-il autoriser la GPA encadrée

Le 1er avril, la question de la gestation pour autrui (GPA) a déclenché un vif débat durant l'émission Ça nous concerne sur LCI, une occasion de peser le pour et le contre...

Faut-il autoriser la GPA encadrée ? Pour répondre à cette question, Valérie Expert a invité sur le plateau de son émission matinale Ça nous concerne Anne-Yvonne Le Dain, députée PS de l’Hérault et co-signataire d’une tribune "Pour l’arrêt immédiat de la gestation pour autrui" parue dans Libération en 2015, qui a déjà manifesté contre la GPA. Elle était assise aux côtés de Caroline Roux, directrice de l’association VITA opposée la légalisation de la GPA, et porte-parole du collectif No Maternity Traffic. Face à elles était installée Maître Brigitte Bogucki, avocate aux barreaux de Paris et de Lille spécialisée en droit de la famille. Celle-ci défend des couples ayant eu des enfants par GPA, étant donné que cette pratique est autorisée dans certains pays. Etait également présent Alexandre Urwicz, président et co-fondateur de l’Association des familles homoparentales (ADFH), lui-même père de deux enfants nés d’une GPA aux Etats-Unis.

Vers une marchandisation du corps ?

Le débat s’est ouvert sur une proposition soumise au Parlement européen, et finalement rejetée à 16 voix contre 14, pour l’encadrement de la GPA dite altruiste. Sans contribution financière pour la mère porteuse, cette disposition visait à neutraliser les critiques de marchandisation du corps - de l'enfant et de la mère - qui circulent contre la GPA. Une opinion partagée par Caroline Roux et Anne-Yvonne Le Dain. En effet, si la première critique une disposition qui selon elle "considère les enfants comme des robots" en vertu d'un "contrat", la seconde s’insurge du traitement de la femme porteuse de l’enfant dans le cadre d’une GPA.

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Anne-Yvonne Le Dain

D’après la député PS, la GPA prenant généralement forme entre un français riche capable de débourser près de 100 000 € et une femme pauvre rémunérée entre 4 000 et 20 000 € selon les pays, alors la gestation pour autrui n’est autre qu’une "lutte des classe réinventée" où :

Le fort gagne à chaque fois. Celui qui a les moyens financiers, qui a les moyens juridiques, qui a les moyens moraux, les moyens médiatiques gagne à tous les coups. Le faible n’existe plus. C’est la lutte des classes réinventée. (…) Et comme par hasard c’est toujours les femmes qui paient. La marchandisation du corps des femmes, c’est la prostitution libre avec des escort girl.

Anne-Yvonne Le Dain dénonce également les "risques biologiques forts" pris par la mère porteuse pour les couples commanditaires. Elle mentionne à ce sujet les nombreuses difficultés notamment médicales que peut rencontrer une femme pendant ou à l’issue d’une grossesse, comme des "maladies endocriniennes, du diabète, des cancers hormonaux qui peuvent se déclencher après la maternité, une fois qu’elle est payée et qu’elle est partie".
La député PS prend d’ailleurs pour exemple le cas de l’Inde, où un nombre important d'accouchements donnent lieu à une césarienne, dans des conditions difficiles, et où la GPA s'inscrit dans des réseaux d'esclavagisme donnant lieu à des "fermes à femmes".
Une position qui n'empêche pas Anne-Yvonne Le Dain d'être strictement opposée à la GPA altruiste, pourtant sans échange financier, car elle trouve "pathétique" que seule la mère porteuse ne soit pas rémunérée.

Des gardes fous nécessaires pour éviter les dérives

Ces différents arguments sont néanmoins contestés par Alexandre Urwicz, le président des familles homoparentales. Ce dernier rappelle effectivement que, déjà lors de l’application de la convention de La Haye régulant l'adoption à l’échelle internationale en 1993, nombre de détracteurs y décelaient un "trafic" voire un "achat d’enfant".

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Alexandre Urwicz

Il présente également l'exemple des essais thérapeutiques, où un individu est "payé 4000€ pour prêter son corps pour enrichir un laboratoire pharmaceutique", une pratique que la France est parvenue à encadrer pour en éviter les dérives. D’après lui, lutter contre la marchandisation du corps nécessite de poser plusieurs gardes fous.
Alexandre Urwicz mentionne à ce sujet l’exemple nord-américain, où seul 4% des candidates sont retenues pour être gestatrice. Est en effet examiné leur situation familiale et financière : ces femmes doivent ainsi avoir abouti leur projet parental, n'avoir jamais perdu d'enfant, et présenter un taux d'endettement faible. De plus, ces femmes sont volontaires et largement soutenues et considérées par leur entourage. Le président de l’association des familles homoparentales cite à ce propos la mère ayant porté ses deux enfants, qui est infirmière, mère de famille, et dotée d'une très belle situation. D’après lui, les mères porteuses sont "des femmes exceptionnelles" qui apportent la vie, et s'il milite pour l'encadrement de la GPA en France, c'est parce qu'il est conscient des dérives occasionnées dans certains pays :

Soit on continue comme l’autruche qui ne voudra rien regarder, avec des drames humains qui vont venir sur notre sol, soit on essaie de protéger, d’encadrer, de faire en sorte que toutes les parties prenantes soient protégées.

Il est en ce sens rejoint par maître Brigitte Bogucki, qui rappelle qu’aux Etats-Unis une mère porteuse a son propre avocat, distinct de celui de la famille. D’après elle :

Tout l’intérêt d’encadrer une loi c’est justement d’éviter les dérives.

Maître Brigitte Bogucki mentionne d’ailleurs les "problèmes juridiques insolubles" provoqués par la non-autorisation de la GPA en France, une gestation qui concerne pourtant 400 nouveau-nés par an dans le pays. Elle dénonce en effet l’absence de suivi juridique de la procédure, mais surtout l'existence d’enfants "apatrides (...) sans base juridique solide". Elle rappelle ainsi qu'à l'inverse, l’Angleterre, la Grèce et les Etats-Unis ont eux mis en place une GPA encadrée par des règles et une structure, permettant d’accomplir une "GPA juridique avec un minimum d’éthique".

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Brigitte Bogucki

Garantir le "droit à l’enfant"

Maitre Brigitte Bogucki argue également en faveur de la GPA en vertu du "droit à l’enfant" qui, en France, accorde le droit d’avoir un enfant, malgré une infertilité physiologique :

A partir du moment où physiologiquement vous avez un problème qui vous empêche d’avoir un enfant, (...) on considère que vous avez le droit – remboursé par la sécurité sociale, aidé par la société – d’avoir accès à une procréation médicalement assistée. Parce que vous êtes un homme et que vous êtes atteint d’aspermie, parce que vous êtes une femme et que vous n’avez pas la capacité d’avoir un enfant pour beaucoup de raisons très complexes, vous avez le droit, selon certaines conditions juridiques, d’avoir recours à l’aide médicale pour avoir un enfant. (Un enfant) qui va être un enfant avec donneur de sperme, un enfant avec don d’ovocytes, et qui va être considéré ensuite comme étant votre enfant à vous, couple, sans se poser de questions sur l’origine ou l’identité. (…) A partir du moment où on a créé ça, on a créé le droit à l’enfant.

Une prise de position contestée par Anne-Yvonne Le Dain selon qui les efforts devraient aller en direction de la recherche contre l’infertilité. La député PS va même jusqu’à affirmer que l’infertilité est "une forme d’infirmité", qui ne devraient pas obtenir de secours médical puisqu’elle ne menace pas la vie de l’intéressé(e)… Pis encore, les propos tenus par Caroline Roux qui rappellent tristement les arguments maintenus au cours de la "Manif pour tous" :

Est-ce qu’un enfant a intérêt à naître par GPA ? Il a pas intérêt à avoir une maternité éclatée entre une donneuse d’ovocytes, entre une mère porteuse, entre une troisième femme qui va l’élever – ou pas du tout de femme qui va l’élever d’ailleurs – et là c’est pas l’intérêt de l’enfant. (…) On est tous nés d’un père et d’une mère.

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Caroline Roux

Une dérive finalement battue en brèche par l’intégralité du plateau, Anne-Yvonne Le Dain et Alexandre Urwicz assurant que les enfants né d’une GPA "vont très bien", d’autant qu’"ils n’écoutent pas souvent Radio Vatican", comme l'a souligné Alexandre Urwicz... Un point de vue également réaffirmé par un tweet reçu en cours d’émission, rappelant que "l’intérêt de l’enfant c’est de grandir au sein d’une famille aimante !"

55% d'opinion favorable à une GPA encadrée

En 2014, un sondage réalisé par l’Ifop révélait que 55% de la population française était favorable à l’encadrement de la GPA. A l'issue de l'émission, la présentatrice Valérie Expert a révélé des scores identiques concernant un sondage diffusé sur Twitter par l'émission, où à la question "Etes-vous pour ou contre la GPA ?" 56% des internautes ont répondu "oui", sur 118 votes.
Aujourd’hui, aucun des pays ayant adopté l’autorisation de la gestation pour autrui n’est revenu sur sa décision. La GPA "altruiste" est actuellement pratiquée en Grèce et en Angleterre.
https://www.facebook.com/canousconcerne/videos/1684474435146052/
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