Interview : Dim Sum : "Orlando, Manif pour tous… l’actualité nous rappelle qu’il faut être vigilant"

Par Julie Baret le 03/07/2016
Dim Sum interview

TÊTU a rencontré le duo d’électro français Dim Sum dont le nom a fait le tour du globe grâce au single ensoleillé et pétillant « High Love ».

Décidemment, l’électro made in France regorge de duo talentueux. Parmi eux, Dim Sum a su tirer son épingle du jeu en proposant une disco-house joyeuse et envoûtante, innervée de leurs influences pop, rock et funk.
Après « Coucou disco », un premier EP remarqué sorti en 2014, le duo signe le single « High Love » qui se hisse à toute vitesse au top des plateformes de streaming et de téléchargement. Bande sonore de plusieurs spots publicitaires et du Victoria Secret Fashion Show, le titre rencontre un succès international, avant d’être mis en image dans un clip officiel dévoilé au mois de mai.
Entre temps, les garçons de 34 et 35 ans sont également passés maître dans l’art du remix qu’ils ont manié à merveille sur les titres de Christine and the Queens, Foster The People, Odesza et bien d’autres.  
Nous les avons rencontrés alors qu’ils travaillent sur leurs prochaines compositions.
J'ai trouvé peu de choses sur votre vie privée. Un coup on vous dit Normands, un coup Parisiens...

Thierry : Alors les deux sont vrais. En fait on est tous les deux originaires d’Evreux en Normandie. Romain maintenant est à Paris, et moi je suis à Rouen. Donc il y a bien un Parisien et un Normand !
Romain : Et on se connait depuis super longtemps puisqu’on s'est rencontrés au collège à Evreux.
Thierry : Il y a cinq ans donc ! (rires)
Romain : Voilà à peu près ! C'est là qu'on a commencé à faire de la musique ensemble et à devenir pote. Et après, bah voilà, on a bifurqué un peu dans différentes villes. Mais Evreux c'est juste à côté de Paris en fait, et Rouen c'est proche des deux villes.

Comment ça se passe la composition à quatre mains du coup ?

Thierry : A quatre mains ? A deux ordinateurs plutôt ! Comme on est pas dans la même ville on s’envoie les idées comme ça. On se voit quand même très très souvent mais on collabore beaucoup grâce à internet. On s’est monté à peu près le même set-up pour avoir des allers-retours hyper simplement. Après on aime aussi se retrouver tous les deux pour finaliser les projets.
Romain : Oui voilà on commence chacun de notre côté au gré des idées qui viennent puis on se retrouve toujours pour finaliser en studio chez Thierry qui est lui un vrai ingénieur du son de formation. C’est là quand on est ensemble qu’on va faire les prises live parce qu’on aime bien mettre de vrais instruments sur nos morceaux – notamment la guitare – et faire les prises de voix.

Dim Sum interview
Vous vous rappeler du premier morceau que vous avez joué ensemble ?

Romain : Moi je m'en souviens !
Thierry : C'était un Nirvana ou un truc comme ça ?
Romain : Oui je crois que c'était une reprise de Nirvana, et ça devait surement être Smells Like Teen Spirit ! Parce que nous on est venus à la musique par le rock en fait. Moi je suis guitariste, Thierry a pris la basse, et notre troisième meilleur ami de l'époque était batteur donc on a vite monté un groupe. Pour apprendre la musique il n'y a rien de tel que de faire des reprises de groupes qu'on aime, et nous on était à fond Nirvana. Notre premier concert ensemble c'était une fête de la musique dans le centre-ville d'Evreux et on faisait des reprises de Nirvana et d'autres groupes dans ce genre-là.

Comment êtes-vous arrivez du rock à la disco-funk ensoleillé qu'on vous connaît aujourd'hui ?

Thierry : L’histoire c'est qu'on n’avait plus de batteur, donc on avait monté un projet en deux-deux. Parce qu'au départ le premier groupe qu'on avait monté où on était trois, et puis un jour on s'est dit que ça pourrait être cool de faire un peu de zik sans batterie, à base de programmation. Et à l'époque c'était pas encore super fréquent donc il y avait un petit côté challenge et nouveau pour nous qui était vraiment intéressant.
Romain : Oui parce qu'on maîtrisait pas du tout.
Thierry : Et en fait c'est venu comme ça. Et puis après, petit à petit, on a appris à le faire. Et pourquoi aussi ensoleillé ? Parce qu'on en manque un petit peu en Normandie !
Romain : Et d’ailleurs, même si notre premier titre d'électro avait des grosses influences disco, il était quand même bien plus disco-rock ou électro-rock. Et de fil en aiguille, notre son s'est arrondi, on a enlevé un peu la saturation pour arriver sur des motifs plus funky. Et après, bien-sûr, dans notre son il y a forcément des influences de la french touch, de Daft Punk, de Justice aussi même si moins maintenant, qui faisaient le pont entre le rock et la musique électronique.

C’est vrai que quand on vous écoute on a très envie de vous comparer aux Daft Punk. Vous en pensez quoi ?

Thierry : Bah c’est flatteur ! Comme disais Romain c’est une de nos influences, c’est un groupe qui nous a marqué. Parce qu’on a grandi un petit peu avec les Daft Punk : le premier album ça a été une grosse claque pour nous.

Outre la notoriété ça serait quoi votre plus grosse différence avec les Daft Punk, mais aussi votre point commun ?

Thierry : Point commun c’est qu’on est deux. Différence c’est qu’on montre un petit nos têtes !
Romain : Différence avec les Daft Punk mhm… Alors, même si sur leur dernier album ils sont arrivés à des choses encore plus pop, nous peut-être qu’on assume un peu plus les voix moins robotiques. C’est vrai que le premier titre qu’on a sorti avec Dim Sum, « Coucou Disco » était très clairement influencé Daft Punk. Mais c’était en même temps totalement assumé donc aucun problème avec ça. Et sur notre deuxième titre « High Love » qui est notre single actuel, on a travaillé avec une chanteuse qui a beaucoup de soul dans la voix. A la fois on a travaillé sa voix de manière électronique mais on la laisse aussi bien naturelle et en avant. Donc ça pourrait être une autre différence avec les anciens titres des Daft Punk, parce que sur les derniers titres ils sont revenus à quelque chose de beaucoup plus organiques.

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Vous avez rencontré une grande notoriété grâce à « High Love » justement, à la fois sur le web mais aussi à l’étranger comme en bande son de la pub australienne Yoplait. Comment vous voyez l’impact du web sur votre carrière aujourd’hui ?

Romain : Je dirais que notre carrière elle est presque essentiellement web en fait. C’est ce qui fait l’existence du groupe et c’est génial parce qu’ « High Love » on ne s’attendait pas à ce qu’il ait un tel succès et un succès international en plus. Ça tu ne peux l’avoir que grâce au web et notamment aux plateformes de streaming, c’est ça qui est génial. Nous, la première plateforme où on a posté le titre c’était Soundcloud puis ensuite auprès des blogs. Les blogs sont un peu les premiers médias qui peuvent te faire des retours sur un titre et déclencher l’effet boule de neige parce qu’ils sont libres, qu’ils postent des titres qu’ils aiment, peu importe la notoriété du groupe. Donc c’est parti de là puis c’est arrivé sur les plateformes plus généralistes comme Spotify, Deezer, Apple Music… Et on voit aujourd’hui qu’on nous écoute un peu partout dans le monde, et ça c’est grâce au web. C’est génial pour nous de voir ces retours-là. On n’est peut-être pas un groupe à 100% web mais c’est primordial pour nous.

Mais alors est-ce qu’on aura la chance de vous revoir sur scène ?

Romain : Alors la prochaine date est à Evian.
Thierry : Le 14 juillet !
Romain : Dans le cadre d’un festival électro. Jusque là on a pas mal tourné avec « High Love », on a fait beaucoup de soirées Kitsuné, on a joué à Paris au Badaboum en première partie d’A-WA, on a fait pas mal de super villes en France et là notre tourneur travaille sur la suite pour la rentrée de septembre.

Et vous travaillez sur quoi en ce moment ?

Thierry : La suite ! Les prochains titres, prochaines sorties. Justement on va profiter un peu des liveet de l’été pour produire de nouveaux titres.
Romain : On a déjà un titre original avec la même chanteuse que celle d’« High Love » – parce qu’on a vraiment eu un super feeling quand on s’est retrouvé en studio avec elle donc on a envie de continuer cette collaboration –  qui est terminé. Et puis pas mal d’autres titres sur lesquels il faut qu’on se penche sérieusement et très rapidement. On aimerait bien revenir avec un nouveau single accompagné d’autres titres originaux dans un format un peu plus long comme un EP.
Ce qui est bien c’est qu’on est sur un créneau musical électronique donc on sort aussi régulièrement des remixes ce qui permet d’entretenir une actu entre les sorties de titres originaux. Donc là dernièrement on a sorti beaucoup de remixes pour des groupes français très cool. Ce qui est bien avec cette musique c’est que ça permet de faire des rencontres. Là on a un remix qui va sortir pour le groupe français Employee of the Year et aussi pour le groupe de pop-indé de new wave We Are Knights qui revient avec un nouvel EP. On vient aussi de faire un remix pour un groupe très cool qui s’appelle Poom avec le titre « Qui Es-Tu » qui tourne très bien sur le web.
Nous on adore travaillé sur des voix déjà existantes, et on essaie de s’approprier à fond les remixes. Au final on a presque l’impression que c’est un titre à nous, même si c’est un remix.

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C’est vrai que vous avez fait des reprises très connus comme celles de Christine and the Queens. Comment ça se passe dans ces cas-là ? Vous rencontrez les artistes ? Vous discutez de la reprise ?

Thierry : Ça dépend des cas.
Romain : En fait Christine and the Queens ça s’est fait par notre éditeur – qui est un peu le troisième membre du groupe Dim Sum – qui avait des amis chez Because Music. Et quand le titre « Saint Claude » est sorti, avant que ça cartonne, on l’a toute de suite énormément appréciée donc on s’est rapprochés d’eux sans avoir de rapport direct avec elle. Mais au final le remix leur a plu et même Radio FG l’a fait tourner. Il y a beaucoup de gens qui nous connaissent à la base pour ce remix-là. Et la notoriété se développant, tous les derniers artistes dont j’ai parlé c’est leur manager qui est venu nous trouver. Donc il y a davantage d’échange sur ce qu’ils aimeraient mais aussi ce que nous on propose. Par exemple on a fait un remix pour un artiste qui s’appelle Yanis avec son premier single « Hypnotised », et derrière ça a déclenché une date au Wanderlust avec eux. Mais bon le mieux c’est quand on leur envoie notre première version et qu’ils disent « ouais super ! » (rires)

Comment vous définiriez votre style musical à vous ?

Romain : Futur disco ?
Thierry : Ah oui rien que ça ! (rires)
Romain : Non parce qu’en ce moment il faut mettre « futur » partout donc je m’étais dit pourquoi pas ! Non c’est vrai qu’on a des influences de bases très facile à identifier : la house et le disco. Après je pense que ce qui fait l’originalité de notre son c’est cette identité indie-pop. On le voit dans les chroniques qu’on a sur les blogs où on nous cite du Phoenix en références et des choses comme ça qui sont pas forcément des groupes d’électro pur. Et ça se ressent aussi beaucoup dans les remixes car les groupes qui font appel à nous sont souvent indie-pop et ce qu’ils aiment bien c’est dans notre travail c’est qu’on conserve le côté très pop de leur voix et qu’on garde cette structure couplet-refrain qui est clé dans la pop et qu’on aime beaucoup. Je dirais que c’est ce qui nous démarque de l’électro-house et du new disco pure.
Thierry : On pourrait dire futur-indie-pop-house ! (rires)

Aujourd’hui on est quelques jours avant la Marche des fiertés de Paris. C’est quoi votre position concernant les questions LGBT ?

Romain : Je t’avoue que ça n’est pas forcément une question qu’on se pose parce que pour nous il n’y a pas d’avis à avoir sur l’orientation sexuelle et sur ces choses-là. On a des amis gays, on ne se pose pas forcément la question, même si l’actualité nous montre que rien n’est gagné et qu’il faut toujours faire un peu de pédagogie. Mais c’est vrai que nous, au quotidien, on a pas cette impression-là. Nous on fait une musique d’influence house music qui est très populaire au sein de la communauté gay donc on a toujours évolué dans un milieu très ouvert, avec des gens de toutes horizons.

Tu parles de l’actualité, tu penses à Orlando ?

Romain : Oui en effet, ce sont des évènements qui font que tu te dis naïvement que « oui tout va bien ». Alors que non. Là il y a eu Orlando, mais avant c’était la Manif pour tous. Nous on a une certaine naïveté par rapport à ça. Mais on se rend compte par l’actualité qu’il y a des gens qui pensent de manière totalement hors du temps et donc ça nous fait réfléchir. Ça nous rappelle qu’il faut être vigilant. Si jamais on tombe sur des gens qui ne sont pas forcément très ouverts, il faut essayer de leur expliquer les choses.

Dim Sum interview
Vous en tant qu’artistes vous estimez que vous avez un rôle à jouer ou au contraire que non  ?

Romain : Nous on fait une musique qui véhicule des valeurs comme l’ouverture, la danse, le partage… Donc j’ai l’impression que notre musique parle d’elle-même. Quand on joue en club on se soucie pas de connaître l’orientation sexuelle des personnes qui dansent devant nous bien évidemment. Nous le problème c’est de faire que les gens dansent ensemble et puis voilà. Et on n’est pas amené si souvent que ça à prendre la parole mais là c’est une occasion et c’est très intéressant. Mais je pense que notre musique parle d’elle-même : c’est des positives vibes ! Tout le monde s’aime et c’est cool. Ça parait un peu naïf mais en même temps c’est la base.

C’était quoi le message de « High Love » en parlant de ça ?

Romain : C’était une chanson d’amour. Ce qu’on aime bien avoir dans notre musique – même si on nous fait souvent ce retour comme quoi c’est une musique très ensoleillée et c’est vrai – c’est une certaine mélancolie et une certaine ambiance qui n’est pas non plus que premier degré. L’idée de ce titre c’est l’histoire de quelqu’un qui a toujours en tête un visage et qui le voit partout, même dans les nuages. Ça évoque les difficultés d’aimer et de ne pas forcément être aimé en retour, et ces choses-là c’est un thème universel qui peut parler à tout le monde. Nous ça nous parle.

Pour finir, est-ce que vous auriez un petit message pour les lecteurs de TÊTU ?

Romain : Et bien on espère vivement les croiser sur une date, en club ou à un live ! Et s’ils ne nous connaissent pas j’espère que ça leur donne envie d’aller découvrir notre musique. Nous on est à fond sur Facebook et sur tous les réseaux sociaux.
Thierry : Il y a un abonnement à TÊTU ?

Non nous ne sommes qu’en ligne aujourd’hui ! Mais en revanche on a une newsletter.

Thierry : Ah bon bah inscrivez-vous à la newsletter alors ! (rires)

Dim Sum sera en concert à Evian le 14 juillet dans le cadre du festival Les Jeudis Electro. Découvrez les remixes et leurs morceaux originaux sur leur compte Soundcloud. Plus d’informations ici.
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Pour en savoir plus :
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