"Elle" incarne le mythe Huppert

Par Jérémie Lacroix le 28/05/2016
elle Isabelle Huppert

Isabelle Huppert est actuellement à l'affiche de Elle, un thriller amoral et déconcertant, qui entretient le mythe autour d'une comédienne emblématique.

Elle, présenté en compétition officielle au festival de Cannes, est le dernier film du réalisateur néerlandais Paul Verhoeven. Ce dernier est notamment connu pour avoir réalisé en autres des films cultes tels que Total Recall avec Arnold Schwarzenegger en 1990 et Basic Instinct avec Sharon Stone en 1992. Elle est l'adaptation du roman Oh... de Philippe Djian.
On ne présente plus Isabelle Huppert, l'une des plus grandes comédiennes du cinéma français, à la carrière particulièrement prolifique. En plus de 110 films en quarante ans de carrière, celle qui a débuté dans César et Rosalie de Claude Sautet en 1972, a construit un véritable mythe autour d'elle : le mythe Huppert.
Dans Elle, Isabelle Huppert incarne Michèle, chef d'entreprise à la tête d'une société de jeux vidéo. Mère divorcée, elle dirige son entourage et sa société avec la même fermeté. Son univers semble basculer le soir où elle est violée par un inconnu dans sa propriété. Cependant, celle qui a été traumatisée dans son enfance par les meurtres en série perpétués par son propre père ne réagit pas comme l'aurait fait une femme soumise à pareille épreuve. En effet, s'installe entre elle et son bourreau un jeu pervers et dangereux.

Une formidable synthèse de ses rôles les plus emblématiques

En écrivant son roman, dont est tiré le film, Philippe Djian s'était inspiré de la figure d'Isabelle Huppert pour son personnage principal. Pourtant, Paul Verhoeven pensait initialement confier le rôle à une actrice américaine, comme il l'indiquait mercredi au micro d'Augustin Trapenard sur France Inter. Aucune actrice outre-Atlantique n'a toutefois osé accepter le rôle de Michèle, lequel débute par une scène de viol. Cette frilosité hollywoodienne nous a permis, une nouvelle fois, de redécouvrir le talent d'Isabelle Huppert pour des rôles de femmes blessées, froides et intransigeantes.
Ce rôle sera peut-être l'un des plus marquants de la carrière de l'actrice, ou du moins une formidable synthèse des personnages les plus emblématiques de sa filmographie. On retrouve par exemple la force et la détermination qui l'animent malgré un handicap comme dans Abus de faiblesse (2013) de Catherine Corsini. On reconnaît également chez Michèle le plaisir masochiste et la rapport pathologique à la sexualité qui caractérise le personnage d'Erika dans La Pianiste (2001) de Michael Haneke.
Enfin, Isabelle Huppert réussit même dans le registre dramatique à nous faire rire, plongeant le spectateur dans le malaise et l'amoralité qui imprègnent le film du début à la fin. Ce mélange, entre suspense et humour, naît de l'absurdité du comportement de la protagoniste qui réagit systématiquement à l'opposé de ce à quoi s'attend le spectateur.