Le 25 avril au Bangladesh, deux hommes ont été tués par des assaillants hurlant "Allah akbar" ; ils travaillaient pour le seul magazine LGBT du pays.
L’attaque a eu lieu lundi 25 avril, vers 17 heures. Cinq jeunes hommes se font passer pour des coursiers et pénètrent dans un immeuble du quartier de Kalabagan à Dacca, la capitale du Bangladesh.
Ils entrent alors dans un appartement du 2ème étage et tuent deux hommes à coups de machette, comme le précise le porte-parole de la police de Dacca ; une troisième personne est également blessée durant l’attaque.
Deux militants pour les droits des homosexuels assassinés
Si la police ne révèle pas l’identité des victimes, elles sont rapidement identifiées par les associations LGBT. En effet, des organisations de défense des droits des homosexuels ont confirmé à l’Agence France Presse (AFP), que l’une d’entre elles était Xulhaz Mannan, l’éditeur du magazine Roopbaan, le seul média bangladais s’adressant à la communauté gay et trans du pays.
La seconde victime serait un ami de Xulhaz Mannan, connu dans les médias sous le nom de Tanay Mojumdar, et travaillant lui aussi pour le magazine en tant que membre de son comité exécutif.
Les deux hommes, ouvertement gay, semblent avoir été assassinés pour leur engagement en faveur des droits LGBT.
L’éditeur Xulhaz Mannan avait auparavant occupé le poste d’agent de protocole à l’ambassade américaine du Bangladesh, et l’actuelle ambassadrice des États-Unis dans le pays a exprimé sa colère contre cet assassinat :
Je suis dévastée par le meurtre brutal de Xulhaz Mannan et d’un autre jeune Bangladais. Nous exécrons cet acte de violence insensé et nous exhortons, dans les termes les plus forts, le gouvernement du Bangladesh à appréhender les criminels à l’origine de ces meurtres.
Roopbaan, premier et unique média LGBT du pays
Dès le lancement de Roopbaan, Xulhaz Mannan avait décrit le magazine comme "un grand bond en avant pour la communauté LGBT dans le pays", ajoutant que "la raison principale de cette publication est de promouvoir l’amour. Promouvoir l’amour et promouvoir le droit d’aimer. Le public de l’amour est gigantesque et c’est pour lui (ce magazine, ndlr)".
Depuis janvier 2014, Roopbaan est ainsi le premier et l’unique magazine LGBT du Bangladesh, œuvrant pour la tolérance envers les Bangladais homosexuels et trans victimes de nombreuses formes de discrimination dans un pays très conservateur à majorité musulmane.
Néanmoins, et bien que l’homosexualité reste illégale au Bangladesh, le gouvernement n’avait pas condamné l’initiative, et le magazine recevait même le soutien de certaines ambassades étrangères.
Depuis 2014, Roopbaan organisait également le "Rainbow Rally", une marche des fiertés voulant promouvoir la tolérance envers la communauté LGBT. Cette année l’évènement avait cependant été annulé par les forces de l’ordre, lesquelles avaient invoqué des raisons de sécurité.
Des raisons de sécurité expliquant également que les journalistes travaillant pour ce média ne dévoilaient pas leur identité, craignant des représailles. Un des membres de l’équipe a d’ailleurs affirmé à l’AFP qu’il avait récemment reçu des menaces de la part de groupes islamistes ayant "créé un groupe en ligne pour (les) menacer" anonymement. Et d'après des témoins de la scène interrogés par la chaîne locale Jamuna, les assassins de Xulhaz Mannan et Tanay Mojumdar aurait crié "Allah akbar" (comprendre "Dieu est grand") durant l’assaut.
La menace des extrémistes religieux
Depuis plusieurs mois, le Bangladesh est en effet le théâtre de violentes attaques perpétrées contre des écrivains et bloggeurs laïcs, ainsi que contre des membres de minorités religieuses, notamment les musulmans chiites, soufis ou ahmadis, les chrétiens et les hindous.
Samedi 23 avril, deux jours seulement avant le double meurtre de Xulhaz Mannan et Tanay Mojumdar, un professeur de l’université publique de Rajshahi a lui aussi été abattu à coups de machette "pour avoir appelé à l’athéisme" ; il est le quatrième professeur de cette université a avoir été assassiné.
Un crime sauvage revendiqué par l’État Islamique dans un communiqué, mais que le gouvernement bangladais identifie à d'autres "meurtres isolés" commis par des "insurgés locaux (qui) mènent des attentats en instrumentalisant le nom de l’EI", comme l’a expliqué lundi le ministre de l’Intérieur Asaduzzaman Khan.
Une constitution laïque mais un climat hostile
Malgré la constitution laïque du Bangladesh, le climat semble donc extrêmement hostile contre les libre-penseurs et les combattants des libertés.
Un photographe britannique ayant rencontré Xulhaz Mannan et Tanay Mojumdar explique ainsi à la BBC la dégradation de la situation au Bangladesh :
Jusqu'à il y a un an, la seule menace du coming-out était la honte sur la famille et le fait d'avoir à commencer une nouvelle vie en dehors du Bangladesh. Maintenant c’est un danger.